Examen à l'Assemblée nationale du projet de loi de transformation de la Fonction publique : Discours d'ouverture de la discussion générale - 13/05/2019
*Monsieur le Président,
Madame la présidente de la Commission des Lois, Madame la rapporteur,
Madame et Monsieur les rapporteurs pour avis,
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen, par votre Assemblée, du projet de loi de transformation de la fonction publique adopté par le Conseil des ministres le 27 mars dernier.
Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes Publics, et moi-même sommes heureux et honorés de le porter devant le Parlement tant nous avons la conviction que ce texte est utile et attendu.
Utile, car nous devons donner à notre administration les moyens de sa transformation.
Attendu car nombre d’agents publics nous disent leur impatience de voir mises en œuvre ces dispositions qui leur donneront plus d’autonomie, plus de leviers d’actions, qui garantiront plus d’équité mais aussi plus de liberté dans le choix de leur parcours professionnel.
L’enjeu est de taille et le Président de la République l’avait souligné pendant sa campagne. Nous le rappelons sans cesse : la fonction publique est au cœur de notre pacte républicain, elle est un acteur majeur de notre société, et sa modernisation est une condition essentielle à la réussite du projet politique de la majorité présidentielle.
La fonction publique, c’est aujourd’hui 5,5 millions d’agents ; 5,5 millions de nos concitoyens engagés au service de l’intérêt général et qui, chaque jour, accueillent, accompagnent, conseillent et répondent aux attentes des Français partout sur le territoire.
Ces agents, ce sont des policiers, des enseignants, des pompiers, des sages- femmes, des personnels de santé, des secrétaires de mairie, des agents territoriaux, des agents qui au quotidien font vivre, animent, et encadrent le service public aussi bien dans les ministères et les administrations centrales, que dans chacun de nos territoires au sein des services déconcentrés, des établissements hospitaliers ou bien encore dans les collectivités locales et leurs établissements.
Ils ont toute ma reconnaissance – celle de tout le Gouvernement et, je le crois, de chacune et chacun d’entre nous – pour leur engagement et pour l’investissement professionnel dont ils font preuve dans le service qu’ils rendent aux usagers. Ils sont notre fierté, mais aussi l’indispensable maillon qui contribue à la cohésion sociale de notre pays.
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Ce projet de loi est le fruit de l’engagement pris par le Président de la République Emmanuel Macron pour une action publique rendue plus efficace en donnant plus d’autonomie, de responsabilité et en témoignant plus de confiance à ceux qui font vivre le service public au quotidien : nos agents publics, qu’ils soient titulaires ou contractuels.
Puisque nos services publics tiennent une place centrale dans la société française, il est de notre devoir d’améliorer leur accessibilité et leur efficacité.
Les objectifs du Gouvernement en ce sens sont clairs : l’universalité, l’efficacité, la transparence et l’exemplarité.
Nous voulons donner des libertés nouvelles et accorder plus de souplesses aux administrations pour se transformer tant aujourd’hui les contraintes administratives se sont accumulées.
Nous voulons le faire en préservant les droits des agents et en leur en donnant de nouveaux, au premier rang desquels celui de retrouver la maitrise de leurs carrières professionnelles.
Ce projet de loi s’inscrit aussi dans un contexte connu de tous, celui du grand débat voulu par le Président de la République.
Nous avons tous entendu, au cours de cette période, l’insatisfaction accumulée, parfois aussi la colère de certains de nos concitoyens, qui se traduisent entre autres, par une demande de plus de proximité couplée à une exigence de plus de solidarité et de plus de justice sociale.
Ce projet de loi répond aussi aux attentes qui se sont exprimées lors de cette période inédite.
D’aucuns ont fait part de leur sentiment d’abandon et de leur attachement à un service public de proximité. Nous partageons cet attachement et mener les transformations indispensables à notre pays ne le contrarie pas, bien au contraire.
L’État doit s’adapter et être accessible à tous les citoyens, sans distinction. Cela doit se traduire notamment par plus de fonctionnaires sur le terrain, au plus près de nos concitoyens pour leur apporter des solutions. C’est le sens de la nouvelle étape de déconcentration que nous voulons mener, c’est aussi notre volonté de repenser la localisation de nos services en réinvestissant les territoires ruraux et péri-urbains.
La haute fonction publique est bien évidemment également concernée par cette transformation.
Reconnaissons d’abord les mérites des hauts fonctionnaires, ces serviteurs de l’intérêt général, tout en soulignant le poids des responsabilités qu’ils endossent.
Nous devons aussi réaffirmer notre attachement au modèle méritocratique pour ce qui concerne leur recrutement, leur formation et le déroulement de leurs carrières. Il est plus que jamais nécessaire d’attirer les meilleurs, sans que les inégalités de naissance les excluent et en luttant contre les déterminismes économiques et sociaux qui restent si prégnants.
Il nous faut aussi répondre, concernant la haute fonction publique et les responsabilités publiques les plus importantes, à l’aspiration qu’expriment nos concitoyens de plus de transparence, d’exemplarité et de déontologie.
Nous le faisons et nous le ferons, mais une exigence : ne pas céder à la facilité des populismes ni à la stigmatisation de celles et ceux qui servent et dont la compétence comme l’engagement sont des motifs de fierté autant que des outils de rayonnement de notre pays.
Ce sont donc pour toutes ces raisons qu’il nous incombe de raffermir et même de renouveler le lien de confiance entre nos concitoyens et nos administrations.
Celui-ci doit se construire en assurant, avant toute chose, un service public de qualité, condition sine qua non d’une action publique efficace. C’est pourquoi nous devons offrir aux agents publics un cadre d’action modernisé et adapté ; car le service public, ce sont les agents publics. Ce sont l’ensemble des agents qui, dans 9 cas sur 10, sont en contact direct avec nos concitoyens et qui, d’une certaine manière, font vivre au quotidien nos principes républicains et les valeurs d’un service public que nous voulons juste, efficace et égalitaire.
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C’est dans cette perspective que ce texte opère une profonde modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, et qu’il porte une véritable transformation de cette dernière.
Nous le faisons avec détermination car c’est, pour nous, un chantier essentiel pour conforter et renforcer la fonction publique et l’action publique dans notre pays.
Nous le faisons aussi avec précaution car nous sommes attachés au statut, à ses valeurs et ses principes fondamentaux. J’aurai l’occasion d’y revenir.
La précaution s’impose aussi car nous savons que derrière les dispositions que nous aurons à examiner, c’est le quotidien de millions d’agents publics que nous allons changer.
Le statut général de la fonction publique, profondément modifié et rénové en 1983 - ainsi qu’en 1984 pour les deux versants de l’Etat et de la Territoriale, puis en 1986 pour le versant hospitalier – a connu de nombreuses évolutions mais souvent par petites touches à l’exception des lois de 2009 sur la mobilité, de 2012 pour l’amélioration des conditions d’emplois et l’accès à la titularisation, et enfin celle de 2016 pour ce qui concerne spécifiquement la déontologie, les droits et les devoirs des agents publics.
Ce statut rassemble et réunit l’ensemble des agents publics, et des administrations, collectivités et établissements publics autour d’un socle commun de droits et d’obligations, librement consentis, pour faire vivre notre service public.
Nous avons donc pleinement conscience, avec Gérald Darmanin, de l’importance des changements que nous proposons.
Si nous en savons l’importance, nous en savons aussi le caractère nécessaire et urgent.
Ce projet de loi répond à cette nécessité, c’est un véritable outil concret et opérationnel pour conduire toutes les transformations des politiques publiques conformément aux objectifs fixés par le Président de la République et le Premier ministre lors du Comité interministériel de la transformation publique du 1er février 2018.
L’enjeu premier est d’offrir aux agents de nouveaux droits et de nouvelles perspectives d’évolution professionnelle, et d’accorder aux employeurs publics, élus ou encadrants, une plus forte autonomie dans le recrutement et la gestion de leurs équipes.
Notre conviction est que les agents publics et les employeurs – élus ou encadrants – doivent être les acteurs de ces transformations, non pas leurs victimes.
L’enjeu de ce texte est donc de redonner du pouvoir, de la capacité d’agir et même de l’envie d’agir à ceux qui font sur le terrain, de leur faire tout simplement confiance, et de leur donner les clés pour réussir ces transformations.
Il y a de fortes attentes sur le terrain, parfois même de l’impatience de la part des agents, des encadrants, mais aussi de nos concitoyens. Elles se traduisent par une exigence triple :
- d’ouverture, de décloisonnement, voire convergence de la fonction publique et du secteur privé ;
- de simplification et de souplesse ;
- mais aussi d’une plus grande réactivité et d’efficacité du service public, notamment dans les territoires les plus isolés ou les plus fragiles.
Trop souvent, la fonction publique est victime de rigidités, de lourdeurs, de cloisons administratives.
Elle est devenue dans certains cas un véritable labyrinthe dans lequel il est difficile de se repérer, tant pour les usagers que pour les agents.
Elle souffre aussi d’une perte d’attractivité que l’on mesure avec la baisse du nombre de candidats sur certains concours et les difficultés de recrutement soulignés par nombre d’employeurs publics.
A l’occasion de chacune de mes visites dans les services, dans des territoires très différents, j’ai eu plaisir à échanger avec les agents publics des trois versants de la Fonction publique.
J’ai entendu le sentiment d’une forme d’assignation à résidence professionnelle, le sentiment d’impuissance face à des décisions qui leur échappent.
J’ai entendu les chefs de services demander qu’on leur fasse tout simplement et véritablement confiance pour gérer leurs services, constituer leurs équipes et les mobiliser autour de projets transversaux.
J’ai aussi entendu, partout, cette même volonté de servir l’intérêt général et d’avoir les moyens de le faire au plus près du terrain.
C’est à ces attentes que nous devons apporter des réponses, et faire que le changement soit perceptible rapidement :
- pour les agents : auxquels ont été demandés depuis longtemps des efforts, dont nous avons collectivement exigé qu’ils s’adaptent tant aux contraintes budgétaires qu’aux évolutions technologiques, territoriales et aux attentes des usagers… sans que leur aient toujours été donnés tous les moyens et tous les leviers pour vivre et accompagner ces changements ;
- pour les encadrants : auxquels il est de manière récurrente demandé de conduire d’ambitieuses réformes structurelles ; souvent sans les avoir associés à leur conception et souvent aussi sans que leur aient été données les clefs de ces réformes, cette autonomie qu’ils attendent et espèrent pour les décliner sur les territoires où ils servent et dans les services qu’ils animent. Nous la leur donnons avec ce projet de loi ;
- et enfin, pour les usagers, et plus largement nos concitoyens : qui demandent que le service public réponde toujours plus à leurs besoins et à leurs attentes. Qui veulent un service public réactif et présent partout sur le territoire.
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C’est fort de cette volonté de réforme portée par le Président de la République, et de l’objectif fixé par le Premier ministre de bâtir un nouveau contrat social avec les agents publics, que j’ai conduit pendant près de quinze mois une concertation intense avec les neuf organisations syndicales représentatives de la fonction publique et les employeurs territoriaux et hospitaliers.
Quatre chantiers ont ainsi été ouverts à la concertation :
- Le dialogue social d’abord : avec la volonté de le simplifier et de le concentrer sur l’essentiel tout en garantissant les droits individuels et collectifs des agents ;
- L’élargissement des conditions de recrutements sous contrats ensuite, afin de permettre à nos administrations de s’adjoindre plus facilement les compétences dont elles ont besoin, et pour le temps nécessaire ;
- Un troisième chantier a été consacré aux nouveaux leviers de management et à l’équité entre les secteurs public et privé mais aussi entre les trois versants ;
- Enfin, nous avons travaillé sur la question de la mobilité, de l’accès à la formation et de l’accompagnement des restructurations.
Un cinquième chantier a pris la forme d’une négociation qui s’est conclue le 30 novembre 2018 par la signature d’un protocole d’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, avec le soutien de sept des neuf organisations syndicales représentatives, et de la totalité des représentants des employeurs publics.
A l’issue de cette concertation, qui s’est achevée avec les élections professionnelles du 6 décembre dernier, le texte a été soumis au printemps aux instances de représentation : le conseil commun de la fonction publique et les trois conseils supérieurs.
Il a aussi été soumis au Conseil national d’évaluation des normes qui a rendu un avis favorable.
Cette dernière phase de concertation, plus formelle, a permis d’enrichir le texte en intégrant de nombreuses propositions des organisations syndicales - celles ayant joué le jeu et déposé des amendements - comme des employeurs publics.
Il en est ainsi de la consécration du rôle du conseiller syndical, de la mise en œuvre d’un accès renforcé à la formation pour les agents les moins bien formés ou occupant des postes présentant des risques d’usure professionnelle, ou encore du renforcement de certaines dispositions sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
C’est aussi dans cette phase de consultation que – sur la proposition des employeurs territoriaux et de représentants syndicaux – nous avons par exemple élargi à la fonction publique territoriale la rupture conventionnelle et le recrutement de contractuels sur des emplois permanents de catégorie B.
Je tiens à souligner, pour ce qui concerne la fonction publique territoriale, que ce dialogue constructif a été rendu possible grâce à la coopération positive des présidents d’associations nationales d’élus – que je veux remercier – dans le cadre de la mission de modernisation de la fonction publique territoriale, que m’a confiée par le Premier ministre lors de la Conférence nationale des territoires de Cahors le 14 décembre 2017.
Ce dialogue a aussi été grandement facilité par l’implication permanente et constructive de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Je le remercie tout particulièrement.
Toutes les positions ont pu être entendues et écoutées. Notre méthode de travail, a toujours été la même : la co-construction et le dialogue permanent avec les parties prenantes.
Cela n’a évidemment pas épuisé tous les désaccords ni même tous les sujets de la fonction publique. Pour autant, cela me permet aujourd’hui de présenter devant vous ce texte équilibré et enrichi.
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A ce moment de mon intervention, je souhaite m’arrêter un instant pour souligner un point majeur de notre débat.
Le projet de loi présenté aujourd’hui n’est en aucun cas une remise en cause du statut. Cette réforme ne sera en aucun cas un « recul social », ni une « casse de la fonction publique », comme j’ai parfois pu l’entendre.
Le Gouvernement reste fortement attaché au statut général de la fonction publique issu de la loi de 1983.
Elu local et ancien employeur public, je sais combien les enjeux sont grands et les besoins réels de protection des acquis des agents publics.
Je sais aussi combien sont importants les besoins concrets d’adaptation du cadre de gestion de la fonction publique.
Ainsi, nous avons veillé à ce que les dispositions fondamentales du statut général soient scrupuleusement respectées, comme le principe général d’occupation des emplois permanents par des agents titulaires rappelé à l’article 3 de la loi de 1983, ou encore le droit à la participation des agents, par l’intermédiaires de leurs représentants, aux décisions qui les concernent.
Le Conseil d’Etat, dans son avis, l’a souligné.
Etre attaché au statut nécessite aussi de le moderniser, de le rénover pour lui permettre de rester ce cadre général, protecteur et souple, de l’action des agents publics.
Ce n’est pas la première fois qu’il sera modifié ; les lois de 1983, 1984 et 1986 ont déjà connu plusieurs dizaines de modifications parfois substantielles. C’est d’ailleurs ce qui nous amène à envisager la codification des textes relatifs à la fonction publique pour en améliorer la lisibilité et l’intelligibilité, en garantir aussi la bonne coordination.
Avec ce projet de loi, nous franchissons une nouvelle étape de sa modernisation et de son adaptation à la société et à ses attentes.
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Permettez-moi maintenant de rappeler les principales dispositions de ce projet de loi, qui est structuré autour de 5 piliers.
Le premier pilier vise à promouvoir un dialogue social plus stratégique, efficace et réactif, dans le respect des garanties des agents publics. De manière concrète, nous souhaitons donner un nouvel élan au dialogue social dans la fonction publique. Le projet de loi procède ainsi à une simplification de l’organisation des différentes instances de dialogue (22 000 aujourd’hui !), pour une plus grande déconcentration des décisions et un recentrage, de ces instances, sur les questions les plus qualitatives pour les agents.
Ces nouvelles dispositions vont permettre d’aborder au sein d’une même instance – le comité social d’administration, territorial ou d’établissement – les enjeux d’organisation et de fonctionnement des services, de politiques de ressources humaines et de conditions de travail.
Nous maintenons par ailleurs des instances pour l’examen des situations individuelles – les commissions administratives paritaires – tout en les recentrant sur les situations les plus délicates, notamment le disciplinaire. En clair, ces instances n’examineront plus les actes de mobilité et de promotion des agents publics.
Les nouvelles instances auront à définir les règles de portée générale en matière de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours professionnels, en tenant compte de l’intérêt du service, et des voies de recours spécifiques seront mises en place pour les agents qui s’estimeront lésés, voire discriminés dans les décisions qui auront été rendues.
Cette simplification permettra un gain de temps et d’efficacité dans la gestion des ressources humaines.
Nous souhaitons par ailleurs que des accords majoritaires puissent être conclus au niveau local, indépendamment de l’existence ou non d’un accord au niveau national. C’est un levier important pour responsabiliser l’ensemble des acteurs du dialogue social au niveau local, et de nature à améliorer réellement les conditions de travail.
Le deuxième pilier du projet de loi vise à développer les leviers managériaux pour une action publique plus efficace.
Le premier objectif de ce pilier — et il s’agit probablement de certaines des mesures les plus emblématiques de ce projet de loi — concerne l’ouverture du recours au contrat.
Pour mémoire, je rappelle que sur les 5,5 millions d’agents publics, près de 20% d’entre eux sont d’ores et déjà recrutés de manière contractuelle. Ces hommes et ces femmes servent l’action publique, répondent à nos concitoyens. Ils sont tout autant investis et ils doivent être mieux reconnus et protégés.
Cet élargissement du recours au contrat va garantir une plus grande diversité des profils des agents, faciliter les recrutements notamment sur les métiers pour lesquels les écoles de services publics ne proposent pas de formations, et répondre aux employeurs publics qui de manière récurrente nous indiquaient ne pas trouver, dans le vivier des fonctionnaires, les compétences attendues sur certains postes.
Cette mesure rendra possible le recrutement de cadres de haut niveau, avec des compétences rares, qui peuvent avoir envie de s’engager pour le service public, mais pour un temps limité, et non à l’échelle d’une carrière entière.
Dans le même ordre d’idée, ce projet de loi de transformation de la fonction publique innove en créant un contrat de projet, dans les trois versants de la fonction publique, pour mobiliser des compétences externes pour la conduite ou la mise en œuvre d’un projet spécifique.
Je le répète, l’objectif de cette réforme est véritablement double, donner plus de souplesse pour les employeurs, mais aussi en donner de nouvelles perspectives pour les agents les plus précaires.
Dans cette optique, nous voulons élargir le recours à l’emploi contractuel et titulaire pour l’exercice des missions qui nécessitent un service à temps non complet — je pense par exemple au temps d’accueil périscolaire, de manière à supprimer le recours abusif à la vacation.
Le travail en commission des Lois a permis d’aller plus loin en matière de lutte contre la précarité et je m’en félicite.
Le Gouvernement a entendu la volonté du groupe LREM et du groupe MODEM que soit instituée une prime de précarité pour les titulaires d’un contrat à durée déterminée, comme dans le secteur privé et parce que la convergence que nous appelons de nos vœux doit aussi se faire au bénéfice.
J’ai donc déposé et je défendrai devant vous un amendement créant une telle prime pour les contrats d’une durée inférieure ou égale à un an.
Le Gouvernement répond ainsi, je le crois, à la demande fortement exprimée par Madame la Rapporteur, et Monsieur Gouffier-Cha, porte- parole du groupe LREM.
La deuxième finalité de ce pilier est de renforcer la reconnaissance de l’engagement et de la performance professionnels des agents.
D’abord en généralisant l’évaluation individuelle en lieu et place de la notation, par le truchement de l’entretien professionnel, et en assurant une plus grande cohérence lors de la détermination de la rémunération de tous les agents publics, quel que soit leur situation (contractuel ou titulaire) ou leur employeur public.
Troisième pilier de cette transformation, ces nouvelles souplesses s’accompagneront d’un renforcement de la transparence et de l’équité du cadre de gestion des agents publics.
Plus précisément, nous renforçons l’équité et l’efficacité du contrôle déontologique, corollaire de l’encouragement aux mobilités public-privé. Là aussi, je veux souligner le travail en commission et les suites qui lui seront données en séance pour rénover profondément les outils de contrôle de la déontologie en soulignant l’apport essentiel de Fabien Matras, et à la suite de la mission parlementaire qu’il avait conduite avec Monsieur Olivier Marleix.
Afin d’harmoniser le temps de travail dans la fonction publique et avec le secteur privé, les accords dérogatoires à la durée légale de travail de 1607 heures, dans la fonction publique territoriale seront supprimés d’ici à 2022.
Je sais que nous aurons à débattre dans les heures qui viennent du même sujet pour la fonction publique d’Etat.
J’en viens au quatrième pilier de ce projet de loi qui vise à une plus grande mobilité entre versants de la fonction publique mais aussi entre les secteurs public et privé, permettant de cette façon un plus grand décloisonnement, tout en accordant le maximum de sécurités, de droits et d’accompagnement pour les agents concernés.
Ainsi, pour favoriser la mobilité entre les versants, comme vers le privé, nous allons garantir la portabilité des droits acquis au titre du compte personnel de formation en cas de mobilité.
Les mobilités seront aussi largement facilitées au sein du secteur public.
Ainsi, un agent contractuel titulaire d’un CDI dans l’un des versants pourra désormais bénéficier de la possibilité — j’insiste sur le fait que cela reste une possibilité — d’une portabilité de son CDI en cas de changement d’employeur, au sein d’un autre versant.
De surcroît, pour les trois versants, un dispositif global d’accompagnement en cas de restructuration de service, avec un accompagnement personnalisé, sera mis en place.
Celui-ci prévoit aussi un nouveau congé de transition professionnelle, permettant à un agent de se former pendant une durée d’un an, tout en conservant la totalité de son traitement.
Toujours dans cet objectif de mobilité et de passerelles, un nouveau mécanisme de rupture conventionnelle, proche de ce qui peut d’ores-et- déjà exister dans le secteur privé, est créé par ce projet de loi.
Il s’agit de faciliter les secondes ou troisièmes parties de carrière dans le secteur privé, en donnant aux agents publics les mêmes garanties qu’aux salariés, à savoir le bénéfice d’une indemnité de rupture et de l’assurance chômage.
Le travail en commission, et notamment les amendements de Madame la Rapporteur, aura là encore permis d’apporter les précisions et l’encadrement utile à ce nouvel outil.
Ces nouveaux outils seront utiles et ils sont attendus par nombre d’agents qui souhaitent écrire une nouvelle page de leur carrière professionnelle.
Bien évidemment, il n’est pas question d’obliger les agents à quitter la fonction publique. Il s’agit plutôt ici d’apporter de nouvelles réponses et de créer de nouveaux outils pour répondre aux situations les plus communément rencontrées par les employeurs publics.
En matière de mobilité enfin, je sais que les débats perdurent pour les agents publics ultra-marins, tant autour de la prise en compte du centre d’intérêt matériel et moral tel que prévu par la loi « égalité réelle en outre- mer » de 2017 qu’autour des modalités de recrutement dans ces territoires.
La plupart de ces sujets relèvent du champ réglementaire. Je veux confirmer devant vous la volonté du Gouvernement d’y travailler sous l’égide du ministère des outre-mer et en concertation avec les élus d’Outre-mer, et sur au moins trois sujets à court terme même si ceux-ci n’épuiseront pas tous les débats : l’évaluation de la prise en compte du CIMM dans les mouvements de mutations et je confirme la volonté du Gouvernement que cette évaluation soit menée rapidement, la question des congés bonifiés pour trouver une solution partagée, et enfin la mise en place plus fréquente de concours régionaux à affectation locale. Sur ce dernier point, l’enjeu dépasse évidemment les seuls territoires ultra- marins.
Enfin, le cinquième pilier du projet de loi vise à renforcer l’égalité professionnelle.
Le projet de loi transpose les avancées de l’accord majoritaire du 30 novembre 2018 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Concrètement, il s’agit d’instaurer des plans d’action pour traiter notamment des problématiques d’écarts de rémunération, de renforcer le dispositif de nominations équilibrées sur les emplois de direction , de ne plus appliquer le jour de carence pour maladie aux agents en situation de grossesse, ou encore, comme pour les agents de l’Etat, de maintenir les primes et indemnités versées par les collectivités territoriales pour les agents durant les congés pour maternité, pour adoption, paternité et accueil de l’enfant.
Nous visons aussi à favoriser l’égalité professionnelle pour les agents en situation de handicap.
Le projet de loi pose ainsi l’obligation pour les employeurs publics de s’engager à prendre des mesures favorisant les parcours professionnels de ces agents, sans discrimination.
Cela passe notamment par la reconnaissance de nouveaux handicaps susceptibles de bénéficier d’aménagements d’épreuves lors des concours. Il crée également une procédure de promotion dérogatoire au droit commun, et élargit le champ des handicaps pris en compte, via la suppression de la référence au handicap physique pour pouvoir bénéficier d’aménagements d’épreuves lors des concours, par exemple.
Ces dispositions s’ajoutent à la rénovation de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, mise en œuvre par la loi Avenir professionnel porté par ma collègue Muriel Pénicaud l’an dernier, et qui va permettre de simplifier le recrutement de personnes en situation de handicap, notamment dans les structures à faibles effectifs, et de renforcer la capacité d’action du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
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Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
C’est dans l’intérêt des agents publics, et plus généralement dans l’intérêt de l’ensemble de nos concitoyens, que le Gouvernement présente ce projet de loi de transformation de la fonction publique pour concourir au renforcement des services publics dans les territoires et à l’amélioration des conditions de travail des agents publics, par des avancées concrètes et rapidement opérationnelles.
Je veux remercier l’ensemble de celles et ceux qui, jusqu’à aujourd’hui, se sont impliqués dans nos débats et qui ont permis d’enrichir ce texte : les membres de la commission des Lois autour de leur Présidente, pour la qualité de leurs travaux et l’apport de chacune et chacun d’entre eux ;
- les rapporteurs pour avis, Eric Poulliat pour la délégation aux collectivités locales, Laurence Gayte pour la délégation aux droits des femmes, et à travers eux les membres de leurs délégations ;
- la rapporteur, Emilie Chalas, avec le concours précieux des parlementaires de la majorité, notamment de Guillaume Gouffier Cha et de Laurence Vichnievski.
Et si je ne m’autorise pas à remercier par avance, je sais que le débat que nous ouvrons à cet instant sera lui aussi une nouvelle étape pour enrichir ce projet de loi.
J’ai la conviction que ce projet de loi apporte la souplesse attendue et les changements nécessaires à nos administrations et à nos agents publics.
J’ai la conviction que nous le faisons en protégeant les droits de ceux-ci et en leur donnant de nouvelles perspectives professionnelles.
J’ai la conviction que nous marquerons ainsi une nouvelle étape, un changement profond, dans la manière dont nous mettons en œuvre l’action publique dans notre pays, tout en replaçant au centre de nos préoccupations et de nos objectifs : les agents publics.
Je vous remercie.
* Seul le prononcé fait foi