Discussion du projet de loi sur la réforme des retraites - 07/09/2010
Allocution de Georges Tron, Secrétaire d’État Chargé de la Fonction Publique.
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires sociales,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Avec Éric Woerth, nous avons l’honneur de vous présenter le projet que le Gouvernement propose aux Français pour assurer la pérennité de notre système de retraite.
Cet honneur est aussi une nécessité.
Comme l’a dit Éric Woerth, nous avons choisi de regarder la vérité en face, avec courage et détermination. Préserver notre système de retraite est une obligation sociale, que nous devons aux générations qui nous succéderont. Cette réforme est une réforme de société.
Ne nous trompons pas de débat et ne nous laissons pas enfermer dans la technicité du sujet des retraites. Pour la fonction publique qui compte 5,3 millions d’agents, soit 20% de l’emploi total en France, la réforme des retraites est partie intégrante de la politique de modernisation de la fonction publique qu’Éric Woerth et moi-même mettons en œuvre avec le Gouvernement.
Une modernisation comme jamais la fonction publique n’en avait connue jusque là. Une modernisation qui, dans le domaine des retraites, s’est fait attendre.
Les retraites et la fonction publique ont une histoire ancienne et particulière.
N’oublions pas que les retraites sont nées au sein de la fonction publique : cela commence avec l’édit du 23 septembre 1673 qui instaure une pension vieillesse pour les officiers de la marine royale.
La loi du 8 juin 1853 fixe les âges minimaux de 55 ans et 60 ans pour partir à la retraite. Depuis cent cinquante sept ans, ces âges n’ont pas changé alors même que la durée d’espérance de vie à la naissance a augmenté de près de 40 ans. On observe donc que c’est la fonction publique qui est à l’origine du système des retraites. Et pourtant, de manière très étrange, la fonction publique n’a pas connu de réforme des retraites entre 1948 et 2003. 55 ans sans réformes.
L’objectif du Président de la République et du Gouvernement, c’est préserver la retraite par répartition pour tous. C’est pourquoi la réforme vise l’équilibre, c’est-à-dire l’absence de déficit dès 2018, pour pouvoir transmettre aux jeunes générations un régime de retraite rétabli. Pour la fonction publique et afin de préserver notre système de retraite, Éric Woerth et moi-même avons retenu comme principe fondamental la convergence des règles entre régimes privés et celui de la fonction publique.
Vous pourriez me dire que ce principe tombe sous le sens. Loin s’en faut quand on compare les régimes du secteur privé avec celui de la fonction publique. Il ne s’agit pas, pour autant, de nier les spécificités de la fonction publique. Reste qu’un certain nombre de règles héritées du passé ne sont plus adaptées à la fonction publique d’aujourd’hui. Ces règles ne sauraient donc être considérées comme intangibles.
Parfois même, elles vont à l’encontre de l’intérêt des fonctionnaires eux-mêmes. Je pense par exemple aux catégories actives qui ne pouvaient pas travailler au-delà de leur âge limite. Le projet de loi que nous présentons donc aujourd’hui traduit ce souci de responsabilité et de justice en faisant converger certaines règles de la fonction publique.
I - Premier principe de convergence : l’augmentation de la durée concerne également les fonctionnaires Le projet de loi porte l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018. Cette augmentation sera progressive pour ne pas bouleverser les projets de vie des Français proches de la retraite. Dans la fonction publique, toutes les bornes d’âge et de durée de services bougeront de deux ans.
* pour les catégories actives, c’est-à-dire les corps dont l’âge légal de départ à la retraite est généralement fixé à 50 ou 55 ans, la réforme conduira à autoriser les départs à partir de 52 ou 57 ans ; la durée de service pour le bénéfice de la catégorie active évoluera également de 15 à 17 ans. * pour les militaires, les durées de services passeront de 15 ans et 25 ans à respectivement 17 ans et 27 ans pour une pension à jouissance immédiate.
Comme aujourd’hui, l’écart de 5 ans entre l’âge d’ouverture et celui du « taux plein » est maintenu : ainsi, l’âge à partir duquel la décote s’annule sera progressivement relevé de 2 ans. Bien entendu, la personne qui aura totalisé le nombre de trimestre suffisants pour atteindre le taux plein dès l’âge de 62 ans pourra prendre sa retraite dès cet âge et bénéficier du taux plein.
Je tiens à souligner que le Gouvernement a souhaité, par exception, neutraliser le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite ainsi que le relèvement de la limite d’âge pour les personnels infirmiers qui feront valoir leur droit d’option dans les nouveaux corps et cadres d’emploi de la catégorie sédentaire dans le cadre de la réforme dite du « LMD ».
Il s’agit là, très clairement, d’une mesure qui permettra de valoriser ce choix, et de mieux garantir l’équilibre de la réforme des corps infirmiers. Si un dispositif particulier concernant la pénibilité est élaboré pour les salariés, le dispositif des catégories actives pour les fonctionnaires n’est pas remis en cause. L’approche historique de la pénibilité dans la fonction publique est conservée, même si cela n’interdit pas une convergence ultérieure.
II - Notre réforme permettra de renforcer l’équité de notre système de retraites par des mesures de rapprochement des règles entre public et privé C’est un thème particulièrement sensible pour nos concitoyens : leur demande, exprimée tant auprès des élus ou tout simplement dans les enquêtes d’opinion, est l’application de règles identiques quel que soit le statut ou l’employeur : « à carrière égale, retraite égale ».
C’est aussi une nécessité au regard de la forte dégradation de la situation budgétaire du régime de retraite des fonctionnaires, qui, si nous ne faisions rien, passerait de 15 à 21 milliards d’€ pour l’État d’ici 2020, et à 39 milliards d’ici 2050. Quant à la CNRACL, dont le solde resterait positif jusque vers 2015, son déficit atteindrait 1,3 milliard d’€ en 2020, et 13,6 milliards en 2050.
Le Gouvernement a conduit les partenaires sociaux et avec vous un examen sur les justifications de différences dont nombre d’entre elles relèvent d’un héritage de l’Histoire. Le projet de loi propose de revenir sur trois différences, qui ne sont pas justifiables par des spécificités de la fonction publique. En premier lieu, le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui du secteur privé. Il passera en 10 ans de 7,85 % à 10,55 %. Au terme de ce rattrapage dont je souligne qu’il est très progressif - étalé sur 10 ans - il aura été mis fin à une différence majeure en matière de retraite entre la fonction publique et le privé : le fonctionnaire contribuera dans la même proportion au financement des retraites que son collègue du privé. En deuxième lieu, le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge pour les parents de 3 enfants ayant 15 ans de service, sera fermé à compter de 2012. Ce dispositif, dont le Conseil d’orientation des retraites avait relevé les imperfections et qui est sans équivalent dans le privé, sera supprimé progressivement.
Comme vous le savez, la Commission européenne a ouvert une procédure qui concerne entre autres ce dispositif.
Le droit à un départ anticipé sera conservé pour les parents de 3 enfants répondant aux 2 conditions (3 enfants et 15 ans) au 1er janvier 2012. Parallèlement, la règle de calcul sera harmonisée sur le droit commun (par génération) afin de traiter en égalité l’ensemble des Français devant la retraite. Le Gouvernement a entendu les inquiétudes des agents qui ont été nombreux à s’interroger sur l’articulation des conditions d’éligibilité dans le cadre du calendrier de la réforme.
Leurs questions ont été relayées, notamment par les organisations syndicales. Soucieux d’y apporter une réponse - oui, nous écoutons et discutons avec les organisations syndicales - le Gouvernement a modifié le dispositif en précisant que le nouveau régime ne sera applicable qu’aux demandes de pension déposées après la publication de la loi, pour un départ en retraite au plus tard au 1er juillet 2011. Ainsi, les agents disposeront d’un délai suffisant pour arrêter leur choix dans de meilleures conditions.
Nous avons également déposé un amendement qui précise que les personnes qui ont atteint ou dépassé l’âge d’ouverture des droits à la retraite conservent le bénéfice des règles actuelles. Dernière mesure de convergence, le minimum garanti ne sera désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé.
Les fonctionnaires bénéficient de ce minimum dès qu’ils atteignent l’âge d’ouverture des droits, même s’ils n’ont pas tous leurs trimestres. Dans le secteur privé, un salarié doit attendre l’âge du « taux plein » (65 ans). Le Gouvernement ne remet pas en cause le montant du minimum garanti qui est sensiblement plus élevé que dans le privé. En revanche, il harmonise la règle d’ouverture de son service sur la règle du régime général - atteindre « le taux plein » - c’est-à-dire respecter la durée de cotisation complète ou partir à la limite d’âge à laquelle s’annule la décote.
La solidarité du régime de retraite, et donc des autres assurés, ne peut se déclencher dès lors que la durée d’assurance exigée de tous est atteinte. Le respect de la durée de cotisation prend en compte bien évidemment toutes les périodes réalisées dans l’ensemble des régimes de retraite.
* * *
Mesdames et Messieurs, cette réforme permettra de restaurer dans la durée la confiance des Français dans leur système des retraites. Nous avons une obligation de faire cette réforme de société. Cette obligation sociale est aussi une obligation morale. L’obligation morale de transmettre à nos enfants un régime de retraites par répartition viable et équilibré.
Les jeunes doivent pouvoir accepter cet héritage sans réserve d’inventaire pour une simple raison : à la différence d’une succession, on ne peut pas refuser l’héritage d’un système de retraites. Nous devons pouvoir regarder nos plus jeunes générations dans les yeux sans rougir du legs que nous leur faisons. Alors, ayons le courage politique de réformer et de dire la vérité aux Français.
Je vous remercie de votre attention.
Seul le discours prononcé fait foi.
[07/0910]