La prévention des risques psychosociaux au ministère de l'Intérieur - 13/11/2013
Interview d'Isabelle Mérignant, sous-directrice de l'action sociale et de l'accompagnement du personnel (SDASAP), au ministère de l'Intérieur
Pouvez-vous nous présenter brièvement la démarche que vous avez mise en place en matière de prévention des RPS au sein de vos services? (quand, pourquoi, comment, à l'initiative de qui ?)
En septembre 2008, une réflexion a été lancée, lors d’un séminaire des professionnels de soutien du ministère sur le thème de la prévention des risques psychosociaux avec l’objectif à terme d’un plan ministériel. Cette proposition, innovante il y a 5 ans, a recueilli immédiatement l’accord du ministre et a été présentée lors des CHS qui se sont tenus dans les mois suivants.
Un groupe de travail associant à la fois les professionnels de soutien mais aussi les différents périmètres du ministère, ( police, secrétariat général ) a été constitué et les premiers travaux ont fait l’objet ensuite de discussions dans un groupe associant les organisations syndicales représentants les fonctionnaires des différents périmètres du ministère.
Disons que le point de départ a été une prise de conscience collective dans un ministère connaissant des réformes importantes, prise de conscience qui s’est concrétisée dans une démarche participative de tous les acteurs du ministère.
Le plan de prévention des risques psycho sociaux paru en 2010 est la traduction partagée de cette réflexion commune, de ces échanges constructifs et d’un libre dialogue avec tous les acteurs du ministère.
En quoi consiste votre démarche (nature des actions, acteurs impliqués, méthode, rythme, agents concernés ...) ?
Le plan de prévention ministériel de 2011, conçu comme une boite à outils à disposition des services, a été enrichi par des fiches de bonnes pratiques et a donné lieu à deux bilans des actions menées dans les préfectures qui ont été largement diffusés. Il doit pouvoir être décliné localement aussi bien par les préfectures que par les services de police et permettre de respecter les spécificités métiers et les sensibilités de chacun.
Le pilotage est assuré par l’administration centrale avec l’appui d’un organisme spécialisé avec lequel un marché d’assistance à maitrise d’ouvrage a été passé.
Les différents CHSCT sont régulièrement informés et associés. Un comité de suivi du plan de prévention des risques psychosociaux dans les préfectures a été réuni plusieurs fois par an.
Au plan local, des cellules de veille ont été créées. Bien évidemment, les professionnels de soutien, les responsables ressources humaines, les représentants du personnel sont étroitement associés aux travaux, aux réflexions et aux initiatives locales.
Des indicateurs ont été identifiés et mis en place dans bon nombre de services.
Par ailleurs, une démarche de sensibilisation, d’information et de formation a été mise en œuvre en liaison avec la sous direction de la formation. Ainsi, la prévention des RPS est prise en compte dans des actions de formation soit dédiées soit à l’occasion des différents stages de prise de postes ou autres. Une mallette pédagogique est en cours de finalisation.
En ce qui concerne les fonctionnaires de police, le,plan ministériel est également décliné en tenant compte de l’organisation locale des services.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en place de cette démarche, de quelle nature ?
La démarche ayant été parfaitement concertée dès l’origine n’a pas rencontré des difficultés insurmontables et aucune réticence.
Le délai d’appropriation par les préfectures a été variable en fonction de l’implication de la hiérarchie ou des situations locales. La mobilisation de tous les réseaux ( service social, médecins de prévention et inspecteurs de santé et sécurité au travail , psychologues) a été déterminante, comme celle des services de formation, des gestionnaires RH , des responsables d’action sociale.
Il est important que les énergies et les compétences des uns et des autres soient réunies dans des réflexions et des actions collectives.
Le principal écueil à éviter est la tentation d’évoquer les situations individuelles et de ne gérer que les situations de crise, même si celles doivent être bien évidemment traitées ; mais d’autres dispositifs de prise en charge existent.
Une fois le diagnostic élaboré, ce qui peut demander plusieurs mois, il est indispensable de déterminer les actions nécessaires et de se placer dans le cadre d’une prévention primaire.
A ce titre, l’anticipation des impacts psychosociaux de changements organisationnels par exemple est une démarche plus complexe.
Pouvez-vous tirer un bilan même provisoire de la démarche ? Quels sont les principaux enseignements de votre expérience pour vous, pour d'autres employeurs ?
Le bilan est positif dans la mesure où la notion de risques psychosociaux fait désormais partie de la culture du ministère, mais le travail pédagogique doit être poursuivi : la prévention des RPS ne doit pas être figée dans un document ; elle doit s’inscrire dans la durée et être menée dans la concertation.
Il est en effet indispensable de faire vivre le plan, de mobiliser au quotidien tous les acteurs directs et indirects, d’intégrer les RPS dans les documents uniques, de piloter et suivre les actions menées dans les services déconcentrés, d’impulser des nouvelles démarches en respectant les spécificités métiers et en laissant aux services une marge de manœuvre qui leur permettra de mieux s’impliquer.
Dans le deuxième bilan publié en 2013 des objectifs ont été renforcés Ils mettent l’accent sur la prévention primaire, l’implication de tous les niveaux de la hiérarchie, et la gouvernance locale de la démarche de prévention.
Le ministère souhaite désormais, à la lumière de cette première phase, s’orienter dans une démarche de qualité de vie au travail et de bien-être au travail pour aller au-delà du traitement du mal-être au travail.
L’accord cadre conclu par la DGAFP avec les organisations syndicales doit permettre à chaque ministère et administration de déterminer la démarche la plus adaptée. Le ministère de l’intérieur s’en inspirera pour poursuivre sa démarche, impulser de nouvelles réflexions en concertation avec les partenaires, et faire évoluer les dispositifs mis en place.