Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives - 04/12/2013
Interview de Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MiLDT)
Pouvez-vous présenter la mission de la MiLDT ?
La MiLDT anime et coordonne l’action des différents ministères investis dans la lutte contre les drogues et les conduites addictives. A ce titre, elle est placée sous l’autorité du Premier ministre.
Depuis sa création en 1982, son périmètre de compétence n’a eu de cesse de s’élargir pour couvrir désormais l’ensemble de la politique publique : la recherche, la prévention, le continuum accompagnement – soin – réduction des risques, l’application de la loi, la lutte contre les trafics, et, enfin, la coopération internationale.
Son intervention s’étend désormais à l’ensemble des conduites addictives, avec ou sans produit.
Dans ce cadre, la MiLDT prépare les plans gouvernementaux de lutte contre les drogues et les conduites addictives et veille à leur mise en œuvre. Elle a ainsi élaboré le plan stratégique 2013-2017 validé par le Premier ministre le 19 septembre 2013.
Quel est l'objectif poursuivi par le plan gouvernemental ?
Ce plan est très orienté sur la prévention. Les chiffres de consommation de substances psychoactives en France laissent à penser que notre modèle de prévention, en population générale, trouve ses limites. Ce plan ambitionne de revoir ce modèle en renforçant l’approche populationnelle et l’ « aller vers ». C’est-à-dire qu’il nous faut désormais prévenir auprès de groupes de populations ciblés, dans tous les lieux qu’ils fréquentent, y compris sur le lieu de travail.
A cette fin, ce plan mise sur le renforcement des organisations et des compétences professionnelles de l’ensemble des acteurs appelés à contribuer à la politique de prévention. Il faut notamment favoriser le partage des connaissances et des cultures professionnelles entre professionnels de santé, de l’éducation, du soin, mais également de la justice, par exemple. Aussi le volet formation, initiale et continue, du plan gouvernemental est-il très dense.
Quel est l'objectif poursuivi par le plan gouvernemental pour la fonction publique ?
La prévention des conduites addictives en milieu professionnel concerne très directement les administrations. En effet, le plan prévoit un axe prévention des addictions dans le monde du travail, qui concerne tout autant les organisations privées que publiques.
Cet objectif de renforcement de la place de la prévention des addictions dans la fonction publique est introduit pour la première fois dans le plan gouvernemental. Le précédent était concentré sur le seul secteur privé.
Cette politique de prévention renforcée vise à mettre en évidence deux enjeux de la prévention dans le monde du travail : la sécurité au travail et la santé au travail.
Quel est le calendrier de déploiement ?
Le déploiement du plan gouvernemental est prévu sur la période 2013-2017 dans le cadre de deux plans d’action.
Un certain nombre d’actions sont prévues dans le cadre du premier plan d’action 2013-2015 notamment la modification du code du travail, l’envoi d’une circulaire DGT/MiLDT, l’organisation des assises de la prévention des addictions en 2015. Le deuxième plan d'action, sur la période 2016-2017, prendra en compte, dans le cadre de sa conception, l’évaluation du plan à mi-parcours.
La mise en œuvre des politiques de prévention des addictions dans la fonction publique pourrait par ailleurs être facilitée et accélérée par la conclusion d’un accord global concernant les trois versants de la fonction publique, sur des thèmes de la santé et de la sécurité et du bien-être au travail, incluant un volet prévention des addictions.
Que propose concrètement le plan gouvernemental en la matière ?
Le premier axe stratégique vise expressément à inciter aussi bien les entreprises que les administrations à mettre en place des politiques de prévention collective en matière de drogue et d’alcool en y associant représentants du personnel (notamment les CHSCT) et acteurs de la prévention dont les médecins. Ces politiques doivent être développées dans une double approche de prévention des risques et de protection de la santé.
En effet, l’évolution des textes, et notamment la règlementation issue du décret du 28 juin 2011 relatif à l’hygiène, la sécurité du travail et la prévention médicale dans la fonction publique tend aujourd’hui à rapprocher code du travail et législation applicable à la fonction publique, tant en terme de responsabilité des « employeurs » publics ou privés qu’en terme de dialogue social dans le cadre des CHSCT.
La prévention de la consommation de produits psychoactifs doit donc constituer un axe important de la politique de santé et de sécurité au travail, dans la fonction publique.
Une modification du code du travail relatif à l’alcool sur les lieux de travail est également en projet afin de faciliter la mise en place de ces politiques de prévention par les employeurs.
Le deuxième axe stratégique du plan en la matière concerne l’amélioration de la connaissance des effets de la consommation de drogues et d’alcool sur la sécurité et la santé au travail ainsi que sur les relations de travail. A ce titre, la MILDT a mis en place un comité de pilotage auquel la DGAFP est conviée. A terme, une connaissance fine du nombre d’accidents du travail mortels et graves liés à la consommation de substances psychoactives constituera un éclairage utile pour ajuster les politiques publiques.
Enfin, le plan prévoit de développer des actions de communication afin de sensibiliser employeurs et salariés aux risques liés à la consommation de substances psychoactives.
Certaines administrations ont déjà des plans "locaux" concernant le sujet des addictions ? Quelle est la différence ?
Les plans que vous évoquez s’inscrivent dans les priorités du plan gouvernemental validé par le Premier ministre, dont ils déclinent les priorités.
Le plan gouvernemental a été conçu en concertation avec l’ensemble des ministères concernés, mais également avec les partenaires du champ, au premier rang desquels les responsables associatifs et l’ensemble des experts du monde de la recherche.
Il pose un cadre de travail partenarial qu’il convient de décliner au niveau local, avec l’ensemble des administrations et partenaires concernés.
Quelles actions le plan prévoit-il concernant le volet RH ? Quelle articulation avec les ministères / administrations pour les mettre en œuvre (partenariat, relais...) ?
Les RH sont évidemment concernées par le plan : le service des ressources humaines doit concevoir la politique de prévention collective dans le cadre des divers outils existants : document unique d’évaluation des risques, programme annuel de prévention des risques et d’amélioration des conditions de travail, règlement intérieur, actions de formation et de sensibilisation auprès de tous les agents, ordre du jour des CHSCT sur le thème des addictions, modalités de repérage et de prise en charge des personnes en difficultés en lien avec l’assistante sociale et les services de santé…
La MiLDT apporte ses conseils et son expertise en matière de conception et de mise en œuvre des politiques de prévention des addictions à la demande des ministères déjà engagés dans des actions de prévention et peut intervenir auprès des services RH et de médecine de prévention. Elle peut aussi orienter vers les associations spécialisées en addictologie pour concevoir des formations, intervenir auprès des agents et les informer.
Un chargé de mission à la MiLDT, personne référente sur ce champ, est à la disposition des différents interlocuteurs de la fonction publique.
La MiLDT travaille également en étroite collaboration avec la Direction générale du travail (DGT).