Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires - 21/10/2015
Interview de Véronique GRONNER,
sous directrice des statuts et de l'encadrement supérieur à la DGAFP
Après le projet de loi déposé en 2013, le Gouvernement a présenté en juin 2015 une lettre rectificative sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires. Pourriez-vous nous parler des principales modifications qui ont été apportées au projet de loi ?
Le Gouvernement a présenté en juin dernier un texte fondé sur le projet de loi de 2013 mais recentré sur l’essentiel.
Ainsi recentré, il rappelle les valeurs essentielles partagées par chaque agent public, que sont l’intégrité, l’impartialité, la dignité, et la probité. Le Gouvernement a également souhaité que l’obligation de laïcité soit inscrite et précisément définie dans le statut général des fonctionnaires.
L’accent a été mis sur la prévention : au delà de la transmission de déclarations, dont l’objectif - s’agissant des déclarations d’intérêts - est de permettre au supérieur hiérarchique de prendre toutes mesures utiles pour prévenir, au quotidien, les conflits d’intérêts, le texte prévoit en effet la création – obligatoire -, dans chaque administration d’un référent déontologue auprès duquel les agents et leur hiérarchie pourront trouver conseil. Le texte laisse une grande liberté dans la désignation de ce déontologue qui pourra être un service – une inspection générale, par exemple -, un comité des sages, une personne rattachée à un directeur, ou, dans la fonction publique territoriale, un centre de gestion avec lequel une collectivité territoriale aura passé convention. Des dispositifs analogues ont d’ores et déjà vu le jour dans certaines administrations, que le gouvernement ne souhaitait pas remettre en cause, l’idée étant au contraire de diffuser ces bonnes pratiques. Le rôle de l’autorité hiérarchique est par ailleurs conforté : le texte indique qu’il lui appartient de faire connaître et de faire respecter les obligations déontologiques par ses agents.
Par ailleurs, le projet de loi modifié par la lettre rectificative a été allégé par l’introduction d’habilitations à légiférer par ordonnance sur certains dispositifs. L’objectif était d’insérer ce projet dans l’agenda très chargé des Parlementaires. Ce texte sur lequel l’urgence a été déclarée, a été examiné en première lecture par l’Assemblée nationale le 7 octobre dernier.
Comment s’est déroulé l’examen à l’Assemblée nationale le 7 octobre dernier ? Quels sont les changements apportés par les députés ?
L’examen du projet a été rapide. Il a été très largement adopté. La très grande qualité des travaux menés par la rapporteure du texte, la députée Madame Descamps-Crosnier, a été soulignée par la ministre.
Au total, plus de 400 amendements ont été déposés en commission des lois et en assemblée plénière lors de cette première phase d’examen à l’Assemblée nationale. La liste est longue. Je me contenterai donc de citer les principales mesures adoptées.
La Commission des lois a tout d’abord souhaité réintroduire dans le projet de loi une grande partie des dispositions qui figuraient dans la version initiale de 2013 et que le gouvernement proposait de prendre par ordonnance. Les parlementaires ont entendu soumettre ces dispositions au débat, ce qui a fait passer le texte de 25 articles à 73.
S’agissant des dispositions relatives à la déontologie, les modifications apportées vont dans le sens d’un renforcement du dispositif : le périmètre des agents soumis à la transmission d’une déclaration d’intérêts a été élargi, des sanctions pénales sont prévues en cas de fausse déclaration. La possibilité de transmettre des déclarations d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en cas de doute du supérieur hiérarchique est instituée. Le régime de protection des lanceurs d’alerte a enfin été explicitement étendu aux agents non titulaires.
Les questions de cumul ont fait l’objet de débats nourris : les députés ont ainsi souhaité permettre aux agents travaillant à temps complet d’exercer certaines activités accessoires sous le régime de l’auto-entreprenariat. Dans certains organismes de type coopératif, les agents publics pourront enfin participer aux organes de gouvernance.
Parmi les mesures visant à développer l’exemplarité de la fonction publique, qui ont enrichi le projet de loi, je citerai l’extension de règles de représentation équilibrée aux instances supérieures de dialogue social de la fonction publique, l’extension de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés aux juridictions administratives et financières, aux autorités administratives indépendantes et aux groupements d’intérêt public et l’abrogation de l’intérim dans la fonction publique de l’Etat et dans la fonction publique territoriale.
Conformément à l’engagement qui a été pris par le gouvernement, un amendement permettant de proroger le dispositif de résorption de la précarité institué par la loi du 12 mars 2012 a été introduit.
Plusieurs amendements ont porté sur les conditions d’exercice du dialogue social et des droits syndicaux : les critères de validité d’un accord majoritaire ont été ajustés de manière à ne plus tenir compte que des suffrages obtenus par les organisations habilitées à négocier, la mutualisation des droits syndicaux a par ailleurs été introduite au sein du bloc communal. Des garanties ont enfin été apportées aux déroulements de carrière des déchargés syndicaux, en particulier de ceux déchargés à plus de 70 %.
Au chapitre de la mobilité, le congé de parentalité a été rénové pour tenir compte des évolutions sociétales qui touchent les familles de fonctionnaires.
Quelles sont les prochaines étapes de ce projet de loi ?
La prochaine étape, c’est l’examen du projet de loi au Sénat. L’agenda de la chambre haute est chargé, mais nous avons bon espoir d’obtenir rapidement un créneau pour ce projet de rénovation du statut.
Les enjeux sont forts car ce projet a l’ambition, je cite la Ministre, de « renforcer la relation de confiance qui attache nos concitoyens à leur fonction publique et à ceux qui la portent : les fonctionnaires ».
Après le vote du Sénat, certaines dispositions nécessiteront des textes d’application, lesquels conduiront à définir de manière très précise le champ des emplois et fonctions soumis aux nouvelles obligations déclaratives.
Trajectoires n° 42 - octobre 2015
Texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale le 7 octobre 2015