La promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes - 15/10/2012
Interview de Nicole Pot, inspectrice générale, haut-fonctionnaire à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes au ministère de la Culture
Contexte et enjeux
La promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes est un axe central de toute politique de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations et elle constitue un des fondements de notre pacte social. Elle répond en effet à des considérations de justice et d'égalité (égal accès aux fonctions, aux rémunérations) et constitue donc une obligation démocratique. Mais elle est aussi un facteur de modernisation et d'enrichissement économique et culturel.
Or le sujet reste totalement d'actualité, malgré de nombreuses mesures législatives ces dernières années, y compris dans la fonction publique : les statistiques telles qu'elles sont issues du dernier rapport sur l'état de la fonction publique (PLF 2012) montrent que si les femmes représentent plus de de 60% des agents de catégorie A des ministères, elles ne sont plus que 22,2% dans les corps et emplois d'encadrement et de direction, et occupent 10,8%1 des emplois à la discrétion du gouvernement, la situation n'étant pas plus favorable dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Quant aux écarts de salaires, ils sont de l'ordre de 15% dans la fonction publique d'Etat, malgré l'existence de grilles indiciaires, en raison des effets du temps partiel, mais aussi des écarts sur les primes.
Le Gouvernement a donc chargé la ministre des droits des femmes de conduire un programme d'actions pour faire progresser l'égalité professionnelle et la lutte contre les stéréotypes de genre, et de préparer un plan d'action interministériel pour 2013-2017 ; ce plan sera validé par le comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui doit se réunir en octobre.
C'est dans le cadre de ces orientations qu'un haut fonctionnaire à l'égalité des droits, placé auprès de chaque ministre, doit définir et mettre en oeuvre les actions propres à chaque ministère.
Enjeux au ministère de la culture et de la communication
La situation des femmes au sein du ministère de la culture et de la communication est tout à fait comparable à celles des autres administrations : un taux de femmes en catégorie A important, et un pourcentage qui décroît fortement au fur et à mesure que l'on atteint les emplois dirigeants et supérieurs, y compris dans les établissements publics sous tutelle ; le premier enjeu est donc de faire accéder davantage de femmes à ces emplois. Mais il est également de prêter une attention particulière à la question des rémunérations et des promotions.
Le second enjeu porte sur la sphère culturelle dans son ensemble, incluant les artistes, auteurs et autres acteurs de la culture : contrairement à l'idée qu'on pourrait en avoir, on observe une situation très défavorable aux femmes, qu'il s'agisse des nominations dans les institutions déconcentrées, où la situation est identique à celle des établissements nationaux, ou sur d'autres plans, par exemple la distribution des moyens de production ou les choix de programmation.
Deux rapports déjà anciens, conduits à l'initiative du ministère sur le spectacle vivant en 2006 et 2009, font état de chiffres dont la publication a produit une certaine stupéfaction : la direction des théâtres, institutions musicales, établissements d'enseignement est assurée à près de 90% par des hommes, dont la place est du même ordre dans les programmations. Ces chiffres n'ont guère évolué depuis cette date.
Enfin le champ des médias constitue le troisième enjeu : la mise en évidence et la dénonciation des stéréotypes qu’ils contribuent souvent à véhiculer est, avec l'action au sein de l'éducation nationale, une des façons les plus efficaces de traiter le problème à sa racine.
Vos missions et votre périmètre d'activité
Mon périmètre d’action inclut donc tout à la fois le ministère, administration centrale, services déconcentrés et établissements publics nationaux, mais aussi les institutions qui agissent dans la sphère de la culture et de la communication.
Pour ce faire, il me semble qu’il faut constituer un réseau de correspondants dans les différents services, qui relaient les actions que je souhaite impulser. Par ailleurs un comité présidé par la ministre va être mis en place, au sein duquel seront présentées les analyses de situation, discutées et validées les propositions d’action et évalués les résultats. Mais pour accompagner ces différents travaux, il est indispensable d’impliquer également les organisations professionnelles, les acteurs de la culture et de la communication, et bien sûr les associations qui se sont créées sur cette question.
Mon rôle est de proposer le plan d'action spécifique du ministère et de coordonner, d’animer et de suivre les actions menées par le réseau des correspondants.
Vos priorités
Deux types d’actions doivent être menés simultanément, dans tous les secteurs culturels :
« rendre visible l’invisible », ce qui signifie diffuser largement l’information sur la situation actuelle ; à cette fin, nous allons mettre en place un observatoire de l’égalité dans la sphère de la culture et de la communication ;
mettre en place une veille active pour repérer les talents et potentialités qui n'osent pas forcément s'exprimer ; montrer que ces talents existent déjà et valoriser les « bons exemples ; et en amont identifier les jeunes professionnelles, dans tous les secteurs, et constituer « un vivier ».
A titre personnel…
Je suis de très longue date convaincue des injustices faites aux femmes dans la vie professionnelle ; mais les préjugés sont tenaces et intériorisés, y compris d’ailleurs par nombre de femmes elles-mêmes, et seule une attitude très volontariste peut permettre une véritable évolution des mentalités et des situations.
Je pense aussi que l’attente des femmes est très forte dans la sphère culturelle, et qu’au bout du compte, c’est la société toute entière qui bénéficiera de l’enrichissement des talents. C’est cela qui me passionne.