RH et territoires : entretiens - 16/02/2012
Quels enjeux RH pour les territoires ? Comment concilier les besoins en aménagement et la stabilisation des effectifs ? Le point avec Valérie Chatel, présidente de l’association des DRH des grandes collectivités et de Jean-Robert Jourdan, directeur général, chargé des ressources du département du Nord.
Valérie Chatel, présidente de l’association des DRH
des grandes collectivités
Jean-Robert Jourdan, directeur général, chargé des ressources du département du Nord
Quels sont les enjeux actuellement pour la FPT et, pour y répondre, quelles sont vos orientations, notamment en matière de ressources humaines ?
Valérie Chatel :
La maîtrise des budgets est une préoccupation ancienne pour les collectivités, avec un pilotage strict des effectifs. Le budget de personnel représente jusqu'à 50 à 60% de leur budget de fonctionnement. Donc autant dire que nous surveillons de très près tout nouveau recrutement.
Cependant chaque collectivité a son mode de fonctionnement développé en fonction du contexte, mais toujours dans une optique de resserrement. Un grand nombre de collectivités disposent de moins de 1% d’évolution de budget, ce qui correspond à des suppressions de postes.
Nous devons donc répondre à une double contrainte : stabiliser nos effectifs et dans le même temps, moderniser notre fonctionnement. Sur ce dernier point, il s’agit d’adapter nos horaires d’ouverture aux usagers, d'optimiser nos services afin de les rendre plus efficaces. Ces deux objectifs de stabilisation et de modernisation sont difficiles à déployer ensemble. Dans les années à venir, la réponse pourrait venir de la mutualisation entre collectivités, de la synergie pour aménager, moderniser, rationnaliser les besoins, notamment informatiques et RH.
Par ailleurs, le contexte de crise aggrave des tensions déjà sous-jacentes, notamment sur la question des conditions de travail. Pour les managers, une réflexion s’impose concernant les outils de management de gestion des ressources humaines. Nous devons entamer une réflexion sur la responsabilité sociale des collectivités en tant qu’employeur, construire des cadres collectifs.
Ces dernières années, nous avons beaucoup mis l’accent sur l’individualisation avec des outils comme l’entretien annuel par exemple. Mais on constate que le projet commun de la collectivité n’est pas toujours bien partagé. Maintenant nous devons donc absolument travailler sur le collectif, construire des règles collectives lisibles pour tout le monde avec comme objectifs : la lisibilité des fonctionnements RH et la prévention des risques psychosociaux.
Jean-Robert Jourdan :
Le contexte actuel et, en particulier, pour les départements et les régions est posé depuis de nombreuses années et correspond à une stratégie de raréfaction des ressources. Cette stratégie est incarnée par la sous-compensation des charges de solidarité nationale transférées, par la suppression de la taxe professionnelle mise en œuvre sur le budget 2011, mais aussi par le gel des dotations de l’Etat aux collectivités depuis 2011 et par la quasi-disparition du pouvoir fiscal des départements et des régions.
Dans ce contexte, la réponse a bien sûr été la mise en œuvre d’une stratégie de maîtrise des coûts, une révision des méthodes de gestion, et, par conséquence directe, une stratégie de maîtrise des effectifs. Afin de répondre à la fois aux enjeux de développement territorial et à cette nécessaire maîtrise des coûts, les collectivités ont mené un travail de réorganisation et effectué des choix politiques afin de diminuer certains postes pour en maintenir d’autres. Ainsi actuellement, la priorité est d’allouer des ressources aux services publics de premier rang en contact direct avec les usagers. L’un des rares secteurs où nous créons des postes demeure ainsi le secteur de la protection de l’enfance dont les besoins augmentent en période de crise. Toutefois, aujourd’hui nous atteignons la limite de cet « exercice » de maîtrise des coûts.
Quels sont les objectifs pour 2012 ?
Jean-Robert Jourdan :
En 2012, notre priorité est de renforcer le dialogue social. Nous sommes aujourd’hui dans un contexte de tension entre des valeurs des agents mises en doute dans le débat public, des besoins de service public exprimés par la population et les élus, et des capacités de financement amoindries. Nous allons ainsi travailler sur les conditions d’exercice concrètes des missions. L’une des réponses à cet enjeu va être de déconcentrer le management, de favoriser l’autonomie, la prise de responsabilité, le management de proximité. Parallèlement, d’autres réponses peuvent être développées comme l’amélioration de la sécurité des agents, des conditions matérielles et des salaires.
Valérie Chatel :
En 2012, deux chantiers majeurs nous attendent : la mise en œuvre du délai de carence et le texte sur les non-titulaires. Pour pérenniser les non-titulaires, nous devrons mettre en œuvre deux méthodes : d'une part organiser un concours spécial, ce qui constitue la voie privilégiée puisque la norme reste le statut de fonctionnaire, d'autre part « cédéiser » les non-titulaires qui ont plus de 50 ans ou qui sont en poste depuis plus de 6 ans. Recruter en priorité des titulaires n’est pas toujours réalisable pour certains postes. Mais les collectivités demeurent assez réservées sur ce recours au CDI, car il engendre une situation de mélange de deux statuts, difficile à gérer, en raison, notamment de la différence de droits à la carrière. Ce recours au CDI doit donc demeurer marginal et ne pas se généraliser.
En ce qui concerne l’égalité hommes-femmes, sujet d’actualité, qu’en est-il dans la FPT, notamment sur les postes d’encadrement ?
Valérie Chatel :
La FPT est très féminisée avec plus de 50% de femmes, mais si l’on étudie de plus près les chiffres, ce pourcentage passe à 15% de femmes pour les postes de direction générale. Trois actions peuvent être envisagées pour changer cette situation : mieux accompagner les femmes cadres, valoriser les collectivités dirigées par des femmes et rendre obligatoire la transparence totale sur le sujet.
Jean-Robert Jourdan :
En ce qui concerne les postes de direction, le département a atteint la parité. En revanche, sur les postes de direction générale, nous en sommes loin. Le constat est pourtant aujourd’hui que les équipes de direction demeurent beaucoup trop masculines et qu’il est nécessaire de les ouvrir à des origines, des genres et des points de vue différents. Toutefois, il s’avère difficile de conduire une politique globale à partir de décisions individuelles.
Quelles sont les compétences nécessaires que doivent développer les jeunes qui veulent faire carrière dans la FPT ?
Jean-Robert Jourdan :
Notre responsabilité d’employeur est de nous ouvrir aux nouvelles générations et de leur donner les moyens de prendre leur place et d’effectuer des carrières intéressantes, en développant les partenariats avec les lieux de formation, l’apprentissage ou encore les stages. Nous avons aujourd’hui besoin d’esprits ouverts avec une vision en phase sur le monde dans lequel nous évoluons. Les profils doivent disposer d’une excellente formation technique qui leur permette de développer une expertise et, en même temps, posséder l’ouverture et la hauteur d’esprit nécessaires pour s’adapter et effectuer une carrière intéressante.
Valérie Chatel :
Les compétences dont nous allons avoir de plus en plus besoin à l’intérieur des collectivités mais aussi entre collectivités, correspondent à des profils disposant d’une vision élargie, sachant développer et entretenir des réseaux professionnels et sociaux. La capacité de demain est l’aptitude à coopérer, à savoir entretenir un réseau.
Du côté des collectivités, les modes de recrutement doivent évoluer afin d’attirer ces nouveaux profils. Le recruteur ne peut plus se contenter de recevoir des CV, il doit savoir développer et entretenir l’image de la collectivité sur les réseaux sociaux et professionnels. Il est porteur de l’image de la collectivité, porteur d’influence.