La formation à distance, source d’enseignements dans les IRA

Depuis le 2 juin, le retour au présentiel s'est fait progressivement dans les 5 instituts régionaux d’administration. Mais comment s’est déroulée la formation à distance pendant le confinement ? Focus sur les exemples de Nantes et Metz, qui ont pu compter sur des élèves et des intervenants très impliqués.
"L’adaptabilité et la réactivité des équipes a été remarquable"
Laurence Didion, Directrice des études et des stages à l’IRA de Metz
Le temps d'adaptation
Dans un premier temps, nous avons déployé une forme d'auto-formation sur la bureautique. Les élèves ont eu à rendre plusieurs exercices, avec des corrections individualisées. Puis avec l'accord des intervenants, nous avons mis en place les cours en distanciel (à partir de la plateforme Chamilo).
L'IRA de Metz a également fait appel à d'autres écoles de service public, notamment l’ENFIP (Ecole nationale des finances publiques) et l’IGPDE, pour bénéficier des dispositifs existants, que ce soit sur les marchés publics ou les bases de la comptabilité.
Les classes virtuelles
La réactivité de nos équipes a permis le bon fonctionnement de classes virtuelles. Nous avons aussi pu compter sur l'adaptabilité et l'adhésion immédiate des intervenants et des élèves.
Par exemple, en management, l'intervenant commençait son cours avec l'ensemble d’un groupe, puis répartissait la classe en sous-groupes de trois ou quatre élèves. Cette mise en situation a beaucoup plu aux élèves, davantage "acteurs" devant leur écran.
Des possibilités nouvelles de travail
Quand les intervenants n'étaient pas disponibles en journée, certains enregistraient une présentation en vidéo, suivi d'un chat d'1h30 avec les élèves. D'autres intervenants ont retravaillé leur diaporama pour l'adapter au distanciel, et sans négliger l'importance de la "médiation" avec les élèves, afin de revenir sur tel ou tel sujet. Toutes les classes virtuelles ont été enregistrées. Cela a permis aux élèves qui avaient des contraintes (charges d’enfants, rendez-vous ou collaboration avec des administrations) de pouvoir suivre tous les enseignements.
Des élèves impliqués
Il faut saluer leur grande implication, car la situation ne fut pas simple pour eux, souvent seuls derrière leur écran, sans échanges avec des professionnels... D'ailleurs, la situation du confinement nous a poussés à développer un nouveau module de formation à distance.
Nous nous sommes aussi appuyés sur des outils de formation à distance qui existaient déjà avant le confinement, comme le module de formation de rédaction administrative, ou le module du RESP sur la laïcité.
Dans l'attente du présentiel
Bien sûr, certains cours n'ont pu être réalisés en distanciel ni même envisagés dans certains cas précis. Par exemple, les rencontres liées à la sensibilisation au handicap ont dû être annulées, puisque nous avions l'habitude de faire intervenir des personnes en situation de handicap. Concernant la partie "comptabilité" ou "management", nous avons considéré que l'échange physique était absolument nécessaire, nous avons donc préféré attendre le retour au présentiel pour une partie du programme. Tout au long du confinement, l'IRA de Metz a voulu accompagner les élèves dans la réalisation de leur mémoire de professionnalisation ou dans la conception de leur RCA (rapport sur commande d'une administration). Tout ce travail n'aurait pas été possible sans l'implication remarquable des intervenants et des élèves.
Le rapport au distanciel
En ayant développé ces pratiques en un temps record, nous en tirons forcément des enseignements. Nous avons constaté que certaines interventions peuvent se prêter au distanciel et à des dispositifs de classe inversée, ou tout du moins sous des formes hybrides. Mais ce n'est pas envisageable pour toutes nos interventions pédagogiques. Le rapport humain, cette plus-value, cette interaction avec les intervenants et l'équipe pédagogique de Metz ont énormément manqué aux élèves ! (et à l’équipe de l’institut aussi !)
Toutefois, le premier bilan de cette formation à distance est d'avoir appris à déployer des interventions sous des modalités que nous n’aurions pas imaginées possibles. Les élèves, les intervenants et l'équipe pédagogique se sont rendu compte que certains outils n'étaient pas si difficiles à prendre en main. Pour la prochaine promotion, nous penserons certainement à des interventions sous un format hybride.
"Favoriser les interactions malgré la distance"
Marie Leupe-Le Sauze, Directrice des études et des stages à l’IRA de Nantes
Du présentiel au distanciel
Le vendredi 14 mars, juste avant la fermeture des locaux, nous avons dit aux élèves que nous avions trois priorités : la continuité pédagogique, le maintien d'un suivi individualisé, et la sécurisation des épreuves de classement.
Dès le 17 mars, il a fallu engager le maintien d'une continuité pédagogique à partir d'une formation exclusivement pensée en présentiel ! A ce moment-là, nous étions réservés quant à notre capacité de mettre en place un tel dispositif très rapidement. Ce n'est pas quelque chose que nous avions l'habitude de faire... Nous ne savions pas non plus si nous allions pouvoir mobiliser nos intervenants extérieurs, qui pour la plupart occupent des postes à responsabilité, et que la crise sanitaire impactait également fortement.
Très rapidement, le responsable informatique et le chargé de l'innovation pédagogique ont travaillé sur des tutoriels pour une meilleure prise en main de la plateforme par les élèves et les intervenants. Cela a été déterminant pour la suite. La capacité d'adaptation des équipes a été remarquable, ce qui a permis aux intervenants d’être accompagnés et de se former à la classe virtuelle très rapidement.
Les intervenants extérieurs
Nous avons dès le début de la crise sanitaire pu constater le maintien de leur engagement pour la formation des futurs attachés, en dépit de leurs contraintes professionnelles souvent très lourdes. Ces intervenants se sont très vite adaptés à ces contraintes nouvelles et nous avons pu compter sur eux. L'essentiel des cours s'est déroulé grâce à la plateforme Chamilo, qui nous a permis à Nantes, mais ce fut le cas aussi dans les autres IRA, de mettre en place des classes virtuelles.
Cet engagement indéniable des intervenants est lié à des valeurs communes. Nos intervenants croient profondément en la nécessité de transmettre leur expérience de terrain, leurs savoirs, leurs compétences professionnelles... Je pense aussi que nous n'aurions pas eu un tel investissement de ces intervenants si l'équipe de l'IRA de Nantes n'avait pas tissé au fil du temps des relations de collaboration étroites avec eux, et n’avait pas été aussi réactive pour les accompagner au quotidien dans les travaux pédagogiques et les aspects logistiques. Il y a une forme de reconnaissance mutuelle, et toujours dans l'intérêt des élèves.
Un rythme différent du présentiel
En cours de management, la plateforme a parfois été utilisée en petits groupes quand les élèves étaient en phase d'exercices. Cela a permis de dynamiser les interventions autant que possible, car on s'est rapidement rendu compte de la très grande importance de la durée des classes virtuelles sur l’attention. Au-delà de deux heures, c'est très fatigant. Les modules d'enseignement ayant été pensés pour du présentiel, la problématique majeure a été de les adapter autant que possible au format "virtuel", avec des limites évidentes en termes d’interactions et de durée, au vu du contexte.
L'accès au numérique
Certains de nos élèves devaient gérer la garde de leurs enfants, avec en plus le phénomène fréquent de partage de l’ordinateur familial. C'est pourquoi nous avons proposé, dès le 14 mars, de prêter des ordinateurs portables à nos élèves qui en avaient le besoin.
Dans beaucoup de foyers, un seul ordinateur n'était pas gérable pour suivre convenablement les modules de formation en direct. C'est aussi pour s’adapter à cette réalité et pour permettre le maximum de souplesse aux élèves dans leur organisation que nous avons pris la décision d’enregistrer beaucoup d'interventions, sous réserve de l’accord des intervenants, ce qui permettait aux élèves de suivre les cours en replay.
Le fait que l’IRA de Nantes ait ces dernières années beaucoup investi sur le volet numérique de l'innovation pédagogique a constitué une force, même si cette innovation ne peut être réduite au numérique.
Le lien individuel
Nous avons multiplié les entretiens individuels, grâce au dispositif des référents. Il s’agit du suivi individualisé, par des cadres de chaque IRA, des élèves de leur arrivée en formation jusqu’à leur titularisation par l’employeur. Ce lien a été maintenu soit par téléphone, soit en visio. Ces échanges ont aidé les élèves à prioriser les enseignements en fonction de leur projet professionnel. Le suivi individuel a aussi permis d'aborder leur situation personnelle, et parfois les difficultés engendrées par la crise sanitaire.
Et maintenant, l'après-rentrée
Durant le confinement, nous avons adapté certains contenus pour nous concentrer sur les compétences fondamentales à acquérir pour de futurs attachés d'administration.
Depuis la réouverture des locaux, cette adaptation se poursuit et nous essayons de favoriser les interactions entre les élèves et avec les intervenants, en limitant les apports stricts de connaissances qui ne sont pas adaptés à ce stade de la formation.
Le virtuel ne remplace pas la formation en présentiel mais peut en constituer un complément utile, notamment dans la perspective d’une individualisation accrue des parcours de formation individuelle. Avec les ressources dont nous disposons aujourd’hui, nous pourrons construire de véritables parcours différenciés.
L’enjeu majeur à ce stade est de permettre aux élèves de bien appréhender les futurs métiers et fonctions possibles, et de construire un projet professionnel éclairé et cohérent au vu des compétences qu’ils développent et de leurs aspirations personnelles.
La difficulté est que les élèves n'ont pas pu rencontrer physiquement des attachés en poste. Nous allons donc privilégier ces échanges, afin qu'ils puissent mieux appréhender les ambiances de travail et la diversité des cultures professionnelles que l’on trouve dans l'administration. Le distanciel a ses limites. Les classes virtuelles ne remplacent pas les échanges humains entre élèves et intervenants, et les mises en situation professionnelles qui nécessitent pour la plupart d’être physiquement présent.
Paroles de futurs attachés
"Nous avons développé d’autres compétences avec le distanciel"
Vincent Didelot, élève de la 47ème promotion "Rosa Parks" de l’IRA de Metz (concours externe)
Premier bilan
Après ces deux mois et demi de télétravail, j’’ai le sentiment d’avoir vécu une véritable expérience professionnelle. Tout d’abord, la formation à distance est une bonne expérience pour le cadre intermédiaire que je suis amené à devenir. D’autre part, malgré la distance, les travaux relatifs au rapport sur commande d’une administration (RCA) ainsi que le mémoire de professionnalisation m’ont permis de développer ma connaissance sur les fonctions d’un attaché d’administration de l’État. Les différentes administrations se sont montrées très disponibles pour répondre à mes questions dans le cadre de ces travaux.
Des compétences à valoriser
Le télétravail m’a permis d’identifier les avantages et inconvénients de cette modalité de travail. De ce point de vue, je pense que c’est une chose que nous n’aurions pas pu mesurer en présentiel à l’IRA. J’ai la conviction que le distanciel est une chance et qu’il nous a obligés à développer notre capacité d’organisation. Par exemple, la gestion des nombreux mails est une des compétences acquises. Je penser aussi à la capacité d’adaptation, la réactivité, la gestion du travail d’équipe en distanciel (travail RCA). Au final, je pense que cette période a permis d’acquérir des compétences que le présentiel n’aurait pu développer.
L’organisation
L’IRA a réalisé un formidable travail de planification des interventions. Ainsi, la direction des études et des stages communiquait par mail le calendrier journalier actualisé. Cela a évité de perdre du temps notamment pour la collecte des informations. Je n’ai donc pas vécu de contraintes majeures durant cette phase commune. Néanmoins, je pense à certains collègues qui ont subi les contraintes personnelles et notamment familiales liées au confinement.
Le manque du présentiel
Il est clair que le manque d’échanges physiques entre collègues de promotion et avec les intervenants est un point négatif de la formation. Cependant, je nuancerai quelque peu ce constat. En effet, mon équipe RCA a été très soudée et a constitué un point de repère important durant cette période. Par ailleurs, les échanges avec les administrations dans le cadre de mon mémoire m’ont permis de constater l’esprit de corps entre les attachés d’administration. A ce titre, je pense que l’association des anciens élèves de l’IRA de Metz va avoir un rôle important pour notre promotion.
Le retour à l’IRA de Metz
Je pense que cette période d’état d’urgence sanitaire constitue une réelle chance. En effet, elle a permis de développer des compétences utiles pour notre pré-affectation le 1er septembre prochain.
Concernant la phase d’approfondissement, je compte sur ce retour à l’IRA pour développer l’esprit de promotion notamment au travers de quelques activités dans le cadre de l’Association de l’IRA de Metz (AIRAM).
Cette phase d’approfondissement est la dernière ligne droite avant la fin de la formation à l’institut. Je compte sur les modules de cette nouvelle phase pour développer mes compétences en vue de la pré-affectation.
"La confiance de l’institut a été précieuse pour un télétravail efficace"
Amandine Renault, élève de la 47ème promotion "Rosa Parks" de l’IRA de Metz (concours interne)
L’organisation professionnelle… et familiale
Avec deux enfants en école primaire, la principale difficulté a été de trouver le temps de leur faire faire leurs devoirs tout en assistant aux cours dispensés par l'IRA. Je programmais donc ma journée selon les horaires des cours. Le travail à effectuer en dehors des cours (tels les exercices de bureautique) était réalisé tard le soir, quand mes enfants étaient couchés. Une fois cette organisation mise en place, je n'ai pas rencontré de contraintes particulières, hormis cette angoisse de devoir réussir à tout faire dans la journée. Une difficulté résidait dans le fait d'arriver à garder "la dynamique IRA". Il m'a semblé qu'à un moment je perdais l'entrain et la motivation pour suivre la formation.
Les cours à distance
J'ai été agréablement surprise par la réactivité de l'IRA pour mettre en œuvre les enseignements à distance. De même, à aucun moment, je n'ai eu l'impression d'être "lâchée", j'ai toujours senti que l'IRA continuait de nous suivre. Même si un module à distance ne peut remplacer la qualité d'un enseignement en présentiel, cela a très bien fonctionné. J’ai apprécié la compétence des intervenants, ainsi que la grande motivation de certains élèves de l'IRA, ce qui a permis de rendre les cours dynamiques et attrayants.
Je retiens de cette formation qu'on peut quasiment tout faire à distance si on est motivé et aidé : suivre les cours, faire les exercices, réaliser les entretiens pour le RCA, réaliser les réunions avec le groupe RCA... De même, avec mon groupe RCA, et alors que nous ne nous étions vus que pendant deux semaines, nous avons réussi à tisser des liens. En contact quasi-journalier, nos échanges ont été très précieux.
La confiance à distance
Au-delà de l'aspect technique - car je n'imaginais pas tous les outils à disposition permettant le travail à distance -, cette expérience me conforte dans l'idée que la confiance accordée aux agents est extrêmement importante. De même, le télétravail peut être très efficace.
Toutefois, le retour du présentiel était important pour moi, notamment en raison du manque de relations sociales durant le confinement. Je suis très frustrée de ne pas avoir pu développer "d'esprit de promotion".