Ouverture des négociations sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique - 15/06/2000
À l'ouverture de cette négociation sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, je veux préciser ce que sont les intentions du gouvernement et l'esprit dans lequel je l'engage.
L'importance que j'accorde à cette négociation tient à une conviction : il n'y a pas de bonne gestion publique sans une bonne gestion des personnels. L'emploi précaire ne peut pas être un système de recrutement dans notre fonction publique. Je ne méconnais pas l'effort de mes prédécesseurs. Ainsi, la loi de 1996 aura permis de titulariser près de 50 000 agents. Et nous mesurons bien ce que cela signifie pour la vie quotidienne de ces agents
Mais, la situation actuelle est tout aussi préoccupante qu'il y a 4 ans. Elle ne peut pas durer. La lutte contre la précarité de l'emploi est une des priorités fixée par Lionel Jospin au gouvernement pour ces deux dernières années de la législature. Il attend des partenaires sociaux la définition des mesures susceptibles de réguler le recours au travail précaire pour en réduire les abus, faute de quoi le gouvernement prendra ses responsabilités.
Il est alors indispensable que l'Etat soit plus exigeant envers lui-même.
J'ai donc deux grands objectifs dans cette négociation.
Améliorer sensiblement d'abord le précédent dispositif dans ses modalités en respectant les caractères des trois fonctions publiques. Et, surtout, inscrire la résorption de la précarité dans une modernisation de la gestion publique. Car les situations de précarité résultent principalement d'un manque d'anticipation dans la gestion des emplois - ce qui explique les ajustements fait selon les besoins.
Nous devons définir et mettre en oeuvre les moyens réglementaires, budgétaires, gestionnaires propres à éviter le renouvellement de la précarité.
La création concomitante d'un Observatoire de l'emploi public apportera une contribution importante à notre action. Mais, d'ores et déjà, nous pourrons proposer une meilleure organisation des processus de recrutement. Une négociation réussie sur la résorption de l'emploi précaire serait un élément important de la modernisation de l'Etat. Cela sera d'autant plus utile que nous sommes à la veille d'importants changements démographiques que nous devons maîtriser pour la qualité même du service public.
Avant d'entrer dans le fond de cette négociation, et de présenter les grandes lignes du texte qui vous est soumis, je veux préciser ce que seront les règles de cette négociation. Tous, ici, nous souhaitons et disons vouloir un dialogue social de qualité. Un accord doit résulter d'une capacité d'engagement de part et d'autre, du côté du gouvernement et de l'administration, du côté des syndicats. Cela suppose qu'il puisse être signé par une majorité d'organisation syndicales représentatives.
Je retiens pour ma part cette règle pour que l'Etat s'engage sur un accord .
Le bilan du précédent accord, qui vient à expiration à la fin de cette année, ce qui nous impose un rythme soutenu de négociations, est contrasté. Certes, au terme de ce plan, 75%des personnes concernées dans la fonction publique d'Etat seront titularisées, et près des deux tiers dans la fonction publique hospitalière. Mais plusieurs éléments de ce bilan sont négatifs. Tout d'abord la fonction publique territoriale n'a guère bénéficié dans les faits de ce plan, puisqu'un petit cinquième des agents concernés aura été titularisé. Ensuite, les dispositifs spécifiques n'ont joué que pour deux tiers des titularisations, ce qui signifie certes, et il faut s'en réjouir, que certains agents ont emprunté les voies ordinaires d'accès à la fonction publique, mais aussi que ces dispositifs spécifiques n'ont pas donné leur plein rendement.
Enfin, et surtout, la précarité s'est reconstituée, à mesure que des intégrations étaient prononcées. C'est dire que nous n'avons pas su gérer mieux l'emploi public, prévoir et adapter les recrutements de titulaires, ajuster les emplois. C'est dire aussi que les dispositifs permettant de limiter le recours à des agents contractuels, aux lieu et place de titulaires étaient insuffisants ou insuffisamment précis dans l'accord qui va expirer. Les voies contractuelles d'entrée dans la fonction publique n'ont pas été restreintes, et, surtout les crédits de rémunération de vacataires et contractuels sont restés disponibles après titularisation des personnes, au lieu d'être transformés en emplois budgétaires, et donc supprimés, comme y invitait de façon trop subliminale l'accord de 1996. Il est vrai qu'il faut pour que vive un accord une volonté politique soutenue, pour contenir les facilités et combattre les habitudes. Cette volonté, je l'affirme solennellement, existe aujourd'hui : la puissance publique doit être exemplaire dans sa gestion des moyens et des hommes. Les responsables politiques et administratifs doivent être exigeants avec eux-mêmes, pour être légitimes à entraîner l'ensemble des fonctionnaires vers une amélioration du service rendu à l'usager.
C'est cela que je nous souhaite en ouvrant ces négociations : trouver ensemble les réponses aux attentes légitimes des agents qui subissent la précarité ; mais aussi engager résolument et sans arrière-pensées la modernisation de la gestion de l'emploi public, pour le plus grand bien des personnels et le meilleur service de l'usager. Evitons d'avoir à remettre dans cinq ans l'ouvrage sur le métier ; soyons audacieux et novateurs dans la recherche de solutions durables.
De qui parlons-nous aujourd'hui ? Il nous faudra affiner les statistiques, et l'Observatoire de l'emploi public y pourvoira. Pour ne citer que trois chiffres, nous avons 80 000 CDD en équivalents temps plein dans la FPE, 320 000 dans la FPT, dont plus de la moitié au niveau de l'échelle 2, et 26 000 dans la FPH.
Je sais que nombre d'entre vous vont évoquer la situation des personnes bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité, d'un contrat emploi consolidé ou d'un emploi-jeune. Je souhaite dire d'emblée pourquoi il n'en est pas fait mention dans le texte que je vous ai adressé. Bien sûr la situation de ces personnels et leur avenir préoccupent le gouvernement : vous savez son engagement dans la lutte contre le chômage, le rôle qu'y ont joué ces dispositifs et le souci qui est le sien d'assurer l'avenir professionnel de leurs bénéficiaires. Mais la réflexion du gouvernement excède les limites de notre négociation, parce que le plus clair de ces emplois relève du droit privé, et que nous traitons ici de contractuels de droit public ; parce que ces dispositifs ne concernent pas que des personnes publiques ; parce que l'avenir professionnel des intéressés n'est pas borné à l'administration et que nous devons, bien sûr, utiliser la forte reprise de l'emploi. Des discussions devront avoir lieu sur l'évolution de ces dispositifs et sur les débouchés professionnels ouverts à leurs bénéficiaires, mais elles auront lieu dans quelques temps et dans un cadre plus vaste.
Le texte que vous avez sous les yeux, élaboré sur la base des consultations effectuées auprès de vous est un projet qu'il nous appartient, ensemble, d'améliorer. Cependant, ces consultations ayant été approfondies, j'ai choisi de vous présenter d'entrée de jeu un dispositif complet, large et ambitieux.
Il comprend deux volets :
- en premier lieu, le dispositif proprement dit de résorption de la précarité ;
- en second lieu, des mesures pérennes destinées à améliorer la gestion de l'emploi public et à éviter la reconstitution de la précarité.
Voyons d'abord le plan de résorption. Sont concernés dans les trois fonctions publiques, et sous réserve des adaptations requises par les spécificités de la FPT, les agents en CDD de droit public exerçant des fonctions normalement dévolues à des fonctionnaires titulaires. Ce champ est plus large que celui du protocole de 1996, puisqu'il couvre la totalité des catégories (A, B, C), ainsi que les agents en fonction dans les établissements publics de l'Etat.
La durée du plan que je vous propose est de cinq ans, durée nécessaire à l'organisation des recrutements et permettant à certains agents de compléter leur formation ou de remplir les conditions d'ancienneté.
Le concours, y compris spécifique, reste la règle.
Pour éviter le principal écueil du plan précédent, un dispositif volontariste de transformation de crédits de rémunération des personnels sous contrat en emplois budgétaires est prévu.
S'agissant de la FPT, et pour tenir compte du caractère récent de sa construction statutaire et des délais de sa mise en oeuvre, les agents recrutés entre 1984 et l'organisation du premier concours d'accès au cadre correspondant, pourront se voir offrir une titularisation sur titres, sans changement d'affectation.
Le second volet concerne l'amélioration de la gestion de l'emploi public :
- l'extension à la FPE de la possibilité de recrutement sans concours à l'échelle 2 de la catégorie C, à l'instar de la FPT et de la FPH ;
- une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, qui passe notamment par une meilleure organisation des concours, le renforcement du caractère professionnel des épreuves, la création de concours sur titres ou de type 3ème voie, et l'élargissement du recours aux listes complémentaires ;
- l'encouragement de la mobilité ;
- le réexamen des conditions d'emploi des titulaires afin de s'assurer que les fonctions permanentes sont exercées par des titulaires ;
- la limitation des possibilités légales de recours à des contractuels : limitation da quantum des temps partiels et suppression du recrutement de contractuels sur des emplois permanents à temps non complet dans les collectivités de moins de 2000 habitants.
Avant que nous n'engagions un premier débat, qui se prolongera par des discussions dans les dix jours qui viennent, pour déboucher, je l'espère, lors de notre séance du 26 juin, je voudrais vous remercier pour l'excellent climat dans lequel se sont déroulées les premières rencontres bilatérales. Nous partageons le même souci de trouver un bon accord et de répondre ainsi aux attentes de toutes celles et tous ceux qui sont inquiets pour leur avenir au service de l'Etat, des collectivités et de leurs établissements.
Seul le discours prononcé fait foi.
[15/06/00]