La discipline dans la fonction publique de l’État

Autres pages | Publié le 23 septembre 2022 | Mis à jour le 13 janvier 2023

Tout agent public qui ne respecte pas ses obligations professionnelles s’expose à une sanction disciplinaire. Il bénéficie de règles qui garantissent ses droits de la défense.

La faute disciplinaire

Toute faute commise par un agent dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale.

La faute donnant lieu à sanction peut consister en un manquement aux obligations posées par la loi ou la jurisprudence administrative ou encore en un agissement constituant en même temps une faute pénale.

D'une manière générale, il y a faute disciplinaire chaque fois que le comportement d'un agent entrave le bon fonctionnement du service ou porte atteinte à la considération du service dans le public.

Il peut s'agir d'une faute purement professionnelle, mais également d'une faute commise en dehors de l'activité professionnelle (comportement incompatible avec l'exercice des fonctions ou comportement portant atteinte à la dignité de la fonction).

En revanche, ne constituent pas des fautes passibles de sanctions disciplinaires :

  • l'insuffisance professionnelle ;
  • les comportements répréhensibles imputables à un état pathologique si l'agent n'était pas responsable de ses actes lors de la commission des faits ou imputables à un événement imprévisible, indépendant de la volonté de l’intéressé et insurmontable  ;
  • les faits couverts par l'amnistie.

Articles L. 530-1 du code général de la fonction publique et 43-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986

Faute disciplinaire et faute pénale

Le droit disciplinaire est autonome par rapport au droit pénal. Le pouvoir disciplinaire et la répression pénale s'exercent donc distinctement :

  • un même fait peut justifier à l'encontre de la même personne une sanction pénale et une sanction disciplinaire ;
  • l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'est pas liée par la décision intervenue au pénal, sauf en ce qui concerne la constatation matérielle des faits.

Prescription des faits

Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction.

En cas de poursuites pénales, ce délai de 3 ans est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé le délai de 3 ans éventuellement interrompu par la procédure pénale, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire.

Articles L. 532-2 du code général de la fonction publique et 43-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986

Pouvoir disciplinaire

Sauf délégation, le pouvoir disciplinaire appartient en principe à l’autorité investie du pouvoir de nomination du fonctionnaire et à l’autorité qui procède au recrutement de l’agent contractuel.

Articles L. 532-2 du code général de la fonction publique et 44 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986

L’enquête

Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, sauf en cas d’agissements qualifiés de violences sexistes et sexuelles, l’enquête demeure néanmoins indispensable car la sanction doit être motivée en fait et en droit et c’est à l’administration qu’il appartient de démontrer que les faits reprochés ont existé et qu’ils méritent d’être sanctionnés. C’est sur elle que repose la charge de la preuve de l’existence des faits reprochés.

L’enquête va permettre, dans un premier temps, de vérifier la réalité matérielle des faits reprochés et de vérifier leur imputabilité à l’agent. La responsabilité de l’intéressé peut être écartée ou atténuée, si les faits reprochés sont dûs :

  • soit à un événement imprévisible, indépendant de la volonté de l’intéressé et insurmontable ;
  • soit à un état pathologique entraînant son irresponsabilité totale ou partielle.

Cette enquête va permettre dans un second temps de qualifier les faits reprochés, c’est-à-dire d’identifier l’obligation professionnelle enfreinte et de retenir la qualification du manquement qui lui correspond.

Le fait qu'un agent soit en congé de maladie n'empêche pas l'administration d'engager une procédure disciplinaire à son égard.

La suspension pour faute grave

La suspension est une mesure conservatoire et provisoire. Elle ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire et, à ce titre, n'est pas soumise aux garanties disciplinaires. La suspension ne peut être prononcée qu'en cas de faute grave ou d'infraction pénale. Le pouvoir de prononcer la suspension de fonctions appartient à l'autorité de nomination du fonctionnaire ou de recrutement de l’agent contractuel.

La situation de l’agent public doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois (pour l’agent contractuel, elle ne peut de plus excéder la durée du contrat restant à courir). Lorsqu’à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé est rétabli dans ses fonctions, sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales.

Le fonctionnaire suspendu par le pouvoir disciplinaire conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial et les prestations familiales obligatoires. L’agent contractuel suspendu par l'autorité dotée du pouvoir de procéder au recrutement conserve sa rémunération, ainsi que les prestations familiales obligatoires.

La suspension ne rompt pas le lien unissant l'agent à l'administration. Le fonctionnaire, qui reste en position d’activité, et l’agent contractuel continuent de bénéficier de l'ensemble des droits reconnus par les dispositions qui les régissent et demeurent également soumis à leurs obligations, notamment l'obligation de réserve. La suspension ne peut pas être rétroactive et prend effet à compter de sa notification.

L’agent public qui n'est pas rétabli dans ses droits en raison des poursuites pénales, peut subir une retenue sur sa rémunération qui ne peut être supérieure à la moitié de celle-ci. L’agent public qui, en raison des procédures disciplinaire ou pénale dont il fait l’objet, subit une retenue sur rémunération et qui ne fait l’objet d’aucune sanction pénale ou disciplinaire au terme des procédures engagées à son encontre, peut prétendre au remboursement des retenues effectuées sur sa rémunération.

La suspension prend fin dans trois hypothèses :

  • À tout moment avant le terme des quatre mois : l'administration a toujours la possibilité de lever une mesure de suspension, s'il lui apparaît que l’agent peut rejoindre son poste sans inconvénient pour le fonctionnement du service. La levée de la suspension n'a pas pour effet obligatoire l'abandon des poursuites disciplinaires ;
  • En cas de décision à l'issue de la procédure disciplinaire : la suspension prend normalement fin quand l'autorité hiérarchique compétente a statué sur le cas de l’agent suspendu à l'issue de la procédure disciplinaire ;
  • Par le rétablissement dans les fonctions à l'issue du délai de quatre mois ou à l’issue des poursuites pénales : l’agent suspendu, à l'issue des quatre mois de suspension, est rétabli dans ses fonctions. Par exception, en cas de poursuites pénales, le rétablissement interviendra à la fin des poursuites, c’est-à-dire lorsque l’action publique est éteinte, sans que cela fasse obstacle au prononcé d’une sanction disciplinaire si l’autorité compétente l’estime fondée et nécessaire.

La procédure disciplinaire

Information

L’agent doit être informé de :

► des faits reprochés (et de la sanction envisagée) ;

► son droit à communication du dossier complet ;

► la faculté de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ;

► la faculté de présenter des observations écrites ou orales ;

► la possibilité de consulter l’intégralité de son dossier individuel qui doit comporter toutes les pièces intéressant sa situation administrative, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité (NB : le dossier ne saurait faire état des opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses de l’intéressé, ni des sanctions amnistiées ou effacées).

Articles L. 531-1 à L. 531-5 du code général de la fonction publique et 43 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986

Le conseil de discipline

Aucune sanction disciplinaire autre que l'avertissement, le blâme ou l’exclusion de fonctions d’un maximum de trois jours ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté.

Cet organisme est saisi par un rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire indiquant les faits reprochés à l’agent et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. Il est convoqué par le président du conseil de discipline 15 jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Sont appelés à délibérer :

  • Pour les fonctionnaires, seuls les représentants du personnel de la commission administrative paritaire (CAP) représentant la catégorie du fonctionnaire poursuivi, même s’ils n’ont pas le même grade que le fonctionnaire poursuivi (depuis le 1er janvier 2022), ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration ;
  • Pour les agents contractuels, seuls les représentants du personnel de la commission consultative paritaire (CCP) occupant un emploi de la catégorie hiérarchique au moins égale à celle de l'agent dont le dossier est examiné, ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration.

Les membres de la formation du conseil de discipline réunie pour l’examen de la situation d’un agent mis en cause assistent à la totalité de la séance. En tout état de cause, un membre momentanément absent durant la séance ou rejoignant l’assemblée en cours de séance ne prendra pas part à la délibération. L'administration n'a pas à notifier à l’agent poursuivi le nom des membres composant le conseil de discipline et il n'a aucun droit de récusation. En vertu du principe d’impartialité, ne doivent toutefois pas siéger des agents ayant manifesté une animosité particulière envers l’agent poursuivi.

L’agent poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, se faire assister ou représenter par un ou plusieurs défenseurs de son choix et citer des témoins. Tout témoin cité dans le cadre d'une procédure disciplinaire peut demander à être assisté par la personne de son choix lorsqu'il s'estime victime de harcèlement ou de discrimination de la part de l’agent poursuivi.

Le conseil de discipline délibère en l'absence de l’agent poursuivi, de son ou ses défenseurs et des témoins. Il prend sa décision à la majorité des membres présents.

Cet organisme rend un avis qui doit être motivé et transmis à l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Celle-ci n'est pas liée par cette proposition, mais ne peut infliger que les sanctions prévues par les textes.

Les sanctions

La sanction ne peut être rétroactive. Plusieurs sanctions ne peuvent être prononcées à raison des mêmes faits, sauf lorsque l’agent relève d’un double régime disciplinaire (par exemple : le fonctionnaire qui par ailleurs est stagiaire dans un autre corps). La sanction doit être proportionnée à la faute commise. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l’ensemble des éléments de faits et de droit sur lesquels elle repose : le descriptif des faits reprochés et la mention des textes visés. L’agent doit en effet pouvoir comprendre la raison pour laquelle il est sanctionné, dès la première lecture de la décision. Aucune sanction ne peut prendre effet avant la date à laquelle elle est portée à la connaissance de l’agent. L'autorité ayant pouvoir disciplinaire peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision de sanction du fonctionnaire et ses motifs.

Les sanctions applicables aux fonctionnaires sont classées en quatre groupes

  • Avertissement ;
  • Blâme ;
  • Exclusion temporaire de fonctions d’un maximum de 3 jours.

  • Radiation du tableau d'avancement ;
  • Abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ;
  • Exclusion temporaire de fonctions (de 4 à 15 jours) ;
  • Déplacement d'office.

  • Rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par le fonctionnaire ;
  • Exclusion temporaire de fonctions (16 jours à 2 ans).

  • Mise à la retraite d'office ;
  • Révocation.

La radiation du tableau d'avancement peut être prononcée à titre de sanction complémentaire d'une des sanctions des deuxième et troisième groupes.

L'exclusion temporaire de fonctions, privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins d'un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée durant cette même période à l'encontre de l'intéressé (ou durant une période de trois ans en cas d’exclusion de fonctions du premier groupe), ce dernier est dispensé définitivement de l'accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis.

Les sanctions applicables aux agents contractuels

  • Avertissement ;
  • Blâme ;
  • Exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;
  • Exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre jours à six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et de quatre jours à un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ;
  • Licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement.

L'exclusion temporaire de fonctions est privative de la rémunération. Elle peut être assortie d'un sursis total ou partiel d'une durée maximale d'un mois lorsqu'elle est prononcée à l'encontre d'un agent sous contrat à durée indéterminée. L'intervention d'une nouvelle sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant une période de cinq ans après le prononcé de la première sanction entraîne la révocation du sursis. Cette période est ramenée à trois ans si le total de la sanction d'exclusion de fonctions assortie du sursis n'excède pas la durée de trois jours.

Inscription et effacement de la sanction au dossier du fonctionnaire et de l’agent contractuel

Seul l'avertissement n'est pas inscrit au dossier de l'agent public. Le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours sont effacés automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période.

L'agent public ayant fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée supérieure à trois jours peut, après dix années de services effectifs à compter de la date de la sanction disciplinaire, introduire auprès de l'autorité investie du pouvoir disciplinaire dont il relève une demande tendant à la suppression de toute mention de la sanction prononcée dans son dossier. Un refus ne peut être opposé à cette demande qu'à condition qu'une autre sanction soit intervenue pendant cette période.

Recours

Un agent qui s'estime frappé d'une sanction abusive peut présenter un recours gracieux auprès de l'autorité qui a infligé la sanction : celle-ci peut la maintenir, l'atténuer ou la retirer dans les conditions de droit commun. Le supérieur hiérarchique appelé à exercer son contrôle sur la légalité d'une décision de sanction prise par son subordonné peut annuler la décision litigieuse, la maintenir ou la rapporter.

Le recours ne suspend pas l'exécution de la sanction. Le recours doit être intenté dans le délai de 2 mois à compter de la date de notification de la décision litigieuse (prorogation si recours gracieux). Le juge administratif vérifie :

  • Si l'auteur de l'acte était compétent
  • Si les règles de forme et de procédure ont été respectées
  • L'exactitude matérielle des faits
  • S'il n'y a pas eu violation de la loi, détournement de procédure ou de pouvoir
  • S'il n'y a pas eu erreur manifeste d'appréciation
  • Si l'agent était responsable de ses actes lors de la commission des faits, en cas d'altération des facultés ou de troubles pathologiques.

Le référé-suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative) donne la possibilité, à l’occasion d’un recours contentieux contre la sanction, d’en demander la suspension jusqu’au jugement de l’affaire au fond. Le juge des référés prononce cette suspension lorsqu’il y a urgence et lorsqu’est invoqué un moyen de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision.

La commission de recours disciplinaire du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État a été supprimée par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Articles L. 532-1 à L. 532-6 ; L. 533-1 à L. 533-6 du code général de la fonction publique ;  articles 1-2 (IV 3° et VI), 43-2 et 44 décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 et décret n° 84-961 du 25 octobre 1984)

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