Présentation du projet de loi d'habilitation à l'Assemblée Nationale - 08/04/2003
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La réforme de l'Etat est nécessaire et urgente. La réforme de l'Etat est une exigence sociale, politique et économique.
C'est pourquoi notre pays ne doit plus tenter de la différer ou de la fuir faute de volonté et de courage ; notre pays doit pouvoir compter sur un Etat capable d'anticiper ou d'accompagner ses mutations et capable de répondre aux aspirations et aux besoins de nos concitoyens.
Le texte que nous présentons est un élément important de l'édifice de la réforme que le gouvernement a entrepris de construire autour de quatre chantiers ; la décentralisation, la réforme budgétaire et de la gestion publique, la gestion des ressources humaines de l'administration et enfin la simplification de nos procédures administratives.
Qui, en effet, parmi nous n'a jamais pesté contre la complexité, la lenteur ou la lourdeur des procédures ?
Qui n'a pas craint de perdre un temps considérable et démesuré pour une simple formalité administrative ?
Je ne crois, personne, et c'est la raison pour laquelle ce projet de loi est nécessaire ; il est nécessaire parce que le poids excessif de la réglementation en France constitue un archaïsme qui désespère les français et bride l'initiative individuelle ou collective quant il ne la condamne pas.
Ce texte constitue donc une contribution nécessaire au vaste chantier de la réforme de l'Etat que chaque ministre conduit, jour après jour, depuis un an, sous l'autorité du Premier Ministre ; il faut en finir avec ce tropisme bien français d'un Etat que l'on aimerait parfois plus efficace et plus discret.
Il s'agit mesdames et messieurs les Députés de simplifier la vie quotidienne de nos compatriotes.
Il s'agit aussi de réhabiliter la force de la règle de droit car « nul n'est censé ignorer la loi »- tout est dit dans cette courte phrase - la loi est l'expression du peuple, celle de la volonté générale, qui la connaît, non pour la subir mais parce qu'il en est l'auteur par la voix démocratique de ses représentants, citoyens parmi les citoyens.
Or, la Loi, que tous les gouvernements s'appliquent à compliquer avec constance comme si c'était là une marque de grandeur, n'est plus à la portée de l'évidence ou de la compréhension ; trop de lois, trop de lenteurs, trop de textes, trop de bavardages que nous devons collectivement combattre. Sortons de cet enlisement !
Relevons le défi de la compétitivité. Réduisons le délai de prise de décision et d'action. La sphère publique ne doit plus freiner l'initiative privée mais l'accompagner. Trop de procédures neutralisent la richesse des hommes.
Dans ces conditions en effet :
- Comment nos concitoyens peuvent ils avoir le sentiment d'être compris et entendus par les représentants politiques qu'ils ont choisi ?
- Comment l'usager, le citoyen peut il apprécier en connaissance l'étendue de ses droits et devoirs ?
- Comment l'entreprise peut elle de manière éclairée entrevoir son développement ?
- Comment, enfin, les fonctionnaires peuvent ils consacrer l'essentiel de leur énergie et de leurs compétences à l'essentiel alors qu'ils sont inutilement dépassés par l'inflation paperassière ?
Pourtant, nous nous souviendrons peut-être l'année prochaine qu'il y a deux siècles s'écrivait le code civil de 1804 qui reste le fondement de notre droit moderne ; notre pays peut à juste titre se flatter d'une double tradition d'efficacité administrative et de clarté juridique qui fonde l'universalisme de son droit ; vous conviendrez avec moi, mesdames et messieurs les Députés, que sur ce dernier point notre récente pratique ressemble à une lente dérive.
La complexité de notre droit auquel se superpose aujourd'hui le droit européen, celle des procédures qui y sont attachées est un frein à l'efficacité de l'action publique ; la réglementation enserre la vie des français dans une sorte de carcan qui par malheur les fait aujourd'hui douter de l'efficacité de l'action publique. Il faut réagir, c'est le sens du texte que nous vous soumettons aujourd'hui.
Il répond à l'exigence du Président de la République selon lequel « la réforme de l'Etat doit être menée sous le triple signe de l'efficacité, de la proximité et de la simplicité » et par le premier Ministre qui, devant vous, dans son discours de politique générale, soulignait le fait que « la vie des français est devenue trop compliquée » pour ajouter que la première mission de ce gouvernement serait de simplifier son existence.
Ce projet a aussi pour raison de contribuer à simplifier le travail de celles et ceux qui ont pour mission de défendre l'intérêt général, les fonctionnaires de la République auront tout à gagner de cette réforme parce qu'ils sont en effet les premières victimes de la complexité de notre droit, complexité qui les détourne de leurs tâches essentielles quant elle ne les oblige pas à devenir les exégètes ou les interprètes de la règle de droit !
J'observe que l'exaspération de nos concitoyens se reporte naturellement sur eux alors même qu'ils ne font qu'appliquer des mesures parfois incompréhensibles ou pire inapplicables !
Les fonctionnaires ne doivent pas avoir peur de la réforme. La défense du service public passe par la simplification des tâches. L'action publique doit être le partenaire de l'initiative privée.
J'ajoute que cet exercice de simplification auquel contribuent de très nombreux ministères qui ont inspiré et alimenté ce projet constitue une excellente source de nouvelles maîtrises de la dépense publique car, comme partout, ce qui est plus simple est moins coûteux et fait gagner du temps.
Entendons nous, que l'on ne me fasse pas le procès de vouloir masquer des réductions d'effectif derrière l'idée de simplification.
On ne simplifie pas pour réduire les effectifs, on simplifie pour supprimer le temps perdu, les missions inutiles, les procédures interminables...
Le temps est souvent gâché dans des réunions ou le paraître est plus important que le faire. N'accusons pas les fonctionnaires des lenteurs, ce sont les procédures qui sont en cause.
Car, nous devons répondre aussi et, peut-être, surtout aux nouvelles exigences qui se dessinent derrière l'idée d'une administration moderne exclusivement centrée sur les besoins des usagers, citoyens et contribuables. La simplification renforce et garantit l'attractivité des missions des fonctionnaires.
Quelles sont ces exigences ?
- la proximité ; c'est la nouvelle décentralisation voulue par le Premier Ministre et son corollaire la déconcentration c'est-à-dire simplification des démarches pour nos concitoyens, efficacité dans le traitement des dossiers et réduction des délais.
- la confiance et la citoyenneté : Faire confiance, c'est responsabiliser, Responsabiliser, c'est conforter la citoyenneté. Ce sont les règles de base de la vie sociale, il faut que l'Etat fasse davantage confiance aux français afin que ceux-ci fasse à nouveau confiance à l'autorité publique ; c'est pourquoi nous voulons inverser la charge de la preuve, créer une présomption de nationalité française ou faciliter le vote par procuration.
- la clarification des responsabilités. Le citoyen, l'artisan, l'entrepreneur n'a pas à subir les effets de la complexité de l'organisation administrative ; les fonctionnaires n'ont pas à subir cette complexité, je sais aujourd'hui pouvoir compter sur eux pour y parvenir.
- la performance ; elle contribue au paradoxe de notre service public, capable des plus extraordinaires prouesses pour sauver des vies humaines, garantir notre sécurité ou construire un ouvrage d'art et parfois incapable de répondre dans les délais à une demande ou tout simplement d'accueillir convenablement un usager à un guichet.
Il faut aujourd'hui aller vite et répondre à ce qui est une urgence. Le Gouvernement vous demande de l'autoriser à prendre pour l'exécution d'un programme précis et dans une durée limitée des mesures qui relèvent du domaine de la loi. Je souhaite à cet égard que la représentation nationale ne soit pas exclue de l'élaboration des ordonnances, bien au contraire !
Je propose un véritable contrat à celles et ceux qui doutent de l'efficacité de cette méthode. Je les invite à devenir les acteurs de la réforme en vérifiant que le principe de simplification soit l'alpha et l'oméga de cette réforme.
J'entends déjà poindre les critiques que je peux comprendre. Elles seront de plusieurs natures.
Sur le principe même des ordonnances tout d'abord. Elles dénaturent le travail parlementaire et constituent le meilleur moyen pour le pouvoir exécutif d'échapper au contrôle de la représentation nationale en la réduisant à sa plus simple expression.
Sur l'étendue de l'habilitation qui vous est demandée aujourd'hui. « Texte fourre-tout » rassemblant des sujets complexes et tellement différents les uns des autres, laissant ainsi au pouvoir administratif tant de latitude que celle-ci s'apparente à un blanc seing.
Et bien non ! Il n'y aura pas de blanc seing.
Il nous faut dépasser les peurs d'antan pour adopter une nouvelle attitude.
Les françaises et les français réclament le changement, notamment celui de la culture politique. Ils ont placé leur confiance en nous, nous avons par conséquent une obligation de résultat. Ce projet de loi est un moyen d'y parvenir, non une fin en soi.
J'ai donc clairement demandé à Henri Plagnol de s'entourer, à l'issue de ce débat, d'une commission ad hoc composée de parlementaires et chargée de suivre avec exactitude, ordonnance par ordonnance, le bon déroulement de la réforme. L'opposition y aura d'ailleurs toute sa place car la réforme de l'Etat exige que nous dépassions les clivages partisans.
La méthode qui nous a guidé et qui continue de nous animer est bien celle de l'écoute au plus près du terrain. Qu'ils soient élus, fonctionnaires ou usagers, nos interlocuteurs, chacun s'accorde sur la nécessité de simplifier la vie des françaises et des français.
- La méthode.
Aujourd'hui, ce projet de loi délimite le champ des mesures de simplification et fixe pour chacune d'elles leur objet. Ces ordonnances devront être prises d'ici le début de l'année 2004. Les mesures seront précisées au fur et à mesure de la rédaction des ordonnances confiées aux ministres concernés.
Un second projet de loi d'habilitation sera présenté à l'automne. Il comprendra notamment des mesures techniques proposées par les ministres chargés de l'agriculture, de l'équipement et de l'écologie, ainsi que des mesures fiscales et sociales.
Par la suite, la volonté du Gouvernement de maintenir un rythme constant et soutenu de simplification, devrait se traduire par le vote chaque année, au minimum, d'une nouvelle loi d'habilitation qui couvrira de nouveaux thèmes.
Le Gouvernement sollicite en outre l'autorisation de rédiger quatre nouveaux codes selon la technique du droit constant : patrimoine, recherche, tourisme, organisation judiciaire. Le projet prévoit aussi la rédaction de quatre nouveaux codes à droit non constant, c'est-à-dire en intégrant aussi la simplification du fond de la matière. Il s'agit des codes des propriétés publiques, préparé par F Mer, de l'artisanat, préparé par R Dutreil, de la défense par M Alliot-Marie - ainsi que de la révision du code monétaire et financier.
- Contenu
Le premier train d'ordonnances s'articule en cinq axes majeurs :
1. En premier lieu, moderniser les relations entre l'administration et les Français.
- Abréger les délais : les administrations devront s'engager sur le délai qu'elles prendront pour statuer. Il s'agit là de répondre, notamment, à une forte demande des élus locaux et des entreprises.
- Réduire le nombre de commissions administratives: elles sont aujourd'hui 221 ! Il faut s'interroger sur leur raison d'être et recentrer leurs priorités pour qu'elles soient le lieu d'une véritable concertation efficace.
- Mutualiser les informations entre administrations afin que l'usager n'ait pas à présenter plusieurs fois les mêmes pièces.
- Faire confiance aux Français en les responsabilisant: des déclarations sur l'honneur seront substituées aux justificatifs en contrepartie de procédures de contrôles a posteriori.
- Moderniser les règles d'entrée en vigueur des lois.
2. En deuxième lieu, simplifier les démarches administratives de la vie quotidienne.
- Assouplir le vote par procuration en acceptant désormais la déclaration sur l'honneur et ne plus exiger des pièces souvent impossibles à fournir.
- Simplifier le régime des élections professionnelles, notamment les prud'homales.
- Créer une présomption de nationalité française pour nos compatriotes nés à l'étranger.
- Créer un guichet unique pour le permis de chasser.
- Unifier le minimum vieillesse, en réduisant les éléments de calcul - neuf organisés en deux étages - à une allocation unique.
3. En troisième lieu, il nous faut, simplifier la vie des entreprises.
- Expérimenter la création d'un titre unique emploi simplifié et d'un guichet unique pour certaines professions.
- Harmoniser et réduire les cas d'exonération de cotisations sociales, alors qu'il existe aujourd'hui 36 régimes différents !
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. En quatrième lieu, nous devons encore simplifier l'organisation et le fonctionnement du système de santé en facilitant la mise en oeuvre du plan hôpital 2007 :
- Grâce à une simplification des procédures d'investissement public qui entraînera une accélération des délais de réalisation et une diminution des coûts.
- Grâce à un allégement de la planification hospitalière et à une coopération sanitaire rendue plus large et plus efficace.
5. En cinquième lieu, la modernisation de l'équipement public exige l'adaptation de la commande publique grâce au renouveau du partenariat public-privé. Nous souhaitons :
- Simplifier le code des marchés publics en s'alignant sur les règles européennes et en éliminant les contraintes d'origine nationale.
- Favoriser le recours au partenariat public/privé, en autorisant notamment la conclusion de contrats globaux (conception /réalisation/maintenance) et le recours au crédit-bail.
Mais me direz vous sans doute, le Gouvernement doit-il limiter son action à la seule simplification des textes en vigueur ? Ne doit il pas, ne devons nous pas tous ensemble réfléchir à une action sur les cause de la prolifération normative ? N'est il pas nécessaire de prévenir la renaissance des dérives que nous combattons aujourd'hui ?
En d'autres termes, il convient de revenir à la source en se demandant : comment mieux légiférer, comment mieux gouverner ?
Le premier ministre, vous le savez est attaché à l'idée de « meilleure régulation et d'une meilleure gouvernance». Les administrations et les parlementaires doivent, avant d'élaborer de nouveaux textes, imaginer une nouvelle méthode de travail : la norme proposée est elle vraiment utile ? N'existe-t-il pas des alternatives ? Son application sera-t-elle rapide et peu coûteuse ?
L'évaluation et le contrôle doivent donc devenir les fils directeurs de l'action publique. Il nous faut envisager d'évaluer les textes un an après leur entrée en vigueur et enfin veiller à ce que les décrets soient publiés dans des les plus brefs délais de façon à ce que le Gouvernement ne s'attribue point une sorte de droit de veto inconstitutionnel sur les délibérations parlementaires.
Je préciserai que la réforme de l'Etat ne doit plus être pour nos concitoyens une notion abstraite, chacun doit pouvoir la définir, en connaître les contours, que seuls des objectifs communs à l'Etat, aux usagers, aux fonctionnaires, aux entreprises en garantira l'efficacité.
Sensibilisons nos concitoyens en répondant à leurs attentes, ne négligeons pas la simplification des démarches administratives, qui je le rappelle, est l'axe prioritaire de la réforme l'Etat selon les français.
Enfin, je tiens à remercier Henri Plagnol et son équipe pour le travail qu'il a effectué.
Grâce à la mobilisation des parlementaires, des préfets, des citoyens, des fonctionnaires ... la réforme de l'Etat n'est plus un slogan. Elle s'appuie sur le bon sens, cette loi ne nous appartient pas, elle vous appartient, vous, qui avez été nombreux à apporter vos contributions. Grâce à vos réflexions, la réforme est amorcée.
Seul le discours prononcé fait foi.
[08/04/03]