Deuxième table ronde avec les organisations syndicales de fonctionnaires sur le thème de la rénovation du dialogue social - 27/01/2004
Mesdames, Messieurs,
En ouvrant cette rencontre, je salue la reprise du dialogue entre nous et je me réjouis du climat de travail qui anime nos discussions. La séance du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat tenue le 22 janvier en témoigne. Les organisations syndicales ont utilisé largement le droit d'amendement et le Gouvernement, en retenant plusieurs d'entre eux, a pris l'engagement de modifier le texte. Plusieurs dispositions importantes ont ainsi été retenues sur l'initiative de vos fédérations : je citerais le temps partiel de droit et la retraite anticipée des personnes handicapées. Je pense que c'est la bonne manière et que nos travaux futurs pourraient s'en inspirer.
Avant d'aborder l'ordre du jour, je vous propose de prendre acte du relevé de conclusions de la réunion qu'avait tenu avec vous mon directeur de cabinet le 13 janvier sur l'amélioration des procédures et l'augmentation des moyens mis à votre disposition. Ce document vous a été transmis et n'a pas fait l'objet de remarques ; j'en prends donc acte et je m'engage, au nom du Gouvernement, à l'appliquer. Vous recevrez d'ici à quelques jours un courrier vous le transmettant officiellement.
Je voudrais également répondre à des interrogations que vous avez exprimées lors de la table ronde du 9 janvier, sur lesquelles il me paraît utile de revenir pour éviter tout malentendu entre nous.
Tout d'abord, la question des « carrières longues » a été évoquée au cours d'une réunion du groupe de travail constitué pour cerner le problème dans les fonctions publiques. Je vous indique que, par-delà le constat chiffré qui lui a été présenté, le groupe a vocation à continuer ses travaux pour explorer les hypothèses techniques d'adaptation à la fonction publique de la solution appliquée aux salariés du secteur privé. Je souhaite que le groupe détaille la faisabilité des différentes solutions. Nous devons regarder comment rendre compatibles les attentes des agents et les contraintes, notamment de gestion, des employeurs publics, pour parvenir à une solution praticable. Le Gouvernement se déterminera au vu de ces hypothèses.
Ensuite, la question salariale a été abordée. Comme je l'ai dit dans mon message de voeux le 14 janvier, le débat sur la refondation des règles de la négociation salariale, s'inscrit dans notre souci de pouvoir mieux associer les agents à l'exercice de leur mission.
La rémunération au mérite, ou en fonction des résultats, comme l'on voudra, peut s'appliquer sans difficulté aux cadres supérieurs, ainsi que le Gouvernement vient de le décider. Pour les autres agents, ainsi que le Président de la République vient de le rappeler devant les corps constitués, la prise en compte de la manière de servir est déjà présente dans le statut, sous la forme de la notation et de l'avancement modulé. Pour aller plus loin, la récompense du travail collectif d'un service peut prendre la forme d'un intéressement ou d'un retour budgétaire vers le service pour améliorer les conditions de travail.
Cette question ne doit pas occulter le coeur du débat, qui est en réalité la régulation des masses budgétaires en fonction de la croissance et des possibilités des employeurs publics, tout en veillant à conserver la notion de carrière et de maintien du pouvoir d'achat des agents.
Nous devons trouver les modalités de la discussion, je dirai même de la négociation, pour aborder cette question en 2004. Le rendez-vous ne sera pas éludé. Les modalités de ce rendez-vous me paraissent pouvoir être examinées avec pragmatisme et sans préjugé. Je suis prêt à en discuter avec vous, sur une base qui nous permette de poser préalablement le cadre méthodologique de la négociation salariale. Je l'ai déjà dit, je suis favorable à la tenue de rendez-vous salariaux annuels et obligatoires dans la fonction publique.
Pour y parvenir, le cadre de la négociation doit être redéfini. C'est la position du Gouvernement, que j'ai déjà eu l'occasion de vous exprimer. Sur la manière de le mettre en place, je n'ai pas de crispation sur la procédure :
Les modalités peuvent varier : on peut imaginer, par exemple, une discussion de méthode préalable à une négociation salariale, une « avant-négociation », en quelque sorte, ou encore une négociation en deux étapes successives. Je pense que nous devons approfondir ce point pour nous organiser.
Dans l'immédiat, je souhaite que nous puissions installer rapidement un observatoire chargé de regarder les rémunérations avec le souci de constituer une base statistique objective et partagée. Il peut s'agir, là aussi, d'un organisme nouveau ou d'un élargissement des missions d'un outil existant. Je souhaite que nous tranchions ce débat dans des délais qui permette le lancement rapide des travaux qui seront nécessaires pour nous aider dans nos discussions futures.
J'en viens maintenant à l'objet de notre rencontre. Je pense comme beaucoup d'entre vous qu'il est maintenant obligatoire de fixer sans tarder de nouvelles règles de vie collective dans les fonctions publiques. Je souhaite que nous passions d'une logique de la confrontation à une logique de la responsabilisation mutuelle, tout en veillant à bien identifier les frontières du champ politique et du champ syndical.
Nous manquons cruellement des outils de régulation sociale indispensables pour affronter les défis que nos démocraties subissent dans un monde en évolution rapide.
Au sein de la fonction publique, je pense qu'il nous faut installer les conditions d'une discussion adulte et responsable. La culture du débat est encore embryonnaire dans l'administration. Trop souvent, les formations syndicales se déterminent en opposition à des projets ressentis comme agressifs, et ne recherchent pas toujours la voie de la discussion perçue comme une forme de cogestion ; de l'autre côté, les gestionnaires sont encore souvent imprégnés de la culture du pouvoir exclusif, et refusent le débat authentique avec des syndicats qu'ils ne perçoivent pas comme des partenaires sociaux, mais comme des adversaires.
Nous devons faire des pas convergents pour arriver à construire un espace de travail. Je ne suis pas à la recherche d'un consensus factice, ou d'une complicité artificielle...il ne faut pas se méprendre sur mes intentions à votre égard. Ce que je souhaite, c'est que chacun, dans le respect de son rôle et de son identité, participe à un débat ouvert et constructif dans le cadre d'une méthode fondée sur le respect mutuel, sans concessions mais sans préjugé.
Les employeurs publics et les syndicats de fonctionnaires ne sont pas tenus de s'entendre. Mais ils ont le devoir partagé d'avancer ensemble sur le chemin du dialogue dans l'intérêt du service public. Les rapports entre les uns et les autres seront facilités si les règles actuelles évoluent dans la direction de la sincérité et de l'efficacité.
Je vous propose d'entamer aujourd'hui cet important chantier qui portera sur les trois fonctions publiques. Il n'est pas délimité dans le temps, mais il me paraît raisonnable de déboucher avant l'été sur des conclusions opérationnelles. Le travail pourra prendre plusieurs formes. Je propose que nous nous puissions nous revoir le 12 février dans cette formation pour fixer les grands axes de travail et qu'un groupe soit constitué pour détailler les points techniques. Puis nous nous réunirons de nouveau afin de conclure.
Vos contributions seront les bienvenues pour nourrir notre réflexion. Nous disposons du rapport du Président Fournier. Le Conseil d'Etat et d'autres institutions ont également apporté leur contribution. Tous ces éléments nous seront utiles.
De mon côté, je suis attaché à faire évoluer le droit et la pratique dans trois directions :
En premier lieu, l'organisation et le fonctionnement des organes représentatifs me paraît devoir être revu. J'aborde ce sujet sans arrière-pensées. La composition, les missions, les pouvoirs, de ces organes, en particulier des comités techniques paritaires, sont à examiner. De même, je réunirai un inter-conseil des trois conseils supérieurs pour présenter les grandes lignes du projet de loi sur la fonction publique avant se saisir officiellement pour avis les trois conseils.
Ensuite, le dialogue social au niveau local doit être l'objet de nos attentions. J'ai invité la semaine dernière les préfets, devant lesquels j'intervenais, à réunir les commissions locales interministérielles de coordination, les CLIC, et à mener avec les représentants des syndicats des discussions sur les thèmes d'actualité. Pour aller plus loin, j'ai confié à l'inspection générale de l'administration la mission de me fournir d'ici à deux mois un rapport dressant le bilan du fonctionnement du dialogue social dans les administrations déconcentrées. Ce rapport devra formuler des propositions d'amélioration que nous joindrons à notre discussion.
La troisième voie que je voudrais aborder porte plus largement sur la négociation. Je désire que nous nous interrogions sur le champ, la technique, le rythme, la portée, de la négociation dans la fonction publique. Dans le domaine salarial, comme je l'ai dit au début de la réunion, et dans les matières non statutaires, des pistes nouvelles sont à explorer.
Par-delà ces aspects, la place respective des différents employeurs publics est un des points qui sont à traiter. Il n'est plus concevable que l'Etat décide seul de tous les sujets qui se posent dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière. J'ai pris l'initiative d'installer à l'automne dernier un collège des employeurs publics. J'envisage d'aller plus loin dans la continuité de nos travaux.
Mesdames et Messieurs, je veux rénover le dialogue social, mais je veux aussi le pratiquer. C'est pourquoi, outre les sujets que j'ai évoqués au début de mon allocution, je vous propose de travailler sur les point suivants :
D'abord, je veux faire figurer dans des textes les éléments de la modernisation de la fonction publique qui sont nécessaires pour accompagner la réforme de l'Etat, au sens large du mot. Beaucoup d'aspects relèvent de la matière réglementaire, mais le passage par la loi est indispensable pour les points les plus importants. Le travail de concertation a été engagé hier par mon cabinet et les services de la DGAFP sur ce qui deviendra dans le courant du printemps un projet de loi. Cette concertation sera approfondie et je désire qu'elle soit exemplaire dans son esprit et son contenu.
Ensuite, j'examinerai les résultats des travaux du groupe sur la pénibilité qui reprend en fin de semaine. J'en tirerai les conclusions le moment venu, et je n'exclus pas qu'une négociation vienne le prolonger si nous disposons d'un matériau suffisant.
Le Gouvernement a pris des décisions sur la gestion de l'encadrement supérieur. Je suis désireux de traiter maintenant les questions qui se posent au sujet de la gestion de l'encadrement intermédiaire. Ce travail sera lancé dans le courant du premier trimestre.
Dans le même délai, je vous convie à une négociation sur la formation des fonctionnaires. Au moins deux éléments pourraient y figurer : d'abord, il me paraît indispensable, ainsi que plusieurs fédérations l'ont exprimé dans notre précédente réunion, de transposer dans la fonction publique les avancées dont bénéficieront les salariés du privé à la suite de l'accord entre les partenaires sociaux et le vote du projet de loi piloté par mon collègue François Fillon. Ensuite, je suis partisan de placer la formation au centre de la gestion des ressources humaines et d'en faire un véritable outil de modernisation du service public.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les indications que je voulais vous donner. Avant de vous inviter à me répondre, je renouvelle ma confiance dans le rétablissement du dialogue entre nous et je souhaite qu'il soit concrétisé par des résultats rapides.
Je vous remercie de votre attention.
Seul le discours prononcé fait foi.
[27/01/04]