Première réunion avec les organisations syndicales sur les salaires dans la fonction publique - 21/11/2000
L'ouverture d'un cycle salarial est un moment important et quelque peu solennel. Important parce que les fonctionnaires, a travers vous, sont légitimement soucieux de l'évolution présente et future de leur pouvoir d'achat, et parce que ce gouvernement partage ce souci. Solennel parce qu'il s'agit d'un temps fort du dialogue social.. Si nous avons au quotidien des conversations sur toutes sortes de sujets, une séance de travail, dans ce cadre qui a connu tant de négociations, est emblématique de l'esprit contractuel qui depuis une trentaine d'années adoucit la loi d'airain du rapport hiérarchique entre l'État et ses agents.
Cette séance n'est pas la première ou nous discutons des salaires dans la fonction publique : nous avons eu un rendez-vous en juillet, au cours duquel j'ai pris des engagements sur lesquels je reviendrai dans un court instant ; nous avons eu des réunions bilatérales qui nous ont permis de faire l'inventaire des sujets ; des groupes se sont réunis pour avancer sur les questions de promotion interne et de rémunération des heures supplémentaires. Et le gouvernement a agi.
Je vous avais dit que la question des frais de déplacement serait réglée : les textes sont parus début septembre ; je vous avais annonce que le barème d'invalidité serait révisé : c'est chose faite ; je vous avais promis une décision sur le conge de fin d'activité : l'Assemblée nationale a adopte jeudi dernier un amendement au projet de loi de finances le reconduisant pour 2001 ; je vous avais promis que le gouvernement réexaminerait, pour la trancher définitivement, votre demande, connexe au précédent accord salarial, tendant au relèvement du minimum de pension : je peux vous annoncer aujourd'hui que ce relèvement est décide, a compter du 1er décembre prochain.
C'est dire que, même si cette réunion se situe tard dans l'année 2000, nous n'avons pas été inactifs ces derniers mois : vous avez exprime des demandes, nous en avons débattu, et je suis heureux de pouvoir vous annoncer aujourd'hui qu'elles sont toutes satisfaites. C'est une circonstance assez rare pour que je me félicite que la qualité de notre dialogue, la force de vos arguments, et la détermination du gouvernement a apporter les réponses appropriées aux besoins de la fonction publique, aient permis d'en arriver a ce résultat.
Nous ouvrons donc aujourd'hui un dossier salarial qui n'a jamais été referme, parce que nous avons pris des décisions importantes sur des sujets attendus par les fonctionnaires, mais aussi parce que, si la politique salariale est scandée par des accords - ou des absences d'accord-, le pouvoir d'achat des agents publics se mesure dans la continuité.
Nous nous trouvons aujourd'hui dans une conjoncture favorable, car nous abordons le dossier salarial sans contentieux aucun qui résulterait de la période précédente : l'accord 98-99 a été applique, pleinement, et même au-delà de sa lettre, puisque la reconduction du CFA en 2001 n'en découlait pas automatiquement, et surtout que le relèvement du minimum de pension n'y était pas expressément prévu, ce qui avait motive la position gouvernementale réaffirmée a plusieurs reprises.
Le gouvernement a ainsi choisi de faire vivre l'esprit de cet accord au-delà de la date officielle de son expiration. Il n'est donc pas illégitime que nous prenions aussi en considération les effets qu'il a produit au-delà de ce qu'il prévoyait, c'est a dire le gain inattendu de pouvoir d'achat du point qui en est résulte. Comprenez-moi bien : je ne souhaite pas, anime que je serais par je ne sais quel esprit de revanche, récupérer un gain acquis par les fonctionnaires. Ce n'est pas ma conception du dialogue social et je ne considère pas que l'État marque un point lorsqu'un accord se révèle après coup moins favorable aux agents, cependant que vous remporteriez une manche lorsque le contraire se produit.
Nous ne sommes pas deux camps qui disputent un match ; nous sommes des partenaires, chacun dans son rôle et avec ses contraintes, qui recherchent sincèrement le chemin du mieux possible pour les salaries de l'État, des collectivités locales et des hôpitaux.
La prise en considération de ce gain de 1,1 % de pouvoir d'achat du point me parait en outre naturelle pour plusieurs autres motifs * ce qui intéresse les agents, c'est l'évolution de leur pouvoir d'achat qui se mesure, je l'ai dit, dans la continuité. C'est aussi ce qui préoccupe l'Etat-employeur - en tout cas depuis qu'il est dirige par ce gouvernement. C'est aussi ce qui vous anime.
Les fonctionnaires sont sensibles au respect scrupuleux des accords passes en leur nom avec leur employeur. Mais ils sont encore plus sensibles -et c'est parfaitement compréhensible- aux évolutions de leur pouvoir d'achat par delà les accords salariaux. Si l'accord précédent s'était traduit, pour une circonstance extérieure, par une baisse de la valeur du point, vous vous feriez très légitimement l'écho de leurs demandes de rattrapage : vous l'avez fait dans le passe, soit qu'une année ait été blanche, soit que les effets d'un accord aient été submerges par une inflation galopante.
La progression de 1,1 % du pouvoir d'achat du point est, a l'inverse, une des données de base de l'exercice dans lequel nous entrons. * ensuite, ce gain n'est pas anodin : il est de l'ordre de grandeur de l'inflation annuelle. Le principe de l'accord de 1998 était un calage sur l'inflation : la désinflation exceptionnelle a fait que, sur la base de ce principe, on a eu trois années de revalorisation sur deux ans. * enfin, on pourrait objecter que les règles de la négociation salariale voudraient qu'on fasse du passe table rase avant d'entrer dans la recherche d'un nouvel accord.
Mais la situation actuelle est très particulière puisque c'est la première fois depuis au moins vingt ans que le bilan d'un accord est un gain. Nous avons donc a trouver ensemble une méthode de travail nouvelle pour une situation inédite.
Avant d'entrer dans le détail de nos débats, je voudrais vous faire part de mon optimisme pour notre fonction publique et nos administrations. C'est un optimisme raisonnable, qui n'émousse pas ma vigilance ; mais il est solide.
Nous bénéficions aujourd'hui d'une conjonction de décisions qui doivent permettre d'améliorer la situation des fonctionnaires, d'assurer l'avenir de la fonction publique et de mieux satisfaire les attentes des citoyens :
- d'abord, l'aménagement et la réduction du temps de travail vont se mettre en place dans les administrations. Je ne doute pas que, même si des frottements se produiront ici et la, ce progrès social sera vécu positivement par les agents, comme il l'est aujourd'hui par les salaries du prive ;
- ensuite, le redressement économique opère depuis 1997 nous permet en 2001 des créations d'emplois publics substantielles, dans les secteurs qui sont la priorité du gouvernement, parce qu'ils sont la priorité des français ;
- par ailleurs, la gestion prévisionnelle des effectifs, après avoir été trop longtemps un objet d'étude, va devenir une réalité : le plan pluriannuel de recrutements du ministère de l'éducation nationale en est la première concrétisation. Cette projection dans l'avenir, la pluriannualité qu'autorisera demain la reforme de l'ordonnance de 1959 sur les lois de finances, garantiront que, dans les années qui viennent, et malgré l'hémorragie des départs en retraite, les vacances d'emploi seront comblées, les effectifs fournis, les compétences adaptées, bref, le service aux usagers assure ;
- la quatrième décision concerne tous les contribuables, et les fonctionnaires sont aussi des contribuables. Leur revenu disponible va croître a la suite des réductions d'impôt décidées par le Gouvernement. Je ne prendrai qu'un exemple : un instituteur au 7eme échelon, dont le salaire brut annuel est de 133 008 Frs, bénéficiera en 2001, du fait de la reforme de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation, d'un gain de 1 663 Frs s'il est célibataire, de 2 505 Frs s'il s'agit d'un couple biactif avec deux enfants ; en 2003, ces gains se monteront, dans chacun de ces deux cas, a 2 234 Frs et 3 190 Frs. Cette baisse des impôts est conséquente, puisqu'en 2001, elle représentera pour cet instituteur, selon sa situation familiale, 1,5% ou 2,3% de gain de pouvoir d'achat de son traitement de base.
Enfin, et sans revenir par le menu sur le contexte budgétaire global dont je vous avais expose les contraintes en juillet dernier, je dois vous rappeler que si l'État est dual, employeur des fonctionnaires et donc en charge de leur situation matérielle d'une part, garant de l'intérêt général et donc comptable des grands équilibres d'autre part, il n'est pas schizophrène.
Le ministre de la fonction publique ne saurait donc ignorer, lorsque nous parlons salaires, l'équilibre des comptes publics. Ignorer totalement l'intérêt général lorsque nous discutons des traitements de la fonction publique, ce serait courir le risque de voir opposer par certains la collectivité nationale et les fonctionnaires ; je ne le veux a aucun prix, car, pour moi, l'administration et ses agents sont au coeur de l'intérêt général.
L'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires résulte d'une conjonction de facteurs : la valeur du point, l'avancement d'ancienneté, la promotion, les mesures catégorielles , et aussi, même si elles ne sont pas spécifiques a la fonction publique, les allégements d'impôts et de prélèvements.
Je ne suis pas de ceux qui considèrent que la seule mesure en moyenne de la résultante de ces différents facteurs suffit a décrire l'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Je ne crois pas non plus que la valeur du point serait la seule aune a laquelle on devrait mesurer ce pouvoir d'achat.
La valeur du point n'explique pas tout et il n'est pas certain que les agents soient plus attentifs aux mesures générales qu'a leur progression individuelle de carrière. Aux niveaux très faibles d'inflation auxquels nous nous situons, je pense même qu'ils sont plus sensibles au gain de quelques échelons qu'a celui de quelques dizièmes de pourcent de progression du point.
On ne peut, des lors que d'autres facteurs contribuent fortement au dynamisme des rémunérations publiques, ne mesurer qu'a travers la valeur du point la participation des fonctionnaires au progrès social.
Mais pour autant, la valeur du point est cardinale, puisqu'elle est la base de tout le reste. Le Gouvernement est attentif a son évolution depuis juin 1997 - l'accord précédent le démontre abondamment - et dans les années qui viennent. Si elle s'effrite, tous les éléments qui s'y ajoutent sont affaiblis, et la satisfaction d'une promotion n'est plus que le soulagement de ne pas reculer. Ce n'est pas ainsi qu'on motive les fonctionnaires ; ce n'est pas ainsi que l'on gère de précieuses ressources humaines.
En outre, le Gouvernement n'oublie pas que la plupart des retraites de la fonction publique et les agents qui ne bénéficient pas d'une promotion ne connaissent que l'évolution de la valeur du point. Il veille aussi, engage qu'il est dans une politique de gestion prévisionnelle des effectifs, a ce que le traitement d'entrée dans la fonction publique reste attractif.
Je vous propose donc de discuter de la valeur du point, aujourd'hui, et au cours des semaines a venir, parce qu'elle commande beaucoup, mais en considérant qu'elle ne détermine pas tout.
La deuxième question que je soumets a notre débat est celle de la période a prendre en compte.
Nous parlerons bien sur au cours de nos séances de 2001. Je vous pose la question de 2002. On peut préférer une logique annuelle, au double motif que les prévisions sur les hypothèses macroéconomiques sont d'autant moins fiables que leur terme est éloigne et qu'un accord sur deux ans porterait en germe une troisième année sans négociations.
Le premier motif n'est pas dirimant : il n'est que de voir que c'est en 1998, première années de l'accord précédant, que l'inflation a été cantonnée a un niveau historiquement bas que personne n'avait prévu lorsque l'accord a été signe. Le second motif n'est pas consistant, d'abord parce que 2000 ne sera pas une année blanche et que nous sommes encore en 2000 alors que nous ouvrons le dossier salarial ; mais ensuite et surtout, parce que je crois que les années blanches de négociations sont, non pas le produit fatal d'accords pluriannuels, mais le signe d'une immaturité du dialogue social dans la fonction publique dont nous portons collectivement la responsabilité. Je m'explique : ce dialogue social n'est pas aise, parce qu'il n'est pas impératif. La règle de droit reste que l'Etat-employeur dispose pour ses agents.
C'est confortable pour l'État, qui est parfois tente d'éviter l'âpreté de la négociation ; mais ça l'est aussi pour les organisations syndicales qui savent que, même sans accord, l'État devra et pourra agir seul. L'unilatéralisme est un filet de sécurité commode qui exonère le dialogue social des audaces et des ardeurs de la nécessite. Nous devrons, un jour, ensemble, faire évoluer le contenu et la forme du dialogue social dans la fonction publique.
La recherche d'un accord intégrant 2002 présente l'intérêt d'ouvrir une perspective de lisibilité et de stabilité. Les agents publics sauront au delà d'une courte année et par delà des échéances nationales importantes, sur quelle base ils seront traites. En outre, prendre en compte les deux années a venir, c'est s'inscrire, pour les salaires, dans une démarche pluriannuelle que le Gouvernement souhaite engager pour les finances publiques et l'emploi public.
Enfin, deux groupes de travail, dont j'avais annonce la constitution en juillet, se sont déjà réunis, chacun pour une première séance. Je demanderai tout a l'heure au directeur général de l'administration et de la fonction publique de nous en faire un compte rendu detaille.
D'ores et déjà, je considère que le dossier des IHTS doit avancer et qu'il nous est possible de trouver ensemble des solutions aux deux problèmes qu'il pose : celui des heures payées sans être effectivement faites, ou comptabilisées comme telles ; la solution de ce premier problème devra concilier les droits des agents et l'exigence de transparence de la gestion publique que nos concitoyens appellent légitimement de leurs voeux.
Le second problème est celui du taux horaire, qui devra trouver un règlement cohérent avec le passage aux 35 heures.
Ensuite, le compte rendu qui m'a été fait tant de la première réunion du groupe de travail sur la promotion interne que des entretiens bilatéraux que mon cabinet a eus avec vous, m'a convaincu que ce dossier devait être un point fort d'un futur accord salarial.
Les perspectives de carrière des fonctionnaires ne sont en effet, nous l'avons vu, pas étrangères a leur pouvoir d'achat. En outre, les blocages que nous connaissons aujourd'hui dans de nombreux corps justifient que nous n'attendions pas des règlements au coup par coup, lents et aléatoires, mais que nous imaginions un nouveau système permettant un lissage de la carrière moyenne des fonctionnaires.
Au delà du caractère conjoncturel du problème, je crois profondément que nous devons aux agents en place et aux futurs fonctionnaires, une stabilisation des carrières : c'est ainsi que nous motiverons les uns et que la fonction publique restera attractive pour les autres.
Les sujets que nous abordons aujourd'hui sont suffisamment importants et les perspectives temporelles que nous arrêterons suffisamment amples, pour que nous nous donnions du temps. Pas trop pour ne pas faire languir la négociation ; assez pour en assurer un dénouement heureux.
Pour cette première séance, je vous propose donc d'aborder successivement, après bien sur les déclarations liminaires que vous souhaiteriez faire, la base de départ, c'est a dire le bilan de l'accord précédent, la question du pouvoir d'achat, la période a prendre en compte pour la recherche d'un nouvel accord, et la manière de traiter dans cet ensemble les années qu'il comporte, et enfin la promotion interne et les IHTS.
Seul le discours prononcé fait foi.
[21/11/00]