Discours d'Annick GIRARDIN - Conseil commun de la Fonction publique - Mardi 11 avril 2017 - 12/04/2017
Mesdames et Messieurs,
Nous voilà réunis aujourd’hui pour le dernier Conseil commun de la Fonction publique que j’ai l’honneur de présider. Il se tient, pour la première fois, dans le salon des Glaces de l’hôtel Rothelin-Charolais, qui abrite le ministère de la Fonction publique depuis quelques semaines seulement. Le quinquennat touche à sa fin et il faut désormais faire le bilan de ce que nous avons réalisé, nous mettre d’accord sur ce qu’il reste encore à faire et esquisser les grandes lignes de la Fonction publique de demain.
Nous pourrons ensuite aborder le programme – chargé comme toujours – de ce dernier conseil commun avec quatre projets de décret.
Avant de commencer, je voudrais préciser ma pensée à la suite de l’article publié dans « Acteurs publics » le 15 mars.
Je n’ai qu’un seul discours, celui que je tiens devant vous depuis maintenant plusieurs mois : je défends une Fonction publique de carrière, fondée sur le statut. Il ne s’agit pas de toucher au statut. Le statut est une garantie, une protection contre les tentatives d’arbitraire et un cadre juridique solide et agile. Il s’agit de mettre en avant les métiers de la Fonction publique. D’ailleurs, l’usager ne connaît au quotidien que l’enseignant, le policier, l’assistant(e) social(e) ou l’infirmièr(e).
Autre sujet que j’ai abordé dans le même article d’Acteurs Publics, j’ai la conviction qu’il existe trop de corps au sein de la Fonction publique de l’Etat. Et j’appelle de mes voeux un mouvement de fusion de ces corps. Il permettra :
- de redonner du sens aux métiers et de la reconnaissance aux agents qui les exercent,
- de faciliter les mobilités au sein de l’Etat et entre les trois versants de la Fonction publique,
- et constituera un facteur d’attractivité de la fonction publique, en permettant une identification directe aux fonctions exercées.
La politique menée depuis 5 ans par ce ministère prouve notre attachement à la Fonction publique et notre engagement aux côtés des agents.
Le gouvernement et Marylise Lebranchu, qui m’a précédée à la tête de ce ministère et dont je salue ici l’action, ont mis fin au non remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Cette politique était une véritable purge qui mettait en danger l’ensemble de nos services publics.
Nous avons également rétabli le dialogue social, qui était au point mort à la fin du quinquennat précédent. L’agenda social a été construit dès 2012 et alimenté jusqu’à cette année encore.
Nous avons agi tout au long de ce quinquennat pour rendre la Fonction publique plus équitable, plus moderne, plus transparente et aussi pour redonner du sens aux missions des agents et pour améliorer leur bien-être au travail. Même s’il reste encore beaucoup à faire j’en conviens.
Rendre la Fonction publique plus équitable, c’est porter une attention particulière aux agents les plus modestes. C’est pourquoi nous avons augmenté la rémunération des catégories C dès février 2014 et encore en janvier 2015. De même, la revalorisation des grilles des agents par le protocole PPCR a été particulièrement importante pour ces catégories.
Dans la continuité de ce que prévoyait le protocole, j’ai aussi estimé qu’il était nécessaire de revaloriser la valeur du point d’indice pour tous les fonctionnaires, au vu des efforts qu’ils avaient consentis. C’est pourquoi nous avons revalorisé la valeur du point d’indice de deux fois 0,6%, au 1er juillet 2016 et au 1er février 2017.
L’équité, c’est aussi des règles communes à tous les employeurs et à tous les versants de la Fonction publique. C’est pourquoi nous avons harmonisé les carrières au sein des trois versants avec le protocole PPCR. Nous avons également simplifié et rationnalisé le millefeuille indemnitaire pour le rendre plus juste et plus compréhensible pour les agents avec le déploiement du RIFSEEP.
Nous avons voulu rendre la Fonction publique plus moderne :
Nous avons mis en place la DRH de l’Etat, Elle assure la coordination des politiques transversales aux trois versants de la Fonction publique et le pilotage de la politique RH de l’Etat. Elle va favoriser la culture commune des agents ainsi que leur mobilité, pour améliorer l’efficacité et le dynamisme des services publics.
Il était aussi nécessaire de rendre la Fonction publique plus transparente :
Nous n’avons eu à ce sujet aucun tabou. Nous avons voulu aborder toutes les questions, même les plus sensibles. Nous avons diffusé tous les rapports, de M. L’Horty, de M. Rousselle ou encore de Mme Descamps-Crosnier dont nous avons débattu le 5 avril dernier.
Le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert nous a donné des objectifs et des outils pour aller vers plus de transparence et plus d’exemplarité. Nous pouvons nous féliciter des progrès accomplis, même si je suis persuadée que nous pouvons et nous devons aller encore plus loin, par exemple dans la transparence des rémunérations ou encore de la stratégie gouvernementale. Je suis ainsi favorable à la publication des lettres de mission des ministres.
Redonner du sens à la Fonction publique ce fut l’un des objectifs de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Cette loi constitue une avancée majeure. Elle crée de nouveaux droits et de nouvelles obligations et assure à la fois la neutralité et l’exemplarité de nos agents.
Ainsi, cette loi étend la protection fonctionnelle, protège les lanceurs d’alerte et renforce les principes de la Fonction publique de carrière. Elle met aussi en place la prévention des conflits d’intérêts.
Je tiens à revenir sur l’importance du principe de neutralité, que chaque fonctionnaire doit respecter et qui a été remis en cause par une candidate durant cette campagne présidentielle. Je le répète, il ne doit y avoir ni menace aujourd’hui, ni embrigadement demain dans notre Fonction publique !
La mission de mon ministère est aussi de permettre aux agents d’assurer leur travail dans les meilleures conditions possibles. À ce titre, nous avons signé un accord sur la prévention des risques psycho-sociaux et demandé aux différents ministères de concevoir des plans managériaux. Le plan d’actions sur la santé et la sécurité au travail doit permettre de répondre en partie à ces problématiques.
Autre action, nous avons lancé la construction de 600 logements dédiés aux agents publics en Île-de-France en partenariat avec la Caisse des dépôts et l’ERAFP pour améliorer l’accès au logement des fonctionnaires et ainsi améliorer leur vie quotidienne. Même si le chantier commence maintenant, avec Emmanuelle Cosse, nous avons obtenu, il y a quelques jours, l’augmentation à 12,5% (au lieu de 10%) de la part des investissements de l’ERAFP dans l’immobilier. Cela permettra de mobiliser plusieurs centaines de millions supplémentaires au service du logement.
Vous le savez, j’ai fait de la laïcité, de l’innovation et de la jeunesse les priorités de mon action au sein de ce ministère.
Tout d’abord, la laïcité est un principe fondamental pour moi. C’est à la fois une exigence et une garantie pour l’agent public et l’usager.
Mais, au quotidien, les agents se trouvaient trop souvent démunis face au fait religieux. J’ai donc mis en place en juin 2016 une Commission « Laïcité et Fonction publique », le rapport m’a été remis en décembre dernier. J’ai décidé de mettre en oeuvre six mesures fortes : c’est l’objet de ma circulaire du 15 mars dernier et j’ai souhaité que les agents soient désormais accompagnés dans l’exercice de leurs missions.
Ensuite, j’ai décidé d’encourager l’innovation dans la Fonction publique, en associant des agents de toutes les catégories des trois versants, car je suis convaincue que la Fonction publique doit évoluer avec la participation et les propositions de ses agents pour relever les défis qui attendent notre pays.
C’est dans cet esprit que j’ai lancé une grande consultation dans toute la France intitulée « Ma Fonction publique se réinvente ».
Ce projet a été d’une utilité réelle, il a fait converger les idées innovantes et a replacé l’esprit d’initiative au coeur de la Fonction publique. Il a abouti à la création d’un fonds d’innovation RH d’1M€.
Nous avons présenté le 7 mars 2017 les nombreuses initiatives prises par les agents, partout en France métropolitaine et en Outre Mer.
Ma troisième priorité a été l’engagement des jeunes dans la Fonction publique.
L’ouverture de la Fonction publique aux jeunes s’est traduite par : l’augmentation de 700 à 8 400 apprentis dans la Fonction publique de l’Etat, l’objectif restant 10 000 apprentis, le doublement des places dans les classes préparatoires intégrées (cpi) et les deux décrets que nous allons examiner sur l’élargissement du PACTE et sur les contrats en alternance.
Afin de faire entendre la voix des jeunes dans la fonction publique, j’ai également apporté mon soutien à la création de l’association des jeunes agents publics, appelée FP21, qui leur offre un cadre d’échanges et de réflexion.
Nous voulons une fonction publique à l’image de la société qu’elle sert, avec plus de jeunes mais aussi de personnes aux expériences diverses. Le rapport de Yannick L’Horty remis en juillet 2016 a mis en évidence la réalité des discriminations et la nécessité d’évaluer régulièrement les processus de recrutement.
Nous avons travaillé sur un plan d’actions de promotion de la diversité et de lutte contre les discriminations en impliquant particulièrement les écoles de service public.
S’agissant de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, j’ai souhaité y répondre de façon globale, dans la continuité de l’accord unanime du 8 mars 2013. Nous sommes allés plus loin avec le rapport de la députée Françoise Descamps-Crosnier sur les inégalités salariales et les 30 mesures correctrices déjà mises en oeuvre.
Pour ouvrir encore plus notre fonction publique et lui permettre de répondre aux défis de demain, j’ai signé des accords de coopération internationale avec l’Allemagne, les pays du bassin méditerranéen et les pays francophones. Ce qui m’a permis de promouvoir notre modèle de Fonction publique qui nous est envié.
J’ai ouvert avec vous une discussion sur les spécificités de la Fonction publique dans les Outre-mer. Elle a débouché sur des mesures dans la loi sur l’Égalité réelle Outre-mer. Un sujet phare a été traité, celui des mutations prioritaires sur la base du CIMM, et ma circulaire de mars est venue expliciter ce nouveau droit.
À la tête de ce ministère, j’ai voulu porter ces priorités parce qu’elles répondent à un véritable besoin. Elles renforcent les principes et le dynamisme de la Fonction publique, et donc son utilité au service des citoyens. Nous n’avons fermé les yeux sur aucun sujet, nous n’avons esquivé aucun débat.
Sur le temps de travail aussi, nous avons voulu faire la lumière sur la situation des fonctionnaires. Il faut réaffirmer, face aux critiques injustes et répétées, que oui, les fonctionnaires travaillent, d’ailleurs plus souvent que les autres de nuit et le dimanche.
Mais il faut également rappeler les règles aux employeurs et pointer les irrégularités : c’est aussi ce que nous faisons, c’est notre responsabilité.
Comme vous pouvez le constater, les chantiers n’ont pas manqué pendant ce quinquennat en général et pendant cette dernière année en particulier.
Je voudrais très sincèrement vous remercier d’y avoir contribué car il ne doit pas y avoir de Fonction publique sans dialogue social.
En cinq ans, ce sont précisément 199 réunions avec les organisations syndicales représentatives et les employeurs qui se sont tenues dans le cadre de l’agenda social. C’est dire si nous avons attaché de l’importance –les uns et les autres– aux échanges sur ces différents dossiers. Merci à vous pour votre engagement et votre investissement sur ces sujets.
Ces échanges ont permis des avancées communes et la signature de deux accords significatifs, sur l’égalité femmes/hommes et sur la prévention des risques psycho-sociaux.
D’ailleurs, même lorsqu’il y a eu des désaccords, nous avons essayé d’avancer ensemble, au-delà des postures. Pour le protocole PPCR par exemple, il y a eu une longue phase préalable de concertation et d’échanges et vous aviez, je crois, apprécié cette démarche.
Plusieurs sujets importants n’ont pas pu être achevés, faute de temps. Je pense en particulier :
- Au renforcement de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires pour protéger pleinement les agents,
- A la prise en compte de la pénibilité et de sa prévention. Sur ce sujet la Fonction publique est en retard. Il sera nécessaire de réinterroger les dispositifs actuels et de mettre en place des mesures plus efficaces, inspirées du compte personnel de prévention de la pénibilité du secteur privé.
- Il faudra aussi se pencher sur l’attractivité territoriale pour lutter contre les déserts administratifs qui fragilisent notre pacte républicain sur l’ensemble du territoire. Il faut aussi affecter des cadres expérimentés sur tous les territoires, même les moins attractifs comme dans certains outremers ou zones défavorisées. La réforme de l’indemnité de résidence me paraît à cet égard indispensable, comme d’ailleurs la réforme du supplément familial de traitement (SFT), dispositif obsolète et injuste.
- Il faut également faire pleinement participer la Fonction publique au tournant du développement durable, avec l’application intégrale des dix-sept objectifs de développements durables (ODD) prévus dans l’Agenda 2030.
Enfin le dialogue social dans la Fonction publique devra aussi être repensé :
Bientôt dix ans depuis les accords de Bercy, sept ans après la loi de 2010, il nous revient de faire un bilan de la négociation, ses lieux, les modes de déclinaison des accords ainsi que de la concertation.
- Il vous reviendra, avec celle ou celui qui me succèdera, de définir ce que doit être un dialogue social rénové et adapté aux réformes qui nous attendent.
- Il faudra aussi recentrer les missions des CAP pour les renforcer et les rendre plus efficaces.
- Il sera également nécessaire de redéfinir la politique salariale, et de programmer une négociation annuelle. Dans mon esprit, le prochain rendez-vous devrait avoir lieu dès le mois de juin.
- S’agissant du Conseil commun lui-même, il me semble nécessaire de moderniser son fonctionnement pour le rendre lui aussi plus efficace.
Rénover le dialogue social est nécessaire pour faire face ensemble aux nombreux défis que la Fonction publique va devoir relever dans les années à venir : défi environnemental, défi numérique, défi du vieillissement, défi sécuritaire. La société change, ses besoins en matière de services publics aussi. Il faut donc adapter notre Fonction publique, la rendre souple, réactive, pour permettre de répondre aux nouvelles attentes des usagers.
C’est pour faire face à tous ces défis que j’appelle de mes voeux la tenue, tout de suite après l’élection présidentielle, d’États généraux des services publics, qui permettraient de redéfinir avec les agents et les citoyens les missions et la place des services publics et de la Fonction publique dans notre pacte républicain.
La Fonction publique a montré sa capacité de modernisation et d’adaptation. Elle s’est révélée être indispensable dans les moments de crise aussi bien que dans le maintien du lien social, particulièrement dans les territoires isolés ou fragiles.
C’est pourquoi dénigrer les fonctionnaires ou questionner leur utilité, c’est fragiliser le socle de la République.
La Fonction publique constitue un héritage précieux qu’il nous faut sans cesse faire vivre et améliorer. Vous pourrez toujours compter sur moi pour soutenir cette Fonction publique dont nous sommes si fiers Elle est un formidable atout pour notre pays.
Je voudrais enfin m’arrêter ici sur le travail de la DGAFP, qui a permis de mener à bien toutes ces réformes et de tenir l’agenda social. L’équipe de la DGAFP a même réussi l’exploit de modifier 500 textes statutaires pour PPCR en quelques mois ! C’est pourquoi je souhaite féliciter chaleureusement Thierry Le Goff (en légitime congé), Carine Soulay et leurs équipes pour le remarquable travail effectué durant ces cinq années. Sans oublier les équipes de la DGCL et de la DGOS qui ont su tenir le même rythme. Bravo à tous !
Je vous remercie