Ouverture de « Ma Fonction publique se réinvente » : Discours d'Annick Girardin - 07/03/2017
* Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis aujourd’hui très heureuse d’ouvrir cette journée d’échanges qui met la Fonction publique à l’honneur.
Quel beau symbole dans une période où elle ne cesse d’être attaquée et caricaturée.
Quel beau symbole à un moment où sa dénonciation sert de prétexte électoraliste pour opposer les Français les uns aux autres.
Cette conférence est l’occasion de vous parler de mon attachement à la Fonction publique mais aussi de prendre de la hauteur sur les enjeux qui la traversent. En France, la fonction publique représente 5,4 millions d’agents. Répartis sur plus de 700 métiers, ces agents assurent la sécurité des Français, les soignent, les forment mais aussi les accompagnent dans leurs démarches. Et parce que leur action renforce le bien-être et le vivre ensemble, ils sont au coeur du pacte républicain.
La Fonction publique, c’est, avec la sécurité sociale, une part de notre modèle social. Un modèle social qui a une longue histoire et qui s’est construit sur des principes dont nous pouvons être fiers : la solidarité, la cohésion, l’entraide. Autant de valeurs que nous devons continuer à défendre, et cela au bénéfice de tous les Français.
Et cette fonction publique, loin des caricatures, elle bouge, elle se transforme et elle sait répondre aux crises tout comme elle sait s’adapter aux demandes quotidiennes de ses usagers
[La fonction publique : un rempart contre la perte de sens du collectif]
Toutefois, et vous pouvez le constater au quotidien, notre société est en train de perdre la sens de l’intérêt général. Cette lame de fond préoccupante doit nous interroger.
Comment expliquer cette perte du sens ? Comment l’intérêt général est devenu un mot-valise, une invocation désincarnée qui mobilise de moins en moins nos concitoyens ?
La Fonction publique n’est pas exempte de cette perte de sens, d’autant qu’elle incarne le service du collectif. Pourtant, comme les Français, les fonctionnaires expriment un malaise, des attentes fortes et un besoin de retrouver un sens à leur engagement. Comment faire face à cette situation, à ce diagnostic que j’ai posé dès ma prise de fonction et que je partage avec Marylise Lebranchu ?
Tout d’abord, face à cette situation, le politique doit prendre position et avoir un discours clair, sans concession ni équivoque : être fonctionnaire n’est pas un métier comme les autres.
Le travail des fonctionnaires, c’est de construire la République jour après jour et d’en pérenniser l’héritage. Ils sont des sentinelles au service des autres dont le rôle est irremplaçable.
À l’inverse, certains responsables politiques prennent une lourde responsabilité en critiquant gratuitement les agents publics. En opposant les Français, ils alimentent un clivage absurde entre secteur public et secteur privé, ils mettent en concurrence ses différents versants. Ils érigent des barrières entre les citoyens et leur administration. Ils ajoutent, en somme, des fractures à une société qui a besoin d’unité et d’apaisement. Et c’est dans cette dynamique d’unité et d’apaisement que nous nous sommes réunis aujourd’hui.
Car vous le savez, nous n’avons pas besoin de solutions à l’emporte-pièce. Remettre en cause le statut des fonctionnaires, c’est une idée dangereuse pour la démocratie, car le statut est là pour protéger l’intérêt public, protéger de la corruption et du népotisme. Mais c’est aussi une idée qui manquerait son but, car le statut n’est pas à l’origine des difficultés qu’éprouvent les agents ou les usagers.
Par contre, il nous revient de rappeler que la Fonction Publique doit être exemplaire et de rendre ce principe effectif. C’est pour cela que j’ai porté la loi relative à la déontologie et aux droits et devoirs des fonctionnaires votée le 20 avril 2016 qui donnent de nouveaux droits à nos agents.
Et si les fonctionnaires ont accès à de nouveaux droits, ils ont aussi des devoirs, et je le redis, le premier d’entre eux c’est le devoir d’exemplarité.
La fonction publique et ses fonctionnaires se doivent d’être irréprochables, c’est la condition même de la confiance que leur accordent les Français.
Ensuite, il faut partir d’un constat lucide et clair sur notre fonction publique et ses difficultés. Elle souffre, comme toutes les institutions, de freins qui la ralentissent. Elle connait des blocages qui nuisent à son efficacité et altèrent la lisibilité de son action.
Il ne s’agit pas de nier ces blocages, mais, au contraire, de les lever. Il s’agit d’agir dans le concret et non dans l’idéologie. Il s’agit de partir de ce que nous disent les agents et les Français et d’apporter des réponses concrètes à leurs difficultés.
Je prendrais un exemple, celui du fait religieux. J’ai écouté les agents me dire qu’ils étaient de plus en plus confrontés à cette question et que leur hiérarchie, par manque de formation ou d’attention, ne leur apportait pas le soutien qu’ils attendaient.
J’ai donc souhaité que l’on travaille sur le sujet avec toutes les parties prenantes, les employeurs et les organisations syndicales notamment.
Et j’ai retenu de nombreuses propositions concrètes qui m’ont été faites. Nous y travaillons et elles seront prochainement rappelées, notamment l’instauration d’un accompagnement et de formations sur la laïcité.
Nous travaillons aussi sur la question des conditions de travail qui est une problématique forte des agents. Je finalise actuellement un plan sur ce sujet pour mieux prévenir les situations de pénibilité, pour mieux accompagner les agents qui ont besoin d’une évolution de carrière, pour s’adapter aux nouvelles situations de travail, comme le numérique avec le droit à la déconnexion.
[Construire la Fonction publique de demain]
Il nous faut répondre aux préoccupations concrètes des agents mais il nous faut aussi, et c’est la grandeur de ce ministère, tenir modestement, mais fermement, un cap. Ce cap, cette vision ambitieuse, c’est celle que je porte et que Marilyse Lebranchu a porté avant moi : celle d’une Fonction publique plus ouverte et plus transparente, plus diverse et plus innovante, plus efficace et plus performante. Pour faire de cette vision une réalité, nous avons pris plusieurs mesures fortes.
En tant que Ministre de la Fonction publique, j’ai défendu, et c’est bien légitime, les fonctionnaires à chaque fois qu’ils étaient attaqués à tort. Redonner du sens, c’est aussi reconnaître l’implication des fonctionnaires à leur juste valeur.
Je pense bien sûr à la hausse du point d’indice que nous avons décidé en mars 2016. Le dégel du point était une mesure attendue par l’ensemble des fonctionnaires et de leurs représentants.
Je pense aussi à la revalorisation des plus bas salaires de la Fonction publique initiée en 2014 et 2015. Cette hausse a bénéficié à tous les agents de catégories C.
Je pense enfin à la mise en oeuvre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Ce dispositif marque une avancée pour les agents car il leur offre des perspectives d’évolution nouvelles.
[Défendre une Fonction publique en mouvement]
Avec ces mesures de justice, nous avons voulu redonner un élan à la Fonction publique. Mais nous ne pouvions nous contenter de cela. La Fonction publique doit se réinventer en profondeur. Il en va de sa survie.
Très tôt, j’ai pris conscience de cette nécessité. Comment la préparer aux défis du monde de demain ?
Comment anticiper l’évolution des demandes des citoyens ?
Comment repenser nos pratiques managériales ?
Comment accompagner la fonction publique pour la rendre plus souple, plus agile et plus juste ?
Contrairement à ce que peuvent dire certaines mauvaises langues, cette transformation n’est pas un saut dans l'inconnu. Au contraire, c'est un pari sur l'intelligence et la responsabilité des agents publics.
Redonner du sens à la Fonction publique et aux missions de ses agents ne peut passer que par l’écoute de ces derniers. Ce sont eux qui, sur le terrain, font fonctionner les rouages complexes de notre machine administrative. Ce sont eux qui sont en première ligne, au contact de nos concitoyens et à ce titre, il était indispensable de leur redonner la parole.
C’est l’ambition de l’initiative que j’ai lancé en septembre dernier et qui achève sa première étape aujourd’hui avec vous. Une initiative portée par le regard à la fois critique et optimiste des fonctionnaires sur leur propre travail.
[Ma Fonction publique se réinvente]
Permettez-moi de revenir un instant sur la genèse de cette grande consultation.
Afin de préfigurer ce que pourrait être la Fonction publique de demain, j’ai lancée en septembre à l’Ecole nationale d’administration à Strasbourg avec ses élèves et ceux de l'Inet, «Ma Fonction publique se réinvente ». L’objectif : consulter les agents sur le terrain et leur donner la possibilité de mettre en oeuvre des initiatives qu’ils auraient eux-mêmes imaginées.
En 6 mois, des centaines d’agents publics des trois versants de la fonction publique se sont prêtés au jeu et ont conçu des projets innovants qui apportent un plus pour l’agent et pour l’usager.
Ces projets font écho avec ce qui se fait déjà sur le terrain notamment en matière d’innovation managériale, de transition numérique et de bien-être au travail.
La fonction publique sait innover. C’est une certitude. Elle est prête à se réinventer en profondeur et les fonctionnaires seront les vecteurs de cette mue. Pour accompagner cette impulsion, j’ai décidé de mettre en place un fonds d’innovation RH d’1 million d’euros pour faire de l’innovation en matière de ressources humaines une des priorités stratégiques de mon ministère.
Résumons. Avec cette consultation, ce sont les fonctionnaires eux-mêmes qui vont co-construire leur environnement de travail. Ce sont eux qui vont libérer leur créativité et faire remonter leurs bonnes pratiques. Et pour que cette consultation ne reste pas lettre morte, je serai attentive à ce que les meilleures initiatives soient traduites en actes.
Ces initiatives, je souhaite les faire connaitre et les soutenir afin qu’elles se diffusent de la façon la plus large et pérenne possible.
Elles permettront, j’en suis convaincue, d’aller vers une conception ascendante des politiques publiques et contribueront à réunir les conditions d’une adaptation de l’administration à la société du XXIème siècle.
Ces moments d’échange sont très importants pour moi car ils témoignent du dynamisme de la Fonction publique mais aussi de la volonté des agents de se saisir pleinement des problématiques qui entravent parfois leur manière de rendre le service public à l’usager.
Ce sont eux qui justifient le rôle des fonctionnaires et qui donnent du sens à leurs missions. Les services et les politiques publics sont faits pour eux et trop souvent, certains l’oublient.
Le récent rapport du CESE sur l’évolution de la Fonction publique et des principes qui la régissent s’inscrit dans notre démarche d’innovation. Je m’en réjouis ! Preuve que nous sommes sur la bonne voie.
Mesdames et Messieurs, j’ai la conviction qu’un des grands enjeux de l’État au XXIème siècle consistera, selon moi, à sortir d’un modèle vertical descendant pour autoriser l’initiative de terrain visant à innover dans la façon de rendre le service public aux usagers.
En tant que Ministre de la Fonction publique, ma position est sans appel : il n’y aura pas de redressement sans la puissance publique, c’est-à-dire sans le service public et sans les fonctionnaires. La Fonction publique du XXIème siècle que j’appelle de mes voeux, c’est une Fonction publique ancrée dans les attentes des français, capable de relever les défis de la modernité et d’anticiper les évolutions du monde.
Là est une de mes convictions fondamentales : rien ne se construira de durable sans le renforcement de l’adhésion des citoyens à notre modèle français de fonction publique et sans redonner aux agents la fierté du service public.
Toutes ces pistes de réformes sont déjà engagées. Il nous faut pourtant aller beaucoup plus loin et c’est la raison d’être de cet événement.
Je vous souhaite à tous une excellente journée d’échanges et de dialogue, vous qui êtes, j’en suis sûre, des passionnés de la Fonction publique.
Je vous remercie.