Apprentissage : tuteur et apprenti, regards croisés - 02/06/2015
Pierre Carpentier, responsable du pôle ressources (Affaires générales - DRJSCS du Nord Pas-de-Calais
Pourquoi avez-vous recruté un apprenti ?
Le recrutement de notre premier apprenti remonte à l’été 2012. Cette décision résultait de plusieurs facteurs liés au contexte. Nous subissions à cette époque l’effet conjugué d’une difficulté de recrutement d’agents contractuels, en raison des baisses nationales d’effectifs du plafond d’emploi, venant percuter une difficulté récurrente de recrutements d’agents titulaires liée à la non attractivité de la région Nord Pas-de-Calais. Le service informatique de notre direction venait de connaître un départ en retraite et il n’était pas possible de laisser le service chargé d’assurer la maintenance et le déploiement des applications sur 9 sites distants avec un effectif total de 1.8 ETP.
Fort d’une expérience passée, antérieure à mon arrivée au sein des ministères sociaux, époque où je recrutais une vingtaine d’apprentis chaque année, j’étais pleinement convaincu de la pertinence de cette solution n’ayant connu qu’un unique « échec » en 5 ans sur le recrutement d’une centaine d’apprentis.
J’ai donc sollicité les services centraux en demandant la possibilité d’établir un contrat d’apprentissage. En raison des circonstances évoquées ci-dessus j’ai obtenu un accord spontané pour établir un contrat pour 2 années.
En amont quelles sont les précautions à prendre pour que tout se passe bien ?
Je dirais que 4 étapes sont nécessaires
En premier lieu, il convient de trouver une personne volontaire pour être maître de stage qui remplisse les conditions de diplôme ou d’expérience professionnelle. Au début cette démarche n’est pas aisée. La responsabilité du rôle de maître de stage effraie un peu. C’est une crainte légitime mais non justifiée, la charge de travail induite par cette responsabilité n’étant pas insurmontable et au contraire source d’une certaine satisfaction aux volontaires. Le fait de partager sa propre expérience avec un jeune apprenti est très valorisant. Rapidement, j’ai pu constater qu’une certaine relation s’instaurait entre l’apprenti et son tuteur. Dans mon expérience passée, je me retrouvais certaines années à recevoir des maîtres de stage après le départ de leurs apprentis me demandant s’ils pouvaient espérer prochainement accueillir un nouvel étudiant.
Il convient également de s’assurer de l’implication de l’apprenti et de son appétence pour les missions proposées au cours d’un entretien préalable. La nature des missions confiées présente bien évidemment une grande importance. Il ne faut pas considérer un apprenti comme de la main d’œuvre « bon marché ». Nous avons une réelle mission d’apprentissage en accueillant un étudiant et je pense que l’échange doit être en mode « gagnant/gagnant ». Le jeune nous apporte sa vivacité, parfois une actualisation théorique de par la formation suivie au CFA et nous, nous lui apportons une expérience de travail et l’apport de compétences pratiques.
Ensuite, il faut établir une convention de partenariat avec un CFA. Là aussi ce n’est pas simple la première année mais au fil du temps une relation s’instaure et je recevais couramment chaque année courant mai trois fois plus de dossiers de candidatures de la part du CFA que de places disponibles.
Enfin, bien entendu il faut réaliser le projet de contrat et le transmettre avec les pièces justificatives aux services de la DIRECCTE afin de valider l’accueil de l’apprenti. Sur ce dernier point, aucune difficulté. Les services de la DIRECCTE sont compétents dans le domaine et apportent bien volontiers leur aide pour le formalisme du dossier.
En résumé les clefs de la réussite sont : la motivation de l’apprenti, la nature des missions confiées et l’accompagnement de l’apprenti par l’implication du maître de stage.
Au quotidien, quel est le rôle du maître de stage ?
Les premiers jours, les deux protagonistes sont inquiets. Le jeune étudiant, car il pénètre dans le monde mystérieux du travail bien souvent pour la première fois et le maître de stage, principalement s’il s’agit d’une primo-expérience ignorant d’emblée comment aborder sa mission. Pour limiter son appréhension, il est primordial de lui proposer en amont une formation. C’est en règle générale une formation de 2 ou 3 jours qui conforte le maître de stage dans son rôle de transmission d’un métier et facilitateur de l’intégration dans le milieu professionnel.
Le maître de stage aura pour rôle, lors de l’accueil de l’apprenti, d’inculquer la culture et les principes des services. Il guidera ensuite l’étudiant dans les différentes tâches qui lui seront confiées et veillera au bon déroulement des missions. Pendant toute la durée du contrat, il vérifiera les tâches exécutées et sera à l'écoute de l’étudiant sur ses différents besoins, ses attentes et les difficultés auxquelles il pourrait être confronté. Il rencontrera également 2 ou 3 fois dans l’année le professeur référent de l’apprenti afin de faire un point régulier avec lui sur le cursus suivi. En fin de scolarité, Le maître de stage fera partie du jury devant lequel l’étudiant soutiendra son rapport ou mémoire de stage
Je tiens ici à souligner que, même si la liste des tâches semble longue, ce n’est pas un travail à temps complet pour le maître de stage. Il sera la personne ressource et référente pour l’apprenti mais au fil du temps l’apprenti acquiert de plus en plus d’autonomie et ne sollicite son tuteur qu’en cas de doute ou de réelle difficulté.
Quelques conseils pour les services qui vont accueillir des apprentis en septembre ?
L’apprentissage est une réelle opportunité tant pour le jeune qui s’inscrit dans ce parcours que pour le service qui l’accueille. La plupart du temps (je rappelle mes propos ci-dessus : 1 échec sur 100 contrats) les apprentis s’épanouissent dans des missions concrètes qui les sortent de la pure théorie des filières initiales. Il convient donc d’anticiper l’arrivée de l’étudiant en s’assurant au cours d’un entretien de ses réelles motivations pour le cursus assez contraignant à son niveau. L’alternance des périodes de cours au CFA et des périodes de présence au sein des services n’est pas forcément aisée. Il faut également qu’il soit accompagné par un maître de stage motivé.
En conclusion je citerai une phrase qu’un de mes professeurs d’économie aimait à dire « la solution pour qu’un jeune trouve du travail est simple. Il lui suffit d’avoir un bac plus 5 avec cinq ans d’expérience professionnelle et être âgé de 22 ans ! » Au-delà de ce paradoxe humoristique,je pense que l’apprentissage pourrait correspondre à ce conseil. En effet, un jeune obtenant le bac à 18 ans et s’engageant, par exemple, dans une licence par le biais de l’alternance se retrouve sur le marché du travail avec un bac + 3, trois ans d’expérience professionnelle tout en étant âgé de 21 ans. Nous ne sommes pas loin du conseil du professeur … Plus sérieusement, je pense que l’engagement de nos services pour la réussite de l'insertion professionnelle des jeunes doit être fort. Pour cela, je demeure persuadé que l'apprentissage est une véritable filière de formation du succès menant à l'emploi.
Clément Karian, apprenti BTS IRIS (informatique et réseau pour l’industrie et les services)
D’octobre 2012 à octobre 2014 – au sein de de la DRJSCS du Nord Pas-de-Calais
Votre parcours en quelques mots :
Après l’obtention du baccalauréat scientifique, je me suis inscrit en première année de médecine à Lille. Puis j’ai fait une année de droit. Suite à ça je suis allé travailler (intérim, restauration rapide…), mais force est de constater que je ne me sentais pas à ma place, j’ai voulu retourner dans un cursus d’études supérieures. Je me suis donc renseigné pour connaitre les différentes possibilités qui s’offraient à moi dans le cadre de ma reprise d’études.
C’est ainsi que j’ai pris connaissance d’une autre forme d’études : l’alternance, alliant à la fois l’apprentissage de connaissances théoriques et pratiques, ce qui m’a tout de suite séduit, car l’expérience professionnelle est un facteur de recrutement essentiel de nos jours. De plus le fait d’être rémunéré ajoute un plus non négligeable. Je me suis donc inscrit en BTS Informatique et Réseaux pour l’Industrie et les Services que j’ai effectué au sein de la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale à Lille. Suite à l’obtention de mon BTS, j’ai été embauché en tant que contractuel à durée déterminée dans cette même administration.
Pourquoi chercher un employeur public ?
Etant donné la difficulté de trouver une entreprise afin d’effectuer mon alternance, et après avoir eu des retours négatifs de la part d’entreprises privées, je me suis dirigé vers les institutions publiques qui elles n’ont pas d’objectifs économiques propres et sont plus dans une dynamique d’amélioration des conditions des populations et notamment des jeunes. C’est donc dans cette perspective que j’ai présenté ma candidature à la DRJSCS du Nord Pas-de-Calais.
Est-ce que cela a changé le regard que vous portez sur le service public ?
Cela n’a fait que confirmer l’idée que je m’en faisais. Je ne peux qu’être reconnaissant envers une institution qui m’a accueilli et donné les moyens de me construire une vie professionnelle, quand d’autres entreprises privées ne m’ont, elles pas donné cette opportunité. De plus, cela m’a permis de me familiariser et de découvrir les différentes missions et objectifs du service public.
Quel était votre quotidien, votre intégration dans l’équipe ?
Au départ, le statut d’apprenti implique par définition qu’il est là pour apprendre. Toutefois, j’étais soucieux de ne pas être un poids supplémentaire pour le Service Informatique. J’ai donc aspiré à assimiler le plus grand nombre de connaissances afin de me rendre opérationnel et indépendant le plus vite possible, car je voulais apporter un plus à l’équipe déjà en place. Cela a été possible grâce à la pédagogie et à la confiance des gens qui m’ont entouré durant mon alternance. J’ai donc rapidement été fonctionnel, et ai pu me perfectionner au fil des interventions dans mon domaine, l’informatique.