Conseil supérieur de la fonction publique de l'État - Intervention d'Éric Woerth - 01/09/2011
Mesdames et messieurs les Secrétaires généraux,
Messieurs les Délégués généraux,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand honneur pour André Santini et moi de présider pour la première fois cette Assemblée plénière du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État.
Depuis deux mois, nous avons eu l’occasion de vous recevoir et de vous écouter. Cette réunion clôt une phase de rencontres et de consultation avec vous. Elle ouvre désormais la phase de travail concret avec les représentants des fonctionnaires.
Nous avons en parallèle beaucoup consulté et réfléchi sur les enjeux de modernisation de nos administrations publiques pour affiner notre projet.
Nous pensons que c’est depuis cette enceinte que doit être lancé un projet collectif de refondation du statut général de la fonction publique.
Notre intention est d’ouvrir avec vous un programme de travail commun pour les mois à venir et au-delà.
Vous aurez remarqué que délibérément, nous sommes peu intervenus publiquement jusqu’ici sur nos projets en matière de fonction publique.
Nous nous sommes fait un point d’honneur à vous réserver le détail du programme de travail que nous souhaitons lancer avec vous.
C’est un discours unique et à deux voix que nous ferons André et moi.
QUEL EST NOTRE PROJET POUR LA FONCTION PUBLIQUE ?
I - Notre projet pour la fonction publique a été longuement exposé durant la campagne électorale des élections présidentielles
· Le Président de la République a fixé un programme de mesures précises pour la fonction publique.
· Ce programme est connu de tous.
· Les engagements forts qui ont été pris devant les Français doivent être tenus.
· Ces objectifs s’inscrivent désormais dans l’action du gouvernement. Ce gouvernement a une politique pour la fonction publique. Cette politique est une ambition pour le service public.
· Le Premier ministre a fixé le cap dans son discours de politique générale devant le Parlement le 3 juillet dernier.
· Il a tenu sur la réforme de la fonction publique des propos incisifs, en souhaitant faire partager par tous les fonctionnaires une ambition pour l’État, « celle d’un État efficace et reconnu par la nation ».
· Il a encore précisé ses intentions le 10 juillet dernier devant les responsables des administrations publiques en leur présentant la révision générale des politiques publiques.
· Vous pouvez donc en avoir la certitude : le Gouvernement n’a et n’aura pas de projet caché pour la fonction publique ; il a des engagements à honorer, avec vous.
II- Quels sont les 4 principaux engagements qui constituent la feuille de route ministérielle ?
Lier la progression du pouvoir d’achat et l’amélioration du service rendu au public
· L’équation est simple : les fonctionnaires doivent être moins nombreux, mais mieux payés.
· Les fonctionnaires qui voudront travailler plus pour gagner davantage pourront le faire, ce qui permettra d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers des services publics ;
· Les affectations seront réorganisées en fonction des besoins du service public en ne remplaçant qu’un agent public sur deux partant à la retraite,
· Les gains ainsi obtenus seront partagés entre les agents et les pouvoirs publics ;
· La performance doit devenir la 4e loi de fonctionnement du service public, au même niveau que les principes de continuité, d’égalité et d’adaptabilité.
Simplifier et moderniser la gestion des carrières
· En promouvant des carrières plus variées et plus longues pour les agents publics,
· En développant la mobilité au sein de chaque fonction publique et entre les trois fonctions publiques elles-mêmes;
· En permettant d’une part à chaque responsable de choisir ses collaborateurs en fonction des besoins et de ses objectifs et d’autre part aux agents de construire des parcours intéressants en créant un véritablemarché de l’emploi public,
· En faisant du management des ressources humaines à tous les niveaux de la fonction publique, c’est-à-dire en anticipant les besoins, repérant les talents, valorisant les compétences, permettant aux personnes de progresser, en leur apportant le supplément nécessaire de formation.
Rénover le dialogue social pour en faire un instrument de l’adaptation du service public
· En déconcentrant le dialogue social au niveau des services ;
· En faisant de la négociation la base du dialogue social afin que les partenaires puissent prendre des engagements forts tout en tenant compte des spécificités de chaque administration.
Rénover le cadre statutaire pour le faire correspondre aux grandes missions de l’État
· Le gouvernement est attaché au modèle français de fonction publique de carrière.
· Le fonctionnaire se doit d’avoir dans l’exercice de ses fonctions les perspectives de carrière qui sont la contrepartie de son engagement professionnel au service de l’intérêt général.
· Nous ne sommes donc pas partisans d’une « fonction publique d’emploi », celle où le fonctionnaire n’occupe plus un corps, ni un grade mais simplement un emploi.
· Nous pensons cependant que la structure des corps est devenue trop lourde à gérer, que sa simplicité et sa lisibilité doivent être recherchées.
· Nous voulons structurer la fonction publique autour de grandes filières professionnelles correspondant aux grandes fonctions de la puissance publique.
· Nous nous donnerons donc pour ambition d’amplifier, sur la durée du quinquennat, le mouvement de fusion de corps en partant de la réalité du terrain que vous connaissez bien.
· La fonction publique territoriale, avec ses cadres d’emploi, a été précurseur. Elle nous montre la voie. Son expérience doit en partie nous inspirer à l’échelle des trois fonctions publiques.
Ces grandes orientations constituent notre feuille de route pour les mois à venir ainsi que pour la législature.
UNE RUPTURE : L’ÉTAT DOIT AFFIRMER PLEINEMENT SON RÔLE DE PREMIER EMPLOYEUR DE FRANCE
I - Vous avez pour la première fois comme interlocuteur un ministre en charge de la fonction publique qui dispose des instruments pour mener une politique d’ensemble.
· Vous nous avez presque tous interrogés, lors de nos premiers entretiens, sur le sens de la nouvelle architecture ministérielle.
· La nouvelle architecture ministérielle renforce l’autorité du ministre en charge de la fonction publique.
· Cette nouvelle architecture invite aussi à une rupture avec le passé. Elle vous donne l’assurance que votre interlocuteur ne sera pas dans la posture : le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique rassemble tous les leviers de modernisation de nos administrations publiques.
· En tant que ministre, il n’est pas question pour moi de faire primer l’une de mes trois attributions sur les deux autres. Le renfort d’un secrétaire d’État auprès de moi donne au Gouvernement la disponibilité nécessaire pour assumer cette responsabilité.
II - Pour la première fois, le ministre de la fonction publique peut pleinement exercer ses responsabilités de premier employeur de France
· Aucun ministre de la fonction publique n’a été dans la position qui est aujourd’hui la mienne.
· Le ministre de la fonction publique a l’opportunité de coordonner et de piloter directement les services nécessaires pour mener une politique ambitieuse pour les fonctionnaires et leurs administrations :
· la direction générale de l’administration et de la fonction publique, garante du statut et moteur de la modernisation des ressources humaines ;
· la direction du budget pour inscrire dans la loi de finances les ressources nécessaires à cette modernisation,
· la direction générale de la modernisation de l’État, qui coordonne la révision générale des politiques publiques lancées par le Premier ministre devant les cadres dirigeants des ministères. Direction, à laquelle j’ai demandé de réunir désormais trimestriellement la Commission de modernisation auprès du CSFPE qu’André ou moi présiderons régulièrement.
· la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), directions très importantes pour le pilotage des deux autres versants de la fonction publique sont également à ma disposition.
III - Pour la première fois, le ministre de la fonction publique, parce qu’il est aussi ministre des comptes, aura les moyens de coordonner son action avec les autres employeurs publics.
· Nous partageons avec vous l’attachement à l’unité de la fonction publique. Cependant, chaque « versant » a sa spécificité.
· Pour le versant territorial de la fonction publique, la récente loi relative à la fonction publique territoriale (19 février 2007) fait obligation au gouvernement de consulter le collège des employeurs publics territoriaux du CSFPT sur toute question relative à la politique salariale ou à l’emploi public (art.10).
· Cela va dans le bon sens. Il faut aller plus loin pour bâtir avec les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers une relation contractuelle et responsable notamment sur la politique salariale dans la fonction publique.
· Le premier ministre a engagé hier ainsi que cet après-midi des consultations auprès des représentants des associations d’élus (AMF, ADF, ARF). Il a annoncé la réunion d’une conférence nationale des exécutifs locaux au sein de laquelle j’inscrirai les questions de fonction publique.
Je souhaite également étendre ces consultations avec les représentants des établissements hospitaliers (FHF) que je rencontrerai prochainement.
IV - Pour la première fois, le ministre de la fonction publique est aussi un ministre employeur au sens concret du terme
· A la différence de mes prédécesseurs je suis moi-même un ministre employeur chargé de la gestion directe de près de 200.000 agents de Bercy.
· Je suis également porteur d’une grande réforme visant à rapprocher deux grandes directions du ministère des finances que sont la DGI et la DGCP.
· J’anime moi-même le dialogue social ministériel sur cette importante réforme
Enfin, je tiens à vous assurer que notre approche repose sur une expérience personnelle et concrète d’employeurs locaux.
· André et moi exerçons des responsabilités exécutives dans des collectivités territoriales où la gestion des personnels est à taille humaine ;
· Les fonctionnaires communaux qui travaillent à Chantilly ou à Issy nous connaissent et peuvent nous rencontrer quand ils ont des revendications ;
· Nous animons tous les deux nos instances locales de dialogue social en présidant les CTP ;
· c’est ce rôle que nous souhaiterions incarner à l’échelle de l’État.
Ce nouveau périmètre ministériel nous invite ainsi à rompre avec les logiques et les postures du passé. Je suis à la fois garant de l’équilibre des comptes de la nation et de l’équilibre social dans la fonction publique.
André Santini et moi-même pouvons vous assurer que le champ du dialogue social dans la fonction publique sera plus large et plus étendu encore que par le passé.
LE DIALOGUE SOCIAL SERA LE CŒUR DE NOTRE MÉTHODE POUR RÉNOVER LA FONCTION PUBLIQUE
I - Nous avons la volonté de faire bouger les choses avec vous.
· Notre méthode repose d’abord sur la volonté de ne pas avoir peur de la vérité des faits et des chiffres. Elle repose aussi sur la volonté de ne pas éluder les difficultés.
· Du côté de l’employeur, nous prenons, André Santini et moi-même, l’engagement de la franchise et de la loyauté tant sur les objectifs que sur le constat des blocages actuels.
· notre méthode repose aussi sur l’idée que nous devons travailler en commun. Ce travail devra prendre la forme de conférences à l’automne dont André vous précisera l’organisation.
· En effet, je souhaite que le travail que nous produirons ensemble avant la fin de l’année soit le socle d’une refondation du statut général comparable à l’effort qui a été conduit en 1946.
· Je vous propose d’aller le plus loin possible dans l’élaboration des solutions, y compris, sur la base de protocoles d’accord.
· Je vous apporte la garantie qu’il n’y a pas de réforme construite a priori et déjà ficelée.
· Je souhaite avant tout que nous partions du concret, du terrain et des besoins des administrations et des agents.
· Ces besoins et ces attentes nous enjoignent de moderniser le cadre de gestion des ressources humaines au sein du service public. Nous avons collectivement le devoir de reconnaître la valeur de l’engagement professionnel des fonctionnaires.
· J’ai identifié pour ma part 3 attentes majeures au cours de nos entretiens préalables : le pouvoir d’achat, le dialogue social, les valeurs et les missions des fonctionnaires.
II - La première et la principale de ces attentes des fonctionnaires porte sur le pouvoir d’achat.
· C’est un sujet sur lequel compte tenu de mes responsabilités ministérielles, je souhaite m’étendre personnellement.
· Soyez assurés que la question de la progression du pouvoir d’achat des fonctionnaires est une question centrale de l’action de ce gouvernement.
· Nous voulons réhabiliter la valeur travail, et nous pensons que cela s’applique naturellement aux fonctionnaires.
· Ceux des agents qui veulent gagner plus doivent pouvoir le faire très concrètement en travaillant plus s’ils le veulent. Ainsi, je peux vous confirmer que les fonctionnaires bénéficieront comme tous les salariés de la défiscalisation des heures supplémentaires.
· Les fonctionnaires bénéficieront également d’une réduction du montant des cotisations sociales qui pèsent sur les heures supplémentaires. Cela se traduira concrètement par l’augmentation de la rémunération des heures supplémentaires. Cela concerne au premier chef le monde enseignant et les agents de catégorie C.
· Nous pensons aussi que la rémunération du travail doit retracer la contribution personnelle ou collective à l’amélioration du service rendu aux usagers.
III – Nous pouvons faire le constat commun que le dialogue salarial ne produit plus d’accords depuis près de 10 ans.
· Depuis juillet 1998 aucun gouvernement de gauche comme de droite, n’a pu s’accorder avec les organisations syndicales sur cette question. Nous pouvons convenir que le système actuel de la discussion salariale est à bout de souffle.
· Alors que nous souhaitons réellement un accord sur la progression du pouvoir d’achat, nous ne pouvons pas aujourd’hui commencer une discussion pour 2008 dans les mêmes termes que par le passé. La répétition des mêmes causes produira les mêmes effets : nous aurons fait les gestes de la discussion salariale mais nous n’aurons toujours pas d’accord.
· Ni les agents de la fonction publique, ni leurs représentants syndicaux, ni l’employeur public ne trouvent leur compte dans ce blocage du dialogue salarial.
· Qui comprend simplement, aujourd’hui, hormis les spécialistes du statut, comment sont rémunérés les fonctionnaires et comment augmente leur pouvoir d’achat ? Les fonctionnaires le comprennent-ils bien eux-mêmes quand ils regardent le chiffre net sur leur feuille de paie ?
· En tant que représentants syndicaux vous souhaitez négocier sur les déterminants du pouvoir d’achat, principalement sur la valeur du point d’indice, dont certains d’entre vous m’ont dit qu’il était avec la grille le symbole de l’unité de la fonction publique.
· De notre côté, nous ne remettons pas en cause l’existence de mesures générales de hausse du point.
· Nous pensons cependant, en tant qu’employeurs, que, si l’évolution du point par des mesures générales est égalitaire, elle ne rend pas compte de l’effort et de la contribution différenciée de chaque agent à l’amélioration du service rendu aux Français..
· Sur la forme, nous pensons également que l’employeur État ne peut plus décider seul, surtout en l’absence d’accord avec ses interlocuteurs.
· Ainsi l’État doit désormais aller au-delà de la simple consultation des employeurs territoriaux et des employeurs hospitaliers, consultation qu’il ne prenait pas toujours la peine de faire dans le passé quand il décidait unilatéralement une hausse du point d’indice.
IV - La négociation doit retrouver toute sa place dans le dialogue salarial sur le pouvoir d’achat.
· Certains d’entre vous m’ont dit que sur cette question les organisations syndicales et les gouvernements successifs étaient presqu’en conflit social. Je suis prêt à en convenir, mais je ne suis pas prêt à m’en satisfaire.
· Il nous faut retrouver collectivement le chemin des accords salariaux.
· Nous devons examiner, honnêtement et lucidement, ce qui oppose l’employeur et les représentants des agents de la fonction publique. Il nous faut explorer les voies et moyens nouveaux pour le dépasser et l’expliquer aux fonctionnaires et aux Français.
· Il nous faut rapidement, et en tous cas avant la fin de l’année 2007, nous accorder, ensemble, sur une nouvelle méthode de dialogue salarial si nous voulons retrouver le chemin des accords salariaux.
· Pour retrouver le chemin des accords salariaux, André Santini et moi-même, sommes prêts à élargir avec vous les sujets de la discussion salariale au delà des mesures générales.
· Cet élargissement de la discussion salariale doit d’abord concernerles carrières indiciaires.
· En effet, les mesures individuelles d’avancement d’échelon, de grade, de changement de catégories représentent la moitié de la progression du pouvoir d’achat de l’évolution de la feuille de paie moyenne des fonctionnaires d’une année sur l’autre.
· Ces mesures aujourd’hui sont largement automatiques. Cela représente l’équivalent de 2 points d’indice chaque année. Certes, ces mesures ne règlent pas la question du pouvoir d’achat en fin de carrière.
· Nous sommes donc prêts à discuter, entre autres, des promotions et des mécanismes d’avancement au sein de la grille.
· Nous sommes prêts à discuter aussi des régimes indemnitaires qui, je le rappelle, existent depuis la création de la grille. Le régime indemnitaire doit contribuer à reconnaître la qualification de chaque agent, la spécificité du poste qu’il occupe et, selon son niveau hiérarchique, sa contribution individuelle ou son intéressement collectif à la performance du service.
· Nous n’excluons pas le catégoriel de la discussion. De grandes avancées ont été réalisées sur la catégorie C sur la base du protocole du 25 janvier 2006 que certains d’entre vous ont signé. Il faut poursuivre dans la voie qui a été tracée.
· Le développement des prestations d’action sociale dans le prolongement du protocole du 25 janvier 2006 doit être également placé dans la corbeille des discussions.
· Nous sommes prêts à parler des comptes épargne temps et de leur valorisation dans les 3 versants de la fonction publique, en particulier dans l’hospitalière.
· Nous sommes prêts enfin à explorer un champ nouveau, celui de la protection complémentaire des agents.
Je laisse le soin à André de préciser maintenant nos intentions pour la conférence sur les valeurs et missions de la fonction publique et pour la conférence sur la rénovation du dialogue social.
Seul le discours prononcé fait foi.