Démarche de prévention des risques psychosociaux à la mairie de Clermont-Ferrand
Interview d'Amine Khettabi, référent du dispositif de prévention des RPS à la Mairie de Clermont-Ferrand
Pouvez-vous nous présenter brièvement la démarche que vous avez mis en place en matière de prévention des RPS au sein de vos services? (quand, pourquoi, comment, à l'initiative de qui ?)
A la demande de la Municipalité, une réunion commune du Comité Technique Paritaire et du Comité d’Hygiène et de Sécurité a eu lieu le 29 novembre 2005, sur la question du harcèlement et de la souffrance au travail au cours de laquelle, médecins, psychologues et juristes avaient défini ces notions.
A la suite de cette réunion, Monsieur le Maire de Clermont-Ferrand a donné son accord à la mise en place d'un groupe de travail paritaire chargé, avec l'aide de l'ANACT (Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail) et de l'ARACT Auvergne de mettre en place un dispositif de prévention et de traitement des situations de risques psychosociaux.
Après une formation/action de ce groupe et des expérimentations dans un service, le dispositif a été validé et mis en place lors d'un CTP/CHS extraordinaire le 29 avril 2009.
Ce dispositif a été créé dans le but de prévenir les situations de stress et de mal-être au travail afin de garantir une qualité de vie au travail de l’ensemble des personnels de la Ville. L'objectif était également d’intégrer dans la culture collective ces risques au même titre que tout risque professionnel, notamment dans le management et renforcer le dialogue au sein des services.
En quoi consiste votre démarche (nature des actions, acteurs impliqués, méthode, rythme, agents concernés ...) ?
Ce dispositif repose sur un groupe technique et d’expertise qui est composé de représentants de la collectivité (DG, DRH), du personnel désignés par les organisations syndicales, de la psychologue du travail, de l’assistante sociale, des médecins du travail et des techniciens de prévention. J’insiste sur le caractère pluridisplinaire du groupe, qui est sa richesse car il permet d’avoir une analyse la plus large possible sur les situations de travail.
Il est placé sous la responsabilité de l'Autorité territoriale dans le cadre d’un mandat du Maire, avec l’appui technique de la DRH et en lien avec les instances paritaires CHS(CT) et CT(P).
Le dispositif concentre son action sur les questions du travail et de son organisation dans une approche collective des situations de travail. Il n’est pas chargé de traiter des conflits uniquement interpersonnels ou des problèmes d’ordre privé. En effet, il n’a pas vocation à se substituer ni au management, ni au rôle des experts tels que les médecins du travail ou la psychologue.
Le dispositif peut être saisi individuellement par tout agent quelle que soit sa fonction au sein de la Ville, ou collectivement. Il peut également être saisi par le CHS(CT) et le CT(P). Le groupe peut aussi s’auto-saisir de toute situation identifiée par ses membres. Il intervient selon la problématique en urgence, en veille mais aussi en prévention. Il se réunit par ailleurs au minimum une fois par mois.
En qualité de référent du dispositif, il suffit ainsi de me contacter, afin que je puisse transmettre, avec l'aval de la direction générale, l’alerte au groupe qui se chargera de l’examiner. En effet, mon rôle est de faire le relai avec le groupe que j’anime. Un diagnostic sera alors élaboré. Des binômes paritaires (composés pour chacun d’un représentant de l’administration et un du personnel) seront chargés d’intervenir dans le service concerné par le biais d’entretiens (individuels et/ou collectifs), en toute neutralité, dans le strict respect de la confidentialité, afin que le groupe puisse faire des préconisations d’actions, qui seront par la suite transmises au Maire pour validation.
J’insiste sur le fait que ce dispositif intervient en appui des services, il a pour but d’accompagner les agents, de trouver des solutions aux difficultés et n’a pour objectif ni de rechercher des coupables, ni de stigmatiser qui que ce soit, notamment l’encadrement, sachant qu’un responsable de service peut lui aussi être sujet à des risques psychosociaux.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en place de cette démarche, de quelle nature ?
La mise en place du dispositif n’a pas été facile, dans la mesure où nous étions parmi les premières collectivités locales, si ce n’est la première, à élaborer un tel dispositif.
Il a fallu trouver notre place au sein du fonctionnement interne de la Ville, et il était nécessaire de faire comprendre les objectifs et enjeux du dispositif, sachant que nous étions dans une phase d’expérimentation permanente.
Nous avons également rencontré des difficultés propres à ce type de problématique. En effet, nous travaillons sur de l’humain, la prévention des RPS n’est pas une science exacte et il est difficile d’obtenir des résultats d'amélioration rapides ou, du moins, facilement visibles sur du court ou moyen terme, sachant que ce ne sont pas uniquement les agents qui sont impactés mais également l’organisation du travail.
Par ailleurs, nous avons été confrontés à plusieurs écueils, surtout au début, comme certaines saisines, d'agents ou de responsables de services, qui auraient pu et dû être traitées en interne dans le cadre de relations hiérarchiques normales, sans passer par une alerte.
Pouvez-vous tirer un bilan même provisoire de la démarche ? Quels sont les principaux enseignements de votre expérience pour vous, pour d'autres employeurs ?
Nous avons initié une méthode de travail innovante en associant des représentants du personnel et de l’administration travaillant pour un objectif commun, indépendamment des fonctions de chaque acteur impliqué.
Malgré les difficultés rencontrées, grâce à notre dispositif, plusieurs alertes ont pu être traitées et les agents disposent désormais d’une écoute et d’un accompagnement afin de résoudre leurs problèmes.
Nous avons aujourd’hui un outil concret qui permet non seulement de traiter, mais surtout prévenir les situations difficiles.
A noter que plusieurs projets de réorganisations de service ont été réalisés suite à des diagnostics du groupe.
Enfin, l'intérêt de ce dispositif réside dans sa capacité à mettre en avant des situations qui n'ont pu être réglées par d'autres moyens, l'objectif étant d'instaurer à terme des relations sereines entre les agents, entre eux, et avec leur hiérarchie.
En termes d'enseignements, je dirai qu'il convient d'être prudent, avant de lancer une telle démarche, de rechercher l'adhésion de tous les acteurs impliqués, de définir le rôle de chacun, de bien cibler quel est le périmètre d'action du dispositif, et surtout de bien communiquer sur les objectifs de ce dernier.