Intervention de Georges Tron devant la promotion 2010-2012 des élèves directeurs d'hôpitaux de Rennes - 04/10/2010
"Il me semble très important d’échanger avec une promotion de futurs hauts fonctionnaires de la fonction publique hospitalière, à l’heure où les évolutions touchant à la gouvernance des hôpitaux publics sollicitent toujours plus leurs compétences, leur sens de l’organisation, et leur capacité à mobiliser l’ensemble des ressources humaines et financières de l’hôpital."
Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui à l’École des Hautes Études en Santé Publique. Je vous remercie très sincèrement, ainsi que votre Directeur et son équipe pédagogique, de m’accueillir dans vos locaux.
J’ai souhaité tout particulièrement venir à votre rencontre, car il me semble très important d’échanger avec une promotion de futurs hauts fonctionnaires de la fonction publique hospitalière, à l’heure où les évolutions touchant à la gouvernance des hôpitaux publics sollicitent toujours plus leurs compétences, leur sens de l’organisation, et leur capacité à mobiliser l’ensemble des ressources humaines et financières de l’hôpital. Aujourd’hui, je veux donc m’adresser à vous en tant qu’élèves-fonctionnaires, mais aussi en tant que futurs gestionnaires.
Monsieur le Directeur, je n’oublie pas pour autant que l’EHESP assume la responsabilité de la formation d’autres catégories de fonctionnaires : les directeurs d’établissement sanitaire, social et médico-social, les directeurs des soins, les ingénieurs hospitaliers, etc. Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter, vous les élèves-directeurs d’hôpital de la promotion 2010 - 2012, pour avoir fait le choix du service public. Vous avez, après une formation universitaire de haut niveau et après bien souvent des années d’efforts et de préparation, été reçus à un concours très difficile et très sélectif.
Vous allez rejoindre dans un peu moins de deux ans des postes de responsabilité dans l’encadrement supérieur de l’hôpital public.
Vous avez fait un choix courageux, car le service public est exigeant. Il ne pardonne ni les faiblesses, ni les carences, ni les lenteurs. Il s’accomplit au bénéfice des citoyens qui acceptent d’y prendre part à travers leurs contributions. S’ils sont souvent fiers de leurs services publics, et s’ils les défendent âprement, ils en attendent qualité, disponibilité, et performance. C’est d’autant plus vrai dans les métiers que vous allez exercer. L’hôpital génère une attente qui va très au-delà de la production de soins de qualité, car elle comporte toujours une dimension humaine très forte.
Votre choix est également un choix de vie et de carrière. Vous avez décidé de consacrer votre vie professionnelle à la haute fonction publique. Vous en attendez -à juste titre-, des satisfactions, et un parcours à la hauteur de vos légitimes ambitions.
Le Gouvernement s’efforce de faire évoluer la fonction publique et de mettre à votre disposition tous les outils qui vous permettront d’atteindre vos objectifs : une administration centrale dont les missions sont rénovées dans le cadre de la RGPP ; des structures territoriales adaptées grâce à la réforme ouverte par la loi HPST ; un management des ressources humaines modernisé par les dispositions des lois relatives à la mobilité, aux parcours professionnels, et au dialogue social dans la fonction publique, permettant notamment de récompenser les efforts personnels et collectifs.
Mais je ne veux pas faire de démagogie. Votre travail sera difficile, dans un contexte budgétaire contraint, sous le regard vigilant de votre hiérarchie, de l’ensemble des personnels de l’hôpital toutes origines et toutes catégories confondues, des organes de contrôle, et aussi des citoyens.
Il faut donc vous y préparer. C’est votre objectif à temps plein.
Alors, comment vous y préparer ? Vous avez déjà commencé à le faire grâce à un premier contact avec votre école et un premier stage de découverte de 3 mois effectué dans un hôpital.
Je veux le souligner ici, avec force et solennité, parce que c’est pour le ministre en charge de la fonction publique un point d’attention extrême : votre école est avant tout une école destinée à l’apprentissage du service public. C’est sa vocation essentielle. Elle fait partie d’un réseau d’écoles dont l’objectif est de former des fonctionnaires qui doivent être opérationnels dès la fin de leur scolarité.
Je l’ai déjà dit, mais je le répète volontiers, votre bagage universitaire est déjà largement garni de diplômes. Il ne s’agit pas, dans une école de fonctionnaires, de l’alourdir. Non, ce que j’attends de votre école, c’est qu’elle vous donne une formation pratique et concrète vous permettant d’affronter le métier que vous avez choisi d’exercer. Ce que j’attends de vous, c’est que vous vous y consacriez tout entier. Bien sûr, il n’est pas interdit d’y ajouter, si vous en avez le temps et les capacités des formations complémentaires qui vous seraient utiles. Mais pendant votre scolarité, l’objectif n’est pas d’accumuler de nouveaux diplômes. Le cœur de votre formation doit correspondre au cœur de votre métier.
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En effet, notre système de formation reste confronté à l’enjeu de la professionnalisation.
Cet enjeu est parfaitement cohérent avec les orientations retenues à la suite du rapport sur la formation initiale des fonctionnaires remis au Gouvernement par Raymond-François Le Bris, en février 2009.
En effet, à partir du constat établi par M. Le Bris, cinq grandes orientations ont été fixées :
* individualiser les formations
* renforcer la professionnalisation des formations
* réduire la durée des formations
* accompagner les jeunes fonctionnaires dans la vie active
* encourager le regroupement ou les rapprochements des écoles de service public.
D’ores et déjà, les ministères et les écoles se sont engagés positivement dans la démarche.
Dans le cadre d’un recrutement de plus en plus professionnel, les écoles doivent proposer aux élèves des cursus de formation plus individualisés qui tiennent compte des savoirs académiques et pratiques déjà acquis, voire des expériences antérieures. De bonnes pratiques existent déjà dans ce domaine, qu’il convient de valoriser. Par exemple ici, à l’EHESP, ou encore dans les IRA, où des mesures d’individualisation sont proposées, comme des tests de positionnement, des cours de soutien, des dispenses de cours sur la base du volontariat des élèves, ou encore des modules adaptés à la prise de poste.
La professionnalisation des formations, quant à elle, devient une priorité dans la plupart des écoles. Nous avons encouragé à poursuivre ce mouvement, à l’accélérer ou l’accentuer là où subsisteraient des éléments d’académisme qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui. La formation initiale n’a pas vocation à reprendre, sous d’autres formes, ce qui a déjà été acquis et vérifié par l’université au moment de l’attribution des diplômes, puis confirmé à l’occasion du concours de recrutement.
Non, la formation initiale a pour but de préparer les élèves fonctionnaires à leur futur métier en s’intéressant au début de la carrière, en facilitant la prise de poste et les premières responsabilités. C’est pourquoi nous encourageons les écoles à alléger les parties théoriques au profit des stages, en consacrant au moins la moitié de la formation à l’apprentissage opérationnel de la pratique professionnelle. Vos stages doivent vous permettre d’observer vos aînés, de leur poser des questions sur leurs pratiques, de vous mettre en situation en bénéficiant de l’expertise de vos tuteurs. Demain, vous serez à leur place, et vous devrez prendre des décisions, parfois dans l’urgence de situations que vous n’aurez pas prévues. Plus vous vous préparerez à l’exercice de la décision, moins vous serez surpris par les aléas.
Les nombreux travaux d’évaluation des formations ont par ailleurs mis en évidence que les formations étaient jugées trop longues ou trop théoriques, en dépit de la professionnalisation croissante évoquée à l’instant. C’est pourquoi nous avons invité vos écoles et leur tutelle à s’interroger sur la durée des formations et à réfléchir à d’éventuelles réductions de celles-ci. Dans cet esprit, et pour comparer avec une école de formation de cadres supérieurs, la scolarité à l’ÉNA vient d’être ramenée de 27 à 24 mois. Vous êtes en formation depuis moins de 9 mois, mais vous avez peut-être un avis sur cette question de la durée des formations. Vous en avez peut-être discuté avec vos camarades des promotions précédentes. J’aimerais, lors de notre discussion de tout à l’heure, recueillir votre avis sur le sujet.
Nous avons aussi souhaité que votre accompagnement dans la vie active, et tout particulièrement dans le premier poste, soit renforcé par une bonne information sur les métiers et les postes offerts à l’issue de la scolarité, ainsi que par un processus d’affectation permettant de renforcer le dialogue entre les employeurs et les élèves et d’assurer le suivi des élèves après leur affectation. Il s’agit de faciliter la compréhension de l’environnement professionnel, et ainsi de renforcer la capacité d’adaptation à l’emploi. Nous estimons que le tutorat, sous ses différentes formes, constitue l’une des clés d’une insertion professionnelle réussie.
Enfin, compte tenu du grand nombre d’écoles préparant à l’exercice des métiers dans les trois versants de la Fonction publique, nous souhaitons que des rapprochements et des synergies s’opèrent. Les sessions inter-écoles, dont vous bénéficierez en tant qu’élèves, permettent de développer une expérience de la mutualisation des formations. Ces rapprochements doivent être renforcés.
La formation des jeunes fonctionnaires constitue une priorité de notre action. Des évolutions sont d’ores et déjà intervenues, mais nous souhaitons aller plus loin.
C’est dans ce sens que le Conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin dernier a arrêté de nouvelles mesures orientées vers la mutualisation des concours et de la formation continue.
S’agissant plus particulièrement de la formation initiale, le Conseil de modernisation des politiques publiques a demandé que les actions engagées en matière de professionnalisation, d’individualisation des formations, et de réduction des durées de scolarité soient poursuivies. En second lieu, les actions visant à rapprocher et/ou à fusionner les écoles de service public seront développées.
Cette démarche s’appuiera sur un bilan précis des mesures mises en œuvre depuis 2009. Une feuille de route interministérielle sera très prochainement élaborée sur le sujet.
Ce vaste chantier de la formation initiale vient compléter les chantiers précédents qui ont porté sur des sujets très importants comme par exemple celui de la révision générale du contenu des concours, à la suite du rapport de Corinne Desforges, ou encore celui de la « diversité », à travers les différentes mesures prises en faveur de l’égalité des chances dans la fonction publique (l’augmentation du nombre d’allocations pour la diversité, la signature le 2 décembre 2008 de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique, le développement des classes préparatoires intégrées).
La reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP), qui trouve toute sa place dans les concours internes et troisièmes concours, s’est très largement développée : plus de 130 voies de recrutement y font désormais référence.
Dans le même temps, les actions de professionnalisation des jurys se sont généralisées. Elles ont permis de mieux équilibrer la composition des jurys et de mieux formaliser les attentes des employeurs à travers des lettres de cadrage et des grilles d’évaluation. Dans ce domaine, la fonction publique est fortement guidée par les recommandations de la HALDE, avec laquelle, le 2 décembre 2008, a été signé un document essentiel : la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique, qui, pour les différents ministères, a valeur de plan d’actions.
Le passage d’une sélection académique, fondée sur les connaissances, à une sélection plus professionnelle, davantage fondée sur les compétences, est décisif en matière de gestion des ressources humaines. Il garantit un meilleur équilibre entre le capital culturel et les compétences pratiques, favorisant l’égalité des chances, et la diversification des profils, gage d’enrichissement humain.
Cette politique d’ouverture et de promotion de l’égalité des chances dans les recrutements a connu d’autres développements, plus récents. La mesure la plus emblématique concerne la création des classes préparatoires intégrées.
Les premières expériences de classes préparatoires lancées par les ministères de l’Intérieur et de la justice, se sont multipliées depuis le discours du Président de la République sur l’égalité des chances, le 17 décembre 2008 à l’École Polytechnique. Cet élan a permis d’apporter un soutien matériel et pédagogique renforcé à des candidats de condition modeste.
A ce jour, il existe 22 classes préparatoires, représentant une capacité d’accueil annuelle d’environ 400 élèves. Elles offrent, pour un grand nombre d’entre elles, des facilités d’hébergement et de restauration, et permettent aux élèves de préparer les concours dans des conditions favorables, ce qui était l’objectif recherché.
Pour sa part, l’EHESP a créé une Classe Préparatoire Intégrée (CPI), ouverte en septembre 2009 pour 15 élèves, préparant à 4 concours, dont 3 concours de la fonction publique hospitalière : directeur d’hôpital, directeur des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, attaché d’administration hospitalière, et un concours de la FPE (inspecteur de l’action sanitaire et sociale). Ainsi, les élèves de cette CPI ont pu prendre part aux épreuves du concours 2010, dont nous suivrons les résultats avec beaucoup d’attention. Au plan national, les premiers résultats sont très encourageants. Par exemple, pour l’accès aux IRA, pour lequel 5 CPI ont été mises en place, ce sont 30% des élèves de ces classes qui ont intégré les Instituts !
Nous étudions actuellement les modalités d’un approfondissement du dispositif, et notamment son élargissement à la préparation aux troisièmes concours, qui permettrait d’atteindre des publics différents, mais répondant tout autant à l’objectif de la mesure (les demandeurs d’emploi, par exemple).
L’ambition du Gouvernement sera d’atteindre, à assez court terme, une capacité d’accueil de l’ordre de 500 places dans les classes préparatoires.
Il m’a paru important de vous indiquer quelles étaient nos orientations en matière de recrutement et de formation des personnels. Aujourd’hui, vous en êtes les bénéficiaires, mais demain vous en serez les prescripteurs pour les agents qui seront placés sous votre autorité et qui attendront de vous que vous les guidiez dans leur parcours de carrière.
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Vous le voyez, les politiques de recrutement et de formation initiale des jeunes fonctionnaires sont pour nous une priorité forte. Il ne faut pas s’en étonner. Nous avons du respect pour la fonction publique et les agents qui la composent.
Nous avons une responsabilité particulière vis-à-vis de la nation : nous devons lui garantir l’excellence des recrutements et de la formation des agents publics, pour proposer un service public dont la qualité et les performances sont à la hauteur des ambitions des citoyens.
Je souhaite conclure en vous souhaitant une scolarité enrichissante, qui vous donnera tous les outils utiles pour réussir votre entrée dans la carrière, et y trouver l’épanouissement professionnel et personnel que vous en attendez.
Mais n’oubliez jamais que les initiatives que vous prendrez feront de vous les acteurs de votre formation. A vous de solliciter vos formateurs et vos maîtres de stage pour profiter le plus possible de leur expérience.
J’aimerais maintenant pouvoir vous entendre sur les différents sujets que je viens d’évoquer : recueillir vos réactions par rapport aux orientations en matière de diversification des recrutements et de professionnalisation des formations, et bien évidemment aussi recueillir votre témoignage et vos attentes par rapport à votre propre formation.
Je vous remercie.
Seul le discours prononcé fait foi
[4/10/10]