Discours d'Éric Woerth au Salon de l'emploi public et journées professionnelles des ressources humaines - 31 janvier 2008 - 31/01/2008
Mesdames, Messieurs,
J’ai le grand plaisir d’inaugurer aujourd’hui le Salon de l’emploi public, dans un nouveau lieu, Paris-Expo Porte de Versailles. Je remercie sans attendre les organisateurs du Salon, le Groupe Moniteur et la Gazette des Communes, qui en font chaque année, aux côtés du CNFPT et de la DGAFP, une réussite.
Le Salon fait donc peau neuve pour sa 5eédition. Ce qui ne change pas, c’est ce qui fait sa réputation : un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui sont attirés par les métiers de la fonction publique – et je les comprends –, pour ceux qui, déjà fonctionnaires, souhaitent changer de voie et pour tous les acteurs de la gestion publique en France.
En ma qualité de ministre du Budget, des comptes publics et de la Fonction publique, patronnant ce rendez-vous, je veux dire le prix que j’attache à ces 3 jours de manifestation, de même qu’aux journées professionnelles des ressources humaines qui l’accompagnent.
La précédente édition du Salon avait attiré près de 20 000 visiteurs, je crois. En général, trois grandes catégories de visiteurs s’y distinguent :
· les jeunes, diplômés ou non, qui viennent s’informer sur les métiers et les opportunités qu’offrent les trois fonctions publiques ;
· les fonctionnaires eux-mêmes, qui réfléchissent à une mobilité vers d’autres fonctions ;
· les salariés du secteur privé, enfin, qui voient dans la fonction publique un beau moyen de donner à leur carrière une nouvelle orientation.
C’est à ces trois catégories de visiteurs que je souhaite aujourd’hui m’adresser, de manière à mettre en perspective cette 4eédition des Journées professionnelles des ressources humaines qui vous réunit.
À ceux d’abord, jeunes ou moins jeunes que la fonction publique attire, je veux dire qu’ils font un choix d’avenir. Qu’ils n’écoutent pas ceux qui poussent la caricature jusqu’à laisser croire que l’État ne recrutera plus : ce n’est pas parce que le gouvernement s’est imposé cette règle responsable, de bon sens et de bonne gestion – à savoir ne remplacer qu’un fonctionnaire de l’État sur deux partant à la retraite – qu’il ne recrutera plus. Avec plus de 30 000 recrutements en moyenne chaque année, l’État restera le premier recruteur de France, sans compter que les collectivités territoriales et les établissements de santé ont leur dynamique propre – pas trop tout de même, vous dira toutefois, en passant, le ministre du Budget…
Comment, en outre, ne pas reconnaître la formidable attractivité de la fonction publique lorsque, d’après le sondage qu’Ipsos vient de réaliser pour la Gazette des communes, 68 % des Français souhaitent à leurs enfants de devenir fonctionnaires et lorsque les concours y sont aussi sélectifs, avec un lauréat pour 13 candidats en moyenne pour l’État ?
Certes, d’aucuns vous diront que cela tient à l’image que la fonction publique véhicule, cette « sécurité de l’emploi » qui revient si souvent. C’est certainement vrai en partie. Mais qui peut prétendre que ce n’est pas aussi la croyance dans le mérite individuel, le souci de l’engagement et du bien public, la volonté d’innover qui motivent, ici, l’enseignant, le moniteur éducateur ou l’aide à domicile, là, le policier, le sapeur-pompier ou l’infirmière, là encore, les ingénieurs de la voirie ou le pharmacien territorial ? La fonction publique, ce sont autant de vocations et notre rôle d’employeur public, c’est bien de faire en sorte que la gestion publique ne déçoive pas ces vocations. J’y reviendrai.
Je suis également convaincu que l’attractivité de la fonction publique tient à sonexceptionnelle diversité. Cependant, diversité des métiers ne doit pas rimer avec complexité des règles. Beaucoup viendront au Salon ou en repartiront en se disant encore que l’organisation de la fonction publique est bien complexe, avec la multiplicité des corps et des procédures, ses ouvertures de concours non coordonnées d’une fonction publique à l’autre, ses campagnes de recrutement peu lisibles…
Vous savez pertinemment, en tant que gestionnaires des ressources humaines, que tout cela est trop vrai et que ce manque de lisibilité est également un facteur d’exclusion. Car bien des publics défavorisés ne connaissent pas les métiers de la fonction publique ou, pire, pensent qu’ils ne sont pas pour eux. Ils redoutent les épreuves, souvent académiques, et leur sélectivité indéniable. Informer, rappeler que la fonction publique doit être un lieu de promotion sociale, voilà ce que ce Salon doit aussi contribuer à faire.
À tous ceux qui entreront ou sortiront des stands avec ce sentiment de trop grande complexité, je veux cependant dire que cette préoccupation de plus grande lisibilité, de plus grande transparence, nous en faisons un élément clé de notre projet politique pour la fonction publique : simplifier, rendre visible ce qui l’est trop peu, ouvrir la fonction publique sur ses métiers plutôt que de la laisser engoncée dans ses corps et ses procédures, voilà un des piliers de notre grande ambition.
C’est la raison pour laquelle d’abord, nous engagerons en 2008 la réforme des concours de la fonction publique. Avec André Santini, j’ai confié, dès septembre dernier, deux missions sur le pilotage et l’organisation des recrutements au sein de l’État et sur le contenu des épreuves des concours. Elles porteront prochainement leurs fruits pour que nous en tirions un plan d’actions pour 2008 et au-delà.
Car on ne peut pas se satisfaire que chaque année, l’État organise plus de 400 concours et des milliers de procédures de recrutement, sans que cela soit coordonné entre les ministères et encore moins avec les fonctions publiques territoriale et hospitalière : sait-on que chaque année, on ne compte pas plus d’une dizaine de concours mutualisés entre plusieurs administrations ?
De même, on ne peut pas se satisfaire de l’académisme de certaines épreuves, surtout pour des concours de catégorie B et C, académisme qui n’est favorable qu’à ceux qui ont la chance d’en maîtriser les codes. Le concours s’est toujours voulu un facteur d’égalité et de promotion sociale : il faut que nous en revisitions les fondamentaux pour qu’il joue à nouveau pleinement ce rôle et ne soit pas un facteur d’exclusion.
Forts de ces constats, qui seront précisément documentés, nousréexaminerons donc en 2008 l’organisation et les modes de recrutement dans la fonction publique de l’État, en s’inspirant de ce qui se fait de bien ailleurs, en commençant par la fonction publique territoriale : je pense au rôle du CNFPT qui organise un nombre beaucoup plus réduit de concours – 25 par an je crois – pour le compte des collectivités locales.
Il est un fait avéré aussi que la complexité des modes d’accès à la fonction publique est le fruit de la complexité de son organisation générale.
Je voudrais à cet égard dire une chose simple aux agents publics, qui, je le sais, viennent en nombre dans ce Salon : les fonctionnaires sont les premières victimes de la complexité des règles et des statuts de la fonction publique. Lorsqu’on évalue à moins de 5 % le nombre de fonctionnaires de l’État mobiles, lorsque l’on évoque la portion congrue que représentent les mobilités entre l’État, les collectivités territoriales et les établissements de santé, ce n’est pas une façon de stigmatiser des agents publics qui rechigneraient à être mobiles.
C’est bien le système qui est en cause car il n’encourage pas les mobilités. Pire, souvent, il les entrave.
Le Président de la République a souhaité que l’on crée un véritable droit à la mobilité des fonctionnaires. Nous le ferons. En 2008, nous mettrons ainsi en place des mesures fortes en faveur de cette mobilité. Je ne citerai ici que trois mesures phares :
· 1re mesure : chaque fonctionnaire se verra reconnaître un droit au départaprès un délai de préavis de trois mois. Cela est indispensable au développement d''une culture de la mobilité au sein de l''administration.
· 2e mesure : les fonctionnaires auront systématiquement la possibilité d’être détachés puis intégrés dans les corps ou cadres d’emplois de niveau comparable. Ce sera un encouragement puissant à la mobilité au sein et entre les trois fonctions publiques.
· 3e mesure : la mobilité sera financièrement encouragée, par une prime de mobilité ou en permettant, dans certains cas, le maintien de la rémunération. Ce sera une réponse décisive à ce qui freine trop souvent les changements de postes : les disparités de rémunération.
Nous discutons actuellement de ces mesures et d’autres avec les partenaires sociaux, avec un seul objectif : que la mobilité ne soit plus, pour les agents et les gestionnaires, le parcours du combattant.
Mais nous serons plus ambitieux encore. Car en tant que gestionnaires des ressources humaines, vous savez pertinemment que le système actuel appelle des évolutions de plus grande ampleur.
Dès cet automne, nous avons ouvert un dialogue social sans précédent sur l’avenir de notre fonction publique en parlant pouvoir d’achat, dialogue social, parcours professionnels, conditions de travail. Cela représente des dizaines de réunions de travail.
Nous avons déjà pris des mesures importantes, je pense par exemple à la création dès 2008 d’un entretien professionnel pour les fonctionnaires en lieu et place d’un système de notation dont chacun reconnaît l’absurdité. J’indique au passage qu’il serait souhaitable que les collectivités territoriales appliquent également la mesure.
Et que l’on ne me dise pas que les mesures que nous prenons pour récompenser le travail et l’investissement des fonctionnaires ne marchent pas. Un seul exemple sur le pouvoir d’achat : vous savez qu’en plus d’avoirrevalorisé les heures supplémentaires dans la fonction publique, nous avons ouvert la possibilité de monétiser 4 jours RTT non pris.
Or, je viens d’avoir les chiffres : déjà 100 000 fonctionnaires de l’État ont demandé à bénéficier de ce rachat de jours RTT ; lorsque l’on sait que l’on évalue à 140 000 le nombre de détenteurs de CET au sein de l’État, on mesure le degré d’adhésion à cette mesure.
Parallèlement, depuis le 1er octobre, André Santini et moi animons un grand débat national sur l’avenir de notre fonction publique, autour de ses valeurs, de ses missions et de ses métiers. Cette conférence, qui a déjà occasionné près de 6 500 contributions et de multiples débats en région ou en ligne, aboutira au printemps prochain avec la remise d’un livre blanc sur l’avenir de la fonction publique.
Pour faire la lumière sur cette grande consultation publique, nous avons d’ailleurs décidé de proposer un temps fort dans les jours qui viennent, en organisant une Semaine de la fonction publique. Je vous invite tous à contribuer à cette réflexion.
2008 sera donc une année décisive pour l’évolution de la fonction publique. Car nous voulons engager, sur les bases du livre blanc, une réforme d’ensemble du statut général des fonctionnaires, en l’appuyant sur des valeurs fondamentales, revisitées et partagées par tous.
Nous voulons ainsi construire une fonction publique de métiers c’est-à-dire un cadre débarrassé d’une impensable segmentation en de multiples corps. Car nous raisonnons beaucoup trop, dans la fonction publique, en particulier au sein de l’État, en termes de procédures, de statuts, de corps.
Or, lorsque je regarde la fonction publique territoriale, je vois 55 cadres d’emplois réparties en 8 filières professionnelles ; lorsque je regarde la fonction publique hospitalière, je vois moins de 50 corps et 5 filières métiers ; mais lorsque je regarde l’État, ce sont encore plus de 500 corps en activité, dotées de leurs règles propres.
Rien qu’en énonçant ces chiffres, on saisit l’enjeu de la fonction publique de métiers : réunir en des filières professionnelles cohérentes et lisibles les agents publics, pour que la mobilité et la promotion en fonction des compétences et du mérite y soient beaucoup plus faciles pour les agents et les gestionnaires.
Voilà pourquoi, sur la base du livre blanc que j’évoquais, nous ouvrirons, au cours de ce premier semestre 2008, une concertation avec tous nos partenaires sur la fonction publique de métiers.
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Je ne dirai donc qu’une chose pour conclure, à vous tous qui participaient à ces Journées professionnelles des ressources humaines : contribuez, par vos réflexions, à cette ambition prometteuse.
Car nous avons trop longtemps manqué d’ambition pour les fonctionnaires.
Je souhaite pour ma part porter un véritable projet pour la fonction publique et pour y parvenir, nous aurons besoin du concours de tous.
Je vous remercie.
Seul le discours prononcé fait foi.
[31/01/08]