États généraux des comptes de la Nation : discours de Gérald Darmanin - 06/07/2017
* La vérité des comptes publics est sans appel.
Le dimanche 8 mai dernier, puis à nouveau le 18 juin, les Français ont fait le choix de l’alternance politique, surtout dans les pratiques.
Et il n’y aura pas d’alternance dans l’action politique, pas d’alternance dans les pratiques, sans alternance budgétaire c’est‐à‐dire sans changement.
Le diagnostic dressé tout à l’heure par le Premier président Migaud démontre une dangereuse dérive. Nous ne pouvons perpétuer les pratiques qui mènent à de tels dérapages. Nous ne pouvons perpétuer les logiques de procrastination budgétaire. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la grandeur de la France. Ce ne sera pas facile. Face à l’ampleur de la tâche, c’est à la France toute entière de travailler. A chaque Français de jouer son rôle citoyen. C’est pourquoi, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, j’ai souhaité vous réunir aujourd’hui, vous tous dont la mobilisation est décisive, et je vous remercie chaleureusement de votre présence.
Chacun d’entre nous devra expliquer sans relâche, convaincre et prendre sa part dans le redressement des comptes de la Nation. C’est un devoir citoyen. C’est un réflexe de fierté nationale.
Car si nous voulons réussir là où nos prédécesseurs ont échoué, il nous faudra donner du sens à ce combat. Un sens citoyen.
Le danger de la dilapidation de l’argent public peut apparaître virtuel. Les montants évoqués dépassent l’entendement et la vie quotidienne des Français. Pourtant l’argent public n’est autre que l’argent de chacun des Français. Sa mauvaise gestion produit le même cercle vicieux dramatique que celui du surendettement d’un concitoyen. Elle fragilise puis elle dépossède.
C’est une addiction qui crée la dépendance. Comme toute addiction, elle est agréable au début, aliénante ensuite.
La gestion à courte vue de nos comptes a un effet très concret : elle est un ennemi de la démocratie, car elle est l’une des raisons de la rupture de confiance entre les Français et leurs élus. Faire des annonces que l’on ne sait financer, c’est le jeu d’une classe politique qui ne tient pas sa parole. Les Français n’en peuvent plus des paroles sans lendemain, des paroles qui sèment du vent. Il n’est pas anodin que le Président de la République et le Premier ministre aient choisi la terminologie « action et les comptes publics » pour le ministère dont il m’a fait l’honneur d’être à la tête. Le lien avec les comptes et l’action qu’ils permettent doit être notre méthode et notre combat.
« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde », disait Camus.
Dire la vérité sur les comptes publics, c’est la première étape pour pouvoir agir. Merci à la Cour des Comptes de son travail indépendant.
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Alors, quelle est cette vérité ?
1. LA VERITE, C’EST QUE LE SERIEUX BUDGETAIRE EST l’APANAGE DES NATIONS LIBRES
Avec une dette publique dépassant les 2200 milliards d’euros, près de 100% de la richesse nationale, et détenue au 2/3 à l’étranger, le redressement de nos finances publiques est un impératif national.
Au moment de l’Histoire où nous nous trouvons, nous pouvons encore nous réformer, avant d’avoir à le faire contraints par l’extérieur et dans la douleur de l’humiliation. Aujourd’hui, la situation nous est favorable : les Français sont plus optimistes, la croissance repart et les taux d’intérêts sont bas. Et la fortune sourit aux audacieux.
Mais, comprenez bien que si les taux augmentaient ne serait‐ce que d’un point, nous perdrions tout de suite 2 Milliards d’euros. C’est l’équivalent de 333 médiathèques ou de 200 écoles non construites. Cela n’a rien d’une fiction. Voilà le réel.
C’est parce que nous ne voulons pas laisser la France à la merci de ses créanciers qu’il nous faut mettre de l’ordre dans nos comptes sans attendre.
Souvenez‐vous du discours du général de Gaulle du 28 décembre 1958, il disait : « Sans l'effort de mise en ordre avec les sacrifices qu'il requiert et avec les espoirs qu'ils suscitent, nous resterions un pays à la traîne, perpétuellement oscillant entre le drame et la médiocrité. » Plus de 60 ans plus tard, cet avertissement est plus que jamais d’actualité.
- LA VERITE, C’EST AUSSI QUE LE SERIEUX BUDGETAIRE EST UN ENJEU ECONOMIQUE MAJEUR.
Des dépenses publiques trop élevées, un endettement déraisonnable, c’est l’assurance d’étouffer la croissance, les initiatives privées, le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Dans un pays qui compte plus de 3.5 millions de chômeurs (uniquement en catégorie A), nous ne pouvons‐nous y résoudre.
En retrouvant la maîtrise de nos finances, nous pourrons enfin réduire les impôts et les charges qui grèvent le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises.
Les efforts d’aujourd’hui feront les emplois de demain.
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CAR LA VERITE, C’EST QUE NOUS SOMMES FACE A UN ENJEU DE SOLIDARITE.
La dette que nous contractons aujourd’hui est un impôt que nous prélevons sur les générations à venir. Quelques soient nos désaccords, je ne crois pas que ce soit l’héritage qu’aucun d’entre nous veut laisser aux autres et particulièrement à ses enfants et pire encore, à ses petits‐enfants.
En la matière, ne tombons pas dans la caricature. Non aux dépenses incontrôlées, non à l’inefficience des politiques publiques, mais oui à l’investissement qui permet de préparer la société de demain.
Le Président de la République a proposé un projet d’espoir aux Français, pour justement revenir à une dynamique de progrès, avec un plan d’investissement ambitieux.
Le bon endettement est celui qui servira aux générations futures de Français,
ceux précisément qui auront à le rembourser. Nous nous sommes endettés de manière considérable, sans augmenter le budget de la recherche, sans améliorer le niveau des élèves, sans solutionner la désertification médicale dans les zones rurales ou améliorer la prise en charge des personnes en situation de handicap. Ma génération est celle qui, pour la première fois, pense que sa vie sera moins facile que celle de ses parents. Ne réservons pas le même sort à nos enfants. Il n’y a pas de fatalité.
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Vous l’aurez compris, si nous voulons dire la vérité aux Français, c’est parce que nous pensons que l’assainissement de nos finances publiques se fera avec et pour eux.
- AVEC LES FRANÇAIS, CAR ETANT DONNEE L’AMPLEUR DU DERAPAGE, L’EFFORT DEVRA ETRE COLLECTIF.
Le Premier ministre l’a rappelé mardi : aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche ne seront sanctuarisés.
Cela veut dire que chaque ministère devra participer en cherchant partout les territoires d’efficience : ce n’est pas parce que nous embauchons des professeurs, ouvrons des classes pour pouvoir avoir des groupes de 12 élèves, qu’il n’y a pas ailleurs des pistes d’économie à trouver au sein de l’Education Nationale par exemple. Etre un ministère prioritaire ne veut pas dire un ministère sans réforme.
L’Etat prendra donc sa part dans l’effort collectif, mais celui‐ci sera réparti sur l’ensemble des administrations publiques : les administrations de Sécurité Sociale et les collectivités territoriales devront contribuer à hauteur de leur poids respectif dans la dépense publique totale.
Il faut arrêter avec l’idée qu’il faut faire des économies en général mais jamais en particulier.
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AVEC LES FRANÇAIS DONC, MAIS AUSSI POUR EUX.
Nous ferons des réformes justes, corrigées et justes, adaptées à ce que chacun peut consentir et en veillant à préserver la solidarité nationale pour les plus fragiles d’entre nous.
A ceux qui seraient tentés de s’opposer au sérieux budgétaire choisissant la politique de l’Autruche ou la procrastination, nous disons que c’est l’immobilisme qui met à risque notre modèle social, notre bien commun le plus précieux.
C’est justement pour éviter, dans 1 an, 2 ans ou dans 3 ans, quand les taux d’intérêts remonteront, car un jour ils remonteront, de devoir agir radicalement comme d’autres pays ont dû le faire avant nous, qu’il faut se mobiliser.
Des comptes bien tenus mettent à l’abri… Comme ils permettent à chacun d’affronter les coups durs de la vie, ils permettent à un pays d’affronter les crises et de continuer à protéger ses concitoyens.
- Les choix que nous faisons sont aussi pour les Français parce que le redressement se fera sans alourdissement de la pression fiscale. C’est l’engagement du Président de la République et du Premier ministre qui connaissent l’état de saturation fiscale de nos concitoyens. L’impôt, les taxes, ces facilités qui conduisent aux révolutions quand ils deviennent confiscatoires.
Mais si nous sommes capables de réformer sans augmenter les impôts, nous ne pourrons pas le faire sans diminuer nos dépenses !
D’un côté, on vous dit : « baissez les prélèvements et l’activité reviendra d’elle‐ même », sans que cela ne creuse le déficit, bien entendu. De l’autre, on vous dit « augmentez les dépenses et l’activité reviendra d’elle‐même », là encore sans que cela ne creuse le déficit, bien entendu.
Nous voulons reconnecter les deux hémisphères de notre cerveau : celui de la dépense publique avec celui des impôts. L’impôt est la conséquence de la dépense, et non l’inverse. Sans rétablissement de nos comptes publics, pas de baisses d’impôts possibles.
Si les réformes nécessaires sont mises en œuvre, les Français verront rapidement les fruits de leurs efforts.
Il faut donc avoir le courage de le faire.
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Il y a 3 territoires d’action : des mesures immédiates d’abord ; des réformes structurelles aussi ; et la transformation en profondeur des méthodes, qui seule garantira qu’on ne reproduise pas demain les erreurs d’hier.
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NOUS AVONS ENVIRON 5 MILLIARDS D’EUROS A ECONOMISER D’URGENCE POUR BOUCLER LE BUDGET 2017 ET TENIR LES 3 % C’EST‐A‐DIRE LA PAROLE DE LA FRANCE
Nous allons rapidement prendre toutes les mesures d’ordre réglementaire, susceptibles de financer les dépenses indispensables et d’assurer le respect de nos engagements européens.
Aujourd’hui, quelle est la situation ? En l’état de l’exécution 2017,
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il n’y a plus d’argent pour financer le plan de formation lancé par l’ancien Président de la République,
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près de 70 % des 280 000 contrats aidés ont déjà été utilisés durant le seul premier semestre,
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les dépenses de guichet comme l’allocation adultes handicapés (AAH) ont été sous‐budgétées,
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la recapitalisation d’Areva n’a purement et simplement pas été budgétisée
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L’accueil des demandeurs d’asile n’a pas été prise en compte,
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L’indemnisation des crises sanitaires ont été insuffisamment dotées
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Une sous budgétisation de l’hébergement d’urgence et du service civique
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Et d’autres encore…
C’est le sens du décret d’avance qui est actuellement en cours de préparation et que nous soumettrons, bien entendu, aux deux commissions des finances des assemblées.
- Les mesures du décret d’avance ne sont pas encore notifiées officiellement, mais je peux évoquer pour exemple ce qui concerne mon périmètre ministériel : un total de 120 millions d’€ de crédits seront annulés en réduisant des dépenses de fonctionnement courant.
De la capacité à redresser très vite la situation et à contenir, dès cette année, le déficit public à 3% du PIB, dépend notre capacité à tenir ensuite nos promesses : cette fois, les Français ne nous le pardonneraient pas si nous ne les tenions pas.
- Je vous donne l’exemple du CICE : la première année de sa transformation en baisse de charges, l’Etat devrait payer son coût deux fois, une somme de 20 milliards que, vu l’état de nos finances, nous ne pouvons nous permettre. Pour tenir cet engagement présidentiel, et nous le ferons, il nous faut sortir de la procédure de déficit excessif de Bruxelles dès cette année !
La gravité de la situation telle que décrite par la Cour des comptes commande aussi, commande surtout, une action résolue pour les exercices postérieurs à 2017 :
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AYONS LE COURAGE D’ENGAGER DES A PRESENT LES REFORMES DE STRUCTURE INDISPENSABLES AU REDRESSEMENT DE LONG‐TERME DE NOS COMPTES PUBLICS.
Le Premier ministre a fixé un objectif clair de réduction du niveau de dépenses publiques. Pour 2018, il a annoncé une stabilisation des dépenses en volume toutes administrations confondues. Sur le quinquennat, nous voulons passer de 56% du PIB environ à 53% en 2022.
- Cela nécessite de ne pas perdre le cap en cours de mandat : nous déposerons en septembre une nouvelle loi de programmation des finances publiques quinquennale. Elle permettra de prendre tout de suite les décisions et de donner une visibilité de moyen et long terme à tout le monde.
- Cela nécessite aussi une totale solidarité car l’objectif s’entend toutes administrations publiques confondues.
Alors, par où commencer ? Nous avons regardé dans quels domaines nous dépensions comparativement plus que nos voisins.
Eh bien le résultat est que la plupart des politiques publiques coûtent plus cher chez nous que chez les autres !
- Dans tous les domaines de l’action publique, les Français ont‐ils pour autant le sentiment que le service est mieux rendu ? Pas toujours.
L’objectif est d’améliorer l’efficacité de ces politiques en termes concrets pour les usagers tout en parvenant à limiter leur coût. Nous ne sommes pas des idéologues de la dépense publique, nous serons pragmatiques avec l’argent des Français !
Je m’arrête un instant sur l’exemple de la fonction publique. Les agents du service public font un travail admirable. Ils portent la République et ses territoires. Ils savent qu’ils doivent moderniser leurs actions et que l’on doit mettre fin aux solutions de facilité adoptées souvent par démagogie.
Le jour de carence a eu un effet sur l’absentéisme sur la courte période où il a été appliqué : en 2012, les arrêts d’un jour ont diminué de 43 % dans la FPT et de 40 % dans les hôpitaux. Même si le jour de carence ne doit pas être le seul instrument pour lutter contre l’absentéisme des agents, qui est aussi la conséquence de souffrances pour les agents, et parfois du au mauvais management, il permet de lutter contre le micro‐absentéisme qui désorganise les services, alourdit la charge de travail des collègues en poste et coûte environ 170 millions d’euros par an.
- AYONS LE COURAGE EN PARALLELE DE RENOVER EN PROFONDEUR NOS PRATIQUES BUDGETAIRES.
Le changement ne se décrète pas, il s’organise.
Il n’y a pas de changement des actes, sans changement de la méthode.
Didier Migaud l’a rappelé, la Cour des comptes appelle à la transformation de la gouvernance de nos finances publiques. C’est un chantier à part entière.
1‐ Il s’agit, premièrement, de répondre aux critiques répétées de la Cour et du Parlement en matière de sous‐budgétisations initiales. En tant qu’amoureux du Parlement et ancien parlementaire moi‐même, je sais les biais de construction budgétaire qui empêchent le Parlement de contrôler efficacement le Gouvernement et ses décisions. Aussi, la volonté du Gouvernement est claire : mettre fin aux Budgets d’Affichage.
La conséquence immédiate de ce changement de méthode, c’est une responsabilisation accrue des gestionnaires de programmes. En d’autres termes, il ne pourra plus être dérogé aux plafonds de crédits dès lors que le gouvernement en assurera la sincérité.
2- Deuxièmement, nous souhaitons réviser, en concertation naturellement avec les deux chambres, la procédure parlementaire conduisant au vote de la loi de finances.
Nous souhaitons changer de logique : juger l’action publique moins sur ses moyens que sur ses résultats.
Il est donc nécessaire de rééquilibrer l’examen des textes financiers, en mettant l’accent sur l’exécution budgétaire et les résultats, plutôt que sur l’autorisation initiale. Imaginons que les durées respectives d’examen d’un PLF et du projet de loi de règlement soient inversées ! Passer trois mois sur le budget, qui est une prévision, et quelques heures sur l’exécution n’est pas digne du respect du Parlement.
Ainsi, les pouvoirs du Parlement en matière d’évaluation et de contrôle seraient renforcés par une nouvelle méthode.
Enfin, je voudrais insister sur l’importance de l’unité de nos comptes. Le Premier ministre a fixé un objectif de réduction des dépenses Etat, administrations de sécurité sociale, collectivités territoriales confondus : il a annoncé qu’il y aurait 0% d’évolution des dépenses publiques en 2018. Nous devrons être solidaires de cet objectif collectif jamais atteint par aucun Gouvernement. C’est pourquoi j’ai proposé, Messieurs les rapporteurs généraux Valerenberghe et Véran, et comme le suggère la Cour, d’examiner de manière conjointe les recettes de l’Etat et de la Sécurité sociale.
3‐ Troisièmement, nous voulons que l’on fonctionne par grands chantiers.
C’est, je le crois, la meilleure – peut‐être la seule manière – de faire avancer rapidement et de manière concrète les choses. Les principes généraux c’est bien, les ambitions transversales c’est utile, mais les efforts fléchés sont les plus efficaces.
Nous avons déjà identifié les premières politiques publiques qui pourraient être les pilotes de notre action réformatrice :
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le logement, en particulier pour libérer l’offre et dépenser moins en solvabilisation de la demande
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l’emploi et la formation professionnelle, on le voit bien il y a un enjeu de formation efficace des chômeurs, nous n’y sommes pas encore alors que nous dépensons des sommes extrêmement importantes : plus de 32 milliards d’euros, avec de multiples tuyauteries budgétaires dont nous seuls avons le secret.
4‐ Derrière les chantiers, il y a aussi la question fondamentale des missions de l’Etat.
Lorsque je suis arrivé à la tête de ce Ministère, on m’a tout de suite posé la question des suppressions de postes de fonctionnaires. Je comprends que le sujet inquiète et il est certain qu’il faudra faire un effort de l’ordre de 120 000 postes dans la fonction publique, comme l’a annoncé le Président de la République. Mais il faut prendre les choses dans le bon ordre. Quel service public voulons‐nous ? Et en partant de là, discutons des moyens et des hommes et femmes pour les délivrer.
- L’Etat doit continuer de faire et mieux faire : grâce au numérique (une partie du plan d’investissements de 50 milliards y sera consacrée), à la simplification, à l’innovation ou encore à une véritable politique managériale.
- L’Etat doit aussi se remettre en question et s’assurer que toutes ses missions répondent toujours aux priorités de nos concitoyens. Les temps ont changé, les services publics du XXIème siècle ne peuvent être les mêmes qu’à l’après‐guerre. Avec une finalité : un Etat qui assumera mieux le cœur de ses compétences, un Etat qui sera meilleur sur l’essentiel.
L’Etat doit être fort mais agile. L’Etat, c’est la modernité ; le conservatisme, c’est sa mort.
La fonction publique est déjà dans la modernité, en dépit des caricatures qui circulent. Encore faut‐il la laisser l’exprimer. Ministre des fonctionnaires, je suis fier d’être à la tête de ceux qui œuvrent chaque jour au service des valeurs de la République, de la modernisation des services publics et incarnent la diversité de la société qu’ils servent. Je leur suis reconnaissant de leur engagement, en dépit des efforts certains qu’on leur impose mais qui sont indispensables pour préserver l’essence même de l’action publique : les principes du service public.
Bien sûr, cette question du périmètre de l’Etat comme celle de la réduction de la dépense publique ont déjà été maintes fois abordées. Il faut être humble par rapport aux nombreux efforts déjà fournis. Nous ne partons pas d’une page blanche.
Mais le compte n’y est pas. Cette réalité est pourtant décrite dans une masse d’audits et de rapports qui s’empilent et qui n’ont pas d’effets.
Cette réalité, elle est aussi décrite par les agents eux‐mêmes : j’ai fait de nombreux déplacements depuis mon arrivée au Gouvernement. A chaque fois, j’ai demandé aux agents que je rencontrais de me faire remonter des pistes de modernisation concrète dans leur service, il suffit de les écouter pour savoir qu’il nous reste du chemin à parcourir. Je veux mettre en place des cahiers de doléances des agents du service public pour que chacun puisse faire remonter des informations, des propositions de bon sens et participer aux processus de simplification et d’évolution du service public.
Les Gouvernements successifs, hésitant entre un changement « dicté d’en haut » et la méthode participative qui malheureusement peine à déboucher sur des arbitrages nets, n’ont pas encore trouvé la bonne manière de mener la transformation publique.
Une troisième voie est possible, combinant volontarisme politique et intelligence collective, fondée sur le retour d’expérience des précédents mouvements de réforme de l’Etat.
Elle repose sur un principe : la transformation publique, ça ne peut être « l’Etat qui parle à l’Etat ».
L’Etat doit assumer le rôle de chef de file de la transformation publique, mais ce mouvement doit être profondément ouvert sur la société française.
Si pour la première fois, nous interrogions massivement les Français sur la manière dont ils perçoivent le service public du XXIème siècle ? Une bonne révolution ne se conduit pas sans cahiers de doléances…
Nous allons lancer une consultation publique, déclinée dans les territoires, à laquelle chacun pourra participer : tous les citoyens, les agents publics, les entreprises, les élus, les associations.
Cela implique de mettre autour de la table l’ensemble des acteurs – Etat, opérateurs, collectivités –, dans un dialogue franc, parfois même contractuel (ce n’est pas un vilain mot !). La transformation publique devra notamment être à l’ordre du jour de la grande conférence des territoires qui se tiendra à la fin de cette année.
Si nous y arrivons, les Français verront plus dans l’administration une alliée qu’une entrave ; les agents publics se sentiront reconsidérés et la transformation publique pourra contribuer, sur la durée, à une meilleure utilisation de la dépense publique.
Je résume :
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Moins 3 points de dépenses publiques dans la richesse nationale
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Moins 1 point de prélèvements obligatoires
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Moins 2 points de déficit
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Moins 5 points de dette
… d’ici 2022.
Voilà chers amis, le cap que le Président de la République et le Premier ministre ont voulu et validé par les Français.
Et voici la méthode que je vous propose : Vérité, Courage et Action collective.
Je vous le disais tout à l’heure, il n’y aura pas d’alternance dans l’action politique sans alternance budgétaire. Nous ne pourrons affirmer à la fin du quinquennat que nous aurons réussi la lourde tâche que nous ont confiée les Français, si nous n’avons pas changé l’état de nos finances, baissé les prélèvements obligatoires, retrouvé des marges de manœuvre, investi pour l’avenir, et redressé l’image de la France à l’étranger.
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J’ai pleinement conscience que cette feuille de route est exigeante. Pour notre génération de concitoyens, de responsables, d’élus, qui va devoir assumer les conséquences de décennies d’aveuglement budgétaire.
Je sais aussi qu’il y a des réalités, et souvent des réalités difficiles, derrière les chiffres. Nous ne les manipulerons pas aveuglément. Je suis un homme du terrain, mon histoire personnelle et politique a fait de moi un homme qui refuse d’être dur avec les faibles. Je n’oublierai pas cet ADN au profit d’une vision comptable.
Nous voulons aussi être clairs : parce que les Français feront des efforts, nous serons intransigeants avec tous ceux qui trichent, fraudent, et se soustraient à la solidarité nationale. Et l’exemple doit venir d’en haut. C’est ce que nous faisons : la diminution du nombre de collaborateurs de cabinet dans les ministères représente une économie de 30 millions d’euros par an.
Enfin, le cap est exigeant mais soyez sûrs que la réussite est possible. Si nos voisins européens l’ont fait, avec une baisse moyenne de leur déficit de 3,3 points entre 2010 et 2016, alors nous pouvons le faire aussi.
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La situation est difficile, nous n’avons pas voulu vous le cacher.
Parce que la vérité est la première étape pour pouvoir mener les réformes courageuses dont notre pays a besoin.
Parce que le partage de ce diagnostic est la condition de notre mobilisation collective au profit de l’intérêt général.
Nous redresserons nos comptes et nous moderniserons nos services publics parce que c’est le sens de l’histoire, que notre crédibilité et notre souveraineté sont en jeu, et que c’est la condition d’une Nation libre. Nous ne voulons pas devenir « une Nation qui s’abandonne », comme le disait Mendès‐France de ces pays « dont les comptes sont en désordre ».
Je vous remercie.