Les grands axes de la réforme de la haute fonction publique
Autres pages | Publié le 21 septembre 2022 | Mis à jour le 24 janvier 2023
Ambitieuse et globale, la réforme de la haute fonction publique s’organise autour de trois axes principaux.
Premier axe
La rénovation du recrutement et de la formation des cadres supérieurs afin d’accroître la diversité du recrutement, la professionnalisation de l’encadrement supérieur par la formation, et l’ouverture de la formation sur l’université.
La mesure emblématique est la création de l’Institut national du service public (INSP), établissement public administratif national qui a pris la succession de l’École nationale d’administration (ENA) par l’ordonnance du 2 juin 2021, précisée par le décret n° 2021-1556.
La création de l’INSP offre un cadre institutionnel renouvelé, dont l’organisation même traduit une ouverture inédite, notamment vers le monde académique et de la recherche, en France, en Europe et à l’international.
Si certaines des missions de l’ENA sont confirmées (comme la formation initiale des cadres supérieurs), d’autres sont des novations :
- l’INSP propose ainsi un « tronc commun » aux écoles de service public formant les cadres supérieurs des trois versants de la fonction publique et de la magistrature, afin de créer une culture commune à l’ensemble des cadres supérieurs dès leur formation initiale
- il est désormais en charge de proposer une offre de formation continue destinée aux cadres supérieurs de la fonction publique et doit promouvoir des activités de recherche dans les domaines de l’action publique, nouer des partenariats avec des universités de dimension internationale.
Deuxième axe
La dynamisation des carrières par une vision renouvelée de l’encadrement supérieur, le décloisonnement et la valorisation des expériences opérationnelles.
La lutte contre les silos administratifs, qui limitent les parcours de carrière et sont facteurs de cloisonnements dans les approches et les visions managériales, constitue le deuxième axe fort de la réforme. Elle se traduit par une série de mesures structurantes qui réorganisent les déroulements de carrière en renforçant la fonctionnalisation des emplois.
Cet axe s’est d’abord traduit par la création du corps des administrateurs de l’État (décret n° 2021-1550), corps à vocation interministérielle devenu le « corps socle » de l’encadrement supérieur de l’État, dont les membres sont formés par l’INSP. Dans l’exercice de leurs fonctions, les administrateurs de l’État exercent des missions de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques publiques. Ils sont chargés de fonctions supérieures de direction, d’encadrement, d’expertise et de contrôle.
Le décret organise l’intégration des corps des administrateurs civils et des conseillers économiques dans le corps des administrateurs de l’État à compter du 1er janvier 2022. Il place en extinction, à compter du 1er janvier 2023, les corps des sous-préfets, des préfets, des conseillers des affaires étrangères, des ministres plénipotentiaires, de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration au ministère de l’intérieur, de l’inspection générale de l’agriculture, de l’inspection générale des affaires culturelles, des inspecteurs généraux et inspecteurs de l’administration du développement durable, du contrôle général économique et financier, des administrateurs des finances publiques, des administrateurs du Conseil économique, social et environnemental, de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Pour les membres de ces corps mis en extinction à compter du 1er janvier 2023, il prévoit notamment l’exercice d’un droit d’option pour intégrer le nouveau corps des administrateurs de l’État ouvert jusqu’au 31 décembre 2023.
Cette vision renouvelée de l’encadrement supérieur ne s’arrête pas aux frontières, même élargies, du corps des administrateurs de l’État. Elle se traduit également par une nouvelle définition du périmètre de l’encadrement supérieur de l’État (décret n° 2022-760). Ce décret fixe la liste des emplois, corps et fonctions mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 412-1 du code général de la fonction publique et précise les critères de détermination des catégories d’agents de l’encadrement supérieur de l’État. À cette fin, il entend dépasser la vision purement statutaire et saisir aussi la réalité des responsabilités exercées.
La réforme s’est également appuyée sur la création de statuts d’emploi, qui visent à ouvrir les recrutements tout en garantissant leur adéquation aux exigences des postes à pourvoir :
- Création du statut d’emploi des inspections générales ou de contrôle (décret n° 2022-335) : le décret fixe les dispositions communes à l’ensemble des emplois au sein des services d’inspection générale ou de contrôle, ainsi que les dispositions relatives aux chefs de ces services. Il prévoit les modalités de sélection des candidats à ces emplois, en définit le vivier et fixe les conditions d’expérience professionnelle exigées pour les occuper
- Création du statut d’emploi des sous-préfets et des préfets (décret n° 2022-491) : le décret fixe le cadre réglementaire applicable aux emplois de préfets et de sous-préfets en matière de nomination, de classement des emplois et de modalité de gestion sur ces emplois. Le décret prévoit dans le même temps des dispositions et sujétions spécifiques liées à l’exercice des fonctions de préfet et de sous-préfet.
- Création des statuts d’emplois diplomatiques (décret n° 2022-561) : le texte fixe les modalités de mise en extinction des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires et crée, en les fusionnant, le nouveau corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires. Par ailleurs, ce décret modifie les conditions d’accès aux emplois de chefs de mission diplomatique ainsi que le dispositif de la disponibilité spéciale.
- Création du statut de certains emplois des finances publiques (décret n° 2022- 644) : le décret prévoit la création d’un statut d’emploi pour les emplois de directeur d’un service déconcentré de la direction générale des finances publiques, de délégué du directeur général des finances publiques, de contrôleur budgétaire et comptable ministériel, de directeur d’un service à compétence nationale rattaché à la direction générale des finances publiques, ainsi que les emplois de responsable régional de la politique immobilière de l’État, et des emplois de chef de pôle ou de directeur adjoint de services déconcentrés ou à compétence nationale.
La réforme entend valoriser les mobilités et l’exercice de fonctions opérationnelles dans les carrières. Les cadres supérieurs devront ainsi connaître les administrations avant d’exercer des fonctions de contrôle, d’inspection et juridictionnelles. C’est le sens de la fonctionnalisation des corps d’inspection, l’accès aux services d’inspection aura lieu structurellement en « allers-retours » tout au long de la carrière administrative. Dans la même optique, l’accès direct au Conseil d’État et à la Cour des comptes à la sortie de l’INSP sera supprimé à compter de 2023. Concrètement, pour accéder au Conseil d’État comme à la Cour des comptes, il faudra avoir occupé au moins un poste opérationnel avant de pouvoir postuler à un emploi au Conseil d’État ou à la Cour des comptes, puis pour candidater à l’intégration dans le corps. Pour l’auditorat, il faudra faire état d’au moins deux ans de services publics effectifs, et après passage par une sélection, trois ans comme auditeur, les auditeurs devront être validés par une commission d’intégration indépendante, dont le choix s’imposera au pouvoir politique. La condition d’avoir exercé sur le terrain avant de juger s’appliquera également aux magistrats des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes recrutés à l’issue de l’INSP.
La valorisation des fonctions opérationnelles et des mobilités dans la construction des parcours de carrière passera par des voies juridiques et statutaires : les mobilités deviennent obligatoires pour la promotion des administrateurs de l’État et sont valorisées dans le cadre des nouvelles lignes directrices de gestion interministérielles.
Les lignes directrices de gestion interministérielle pour l’encadrement supérieur (LDGI)
Les LDGI pour l’encadrement supérieur ont été publiées par la circulaire n°6346/SG du 20 avril 2022. Prises sur le fondement de l’article L. 413-4 du code général de la fonction publique, ces lignes directrices viennent compléter le décret n°2022-441 du 29 mars 2022 qui a précisé les conditions de leur élaboration.
Élaborées par la délégation interministérielle de l’encadrement supérieur de l’État en concertation avec les ministères, elles déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines pour l’encadrement supérieur de l’État et donnent les orientations générales en matière de recrutement, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de mobilité, de promotion, d’évaluation, de formation et d’accompagnement individualisé des parcours.
Instrument de droit souple, elles fixent des orientations et principes directeurs permettant de traiter de manière plus homogène et concertée les problématiques spécifiques à l’encadrement supérieur. Ces LDGI viennent utilement compléter les lignes directrices de gestion ministérielle sur lesquelles elles priment.
Troisième axe
Le renforcement du pilotage interministériel, de l’accompagnement et de l’évaluation des cadres supérieurs.
Ces orientations nécessitent un pilotage interministériel de la GRH et un accompagnement renforcé de nos cadres supérieurs, qui passe par différents outils mis en place dans le cadre de la réforme :
- La création des lignes directrices de gestion interministérielle qui visent à mettre en place une réelle logique RH et de gestion des cadres supérieurs à l’échelle de l’État (décret n° 2022-441 et circulaire du Premier ministre du 20 avril 2022).
- Le développement d’évaluations collégiales, extérieures à la chaîne hiérarchique et réalisées à des étapes clés de la carrière afin d’accompagner l’agent dans son orientation et de lui proposer un parcours de formation ou encore, s’il le souhaite, de l’accompagner dans une transition professionnelle (décret n° 2022-720). Le décret vise ainsi à fixer le mécanisme d’évaluation collégiale permettant d’apprécier la qualité des pratiques professionnelles et des réalisations des cadres supérieurs de l’État, ainsi que leur aptitude à occuper des responsabilités de niveau supérieur.
- Le renforcement du pilotage interministériel et de l’accompagnement personnalisé de tous les cadres supérieurs de l’État, grâce au rôle pivot de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE). Placée auprès du Premier ministre, elle est chargée, d’une part, de définir, coordonner et animer la politique des ressources humaines en matière d’encadrement supérieur et dirigeant de l’État et, d’autre part, de participer à une gestion des ressources humaines individualisée de certains de ces personnels.
- L’affermissement du dialogue social avec la création d’une formation spécialisée « encadrement supérieur » du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (décret n° 2022-585) : cette formation spécialisée sur les questions relatives à l’encadrement supérieur de l’État permettra de disposer d’une enceinte spécifique d’échanges avec les organisations syndicales.
Les grands enjeux en 7 points
► Ouverture, transparence et diversification des recrutements de la haute fonction publique de l'État,
► Des parcours de carrière plus diversifiés et donc plus stimulants,
► La promotion d’une identité commune de l’encadrement supérieur de l’État avec la création d’un corps des administrateurs de l’État,
► Le renforcement des parcours de carrière,
► Le décloisonnement de la formation,
► Une rémunération revalorisée tout en consolidant les spécificités métiers,
► Un accompagnement renforcé pour favoriser les transitions professionnelles pour les agents qui le souhaitent.
Pour aller plus loin
- Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État
- Institut national du service public
Textes de référence
- Ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État
- Décret n° 2021-1556 du 1er décembre 2021 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'Institut national du service public
- Décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'État
- Décret n° 2022-760 du 29 avril 2022 portant application de l'article L. 412-1 du code général de la fonction publique
- Décret n° 2022-335 du 9 mars 2022 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services
- Décret n° 2022-491 du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet
- Décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires
- Décret n° 2022-644 du 25 avril 2022 relatif aux emplois de direction de la direction générale des finances publiques et modifiant le statut particulier des administrateurs des finances publiques
- Circulaire n° 6346-SG du 20 avril 2022 relative aux lignes directrices de gestion interministérielle
- Décret n° 2022-441 du 29 mars 2022 relatif aux lignes directrices de gestion interministérielle
- Décret n° 2022-441 du 29 mars 2022 relatif aux lignes directrices de gestion interministérielle
- Circulaire n° 6346-SG du 20 avril 2022 relative aux lignes directrices de gestion interministérielle
- Décret n° 2022-720 du 27 avril 2022 relatif aux évaluations prévues par l'article L. 412-2 du code général de la fonction publique
- Décret n° 2022-585 du 20 avril 2022 portant diverses dispositions relatives au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État
Dossier de presse du 23 novembre 2022 sur la réforme de la haute fonction publique
L’année 2023 marquera la mise en œuvre concrète de la réforme de la haute fonction publique, l’année où se déploieront les nouveaux dispositifs annoncés par le Président de la République et progressivement construits depuis près de dix-huit mois.