L'entretien professionnel des agents - 22/11/2016
Le nouvel article 1-4 du décret du 17 janvier 1986 relatif à la procédure d’évaluation des agents contractuels transpose l’engagement du Gouvernement d’améliorer les droits à évaluation des agents contractuels.
Il s’agit d’étendre à tous les agents contractuels recrutés pour un besoin permanent, le bénéfice d’un entretien professionnel annuel, conduit dans les mêmes conditions que celui des agents titulaires exerçant des fonctions comparables. Les dispositions introduites s’inspirent de celles prévues pour l’évaluation des fonctionnaires, c’est-à-dire le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 fixant les conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’État. A cet égard, il est possible de se reporter à la circulaire du 23 avril 2012 relative aux modalités d’application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’État.
Il n’est toutefois pas renvoyé explicitement à la réglementation applicable aux titulaires, dans la mesure où certaines dispositions ont dû être adaptées. La possibilité du recours hiérarchique ainsi que la saisine éventuelle de la CCP, ont été introduites selon les mêmes modalités que pour les fonctionnaires.
L’évaluation des agents contractuels participe d’une démarche de management et d’atteinte des objectifs fixés en cohérence avec ceux du service et de la politique publique dans laquelle celui-ci s’inscrit. Elle doit être articulée avec la politique d’évaluation conduite pour les fonctionnaires.
1 - Le champ des agents concernés
Le principe de l’évaluation n’est plus réservé aux seuls agents en CDI, mais posé pour tous les agents recrutés afin de répondre à des besoins permanents et par contrat d’une durée supérieure à un an. Il appartient donc à chaque administration de mettre en place un entretien professionnel pour les agents engagés en CDD.
L’entretien professionnel concerne les agents remplissant deux critères :
- être recruté pour répondre à un besoin permanent : en sont exclus les agents qui sont recrutés sur des besoins temporaires (remplacement d’agents absents - article 6 quater - vacance temporaire d’emploi -article 6 quinquies - surcroît temporaire d’activité – article 6 sexies).
- être recruté par contrat d’une durée supérieure à un an : le rythme annuel de l’évaluation justifie en effet que les agents recrutés pour répondre à des besoins temporaires d’une durée inférieure à un an ne soient pas évalués.
Ne sont pas soumis au dispositif de l’entretien professionnel prévu à l’article 1-4 du décret du 17 janvier 1986, les agents qui, bien que répondant à ces deux critères, exercent des missions similaires à celles de titulaires dont les corps ne sont pas régis par le décret du 28 juillet 2010. La valeur professionnelle de ces agents est appréciée dans des conditions fixées par arrêté du ministre ou par décision des autorités compétentes pour assurer leur recrutement et leur gestion (V de l’article 1-4).
2 - La procédure de l’entretien
Un entretien annuel est désormais obligatoire pour chaque agent contractuel engagé pour répondre à un besoin permanent par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée d’une durée supérieure à un an. Il présente les mêmes caractéristiques que celles de l’entretien conduit avec un fonctionnaire.
Le II de l’article 1-4 du décret du 17 janvier 1986 prévoit une procédure précise quant à l’établissement du compte rendu de l’entretien professionnel et sa communication puis notification à l’agent.
L’entretien professionnel est encadré et doit se dérouler dans des conditions clairement définies puisqu'il peut avoir des répercussions sur l’avenir professionnel de l’agent, notamment en termes de réévaluation de la rémunération. Il convient toutefois de rappeler que si l’entretien professionnel peut avoir un lien avec le licenciement professionnel ou le non renouvellement d’un contrat, dans la mesure où il peut le justifier, il doit être distinct de l’entretien préalable au licenciement ou au non renouvellement de contrat. En conséquence, s’il est envisagé de licencier un agent pour insuffisance professionnelle ou de ne pas renouveler son contrat pour cette raison, des entretiens spécifiques doivent par ailleurs être diligentés.
L’entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct de l’agent, celui-ci étant le mieux à même d’apprécier les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés et d’engager la discussion avec l’intéressé.
La circulaire du 23 avril 2012 rappelle que le supérieur hiérarchique direct, qui exerce son pouvoir hiérarchique sur l’agent ne peut déléguer son pouvoir d’évaluation sans dénaturer l’entretien professionnel. De plus, la conduite de l’entretien par une autre personne que le supérieur hiérarchique direct rend la procédure d’évaluation irrégulière (CE, 6 déc. 2006, n°287453). Enfin, le supérieur hiérarchique doit conduire seul l’entretien et ne peut se faire accompagner d’une autre personne.
Ainsi, le compte rendu est :
1) établi et signé par le supérieur hiérarchique direct de l’agent (SHD),
2) communiqué à l’agent qui le complète, le cas échéant, de ses observations,
3) visé par l’autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l’estime utile, ses propres observations,
4) notifié à l’agent qui le signe pour attester qu’il en a pris connaissance puis le retourne à l’autorité hiérarchique qui le verse à son dossier.
Il convient donc bien de distinguer la phase de communication de la phase de notification :
- La phase de communication à l’agent clôt l’échange bilatéral entre le SHD et l’agent évalué. L’agent peut, à cette occasion, formuler ses observations finales sur l’entretien professionnel.
- L’autorité hiérarchique[1] intervient ensuite, afin de viser le compte rendu. Elle prend ainsi connaissance de l’ensemble du document qui constitue le support de l’exercice d’évaluation et comprend les éventuelles observations finales de l’agent. Elle y appose, le cas échéant, ses observations sur la valeur professionnelle.
- Enfin, l’agent se voit notifier le compte rendu et peut prendre connaissance des éventuelles observations de l’autorité hiérarchique. Cette notification, qui intervient en fin de procédure, constitue le point de départ des délais de recours. A cet égard, il est rappelé que la notification doit mentionner clairement les voies et délais de recours administratifs et contentieux.
La procédure d’évaluation (notamment son mode d’organisation, le régime des formations à l’évaluation à mettre en place, etc.) est définie dans chaque ministère ou chaque établissement public. Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’organisation du service, il convient de la soumettre à l’avis du comité technique (CT) compétent (cf. IV de l’article 1-4 du décret du 17 janvier 1986).
3 - L’objet de l’entretien
L’entretien porte sur une liste de thèmes prédéterminés par le I de l’article 1-4 du décret du 17 janvier 1986 qui reprend essentiellement les dispositions de l’article 3 du décret du 28 juillet 2010 fixant les conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’État.
1° Les résultats professionnels obtenus par l’agent, eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d’organisation et de fonctionnement du service dont il relève ;
2° Les objectifs assignés à l’agent pour l’année à venir et les perspectives d’amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d’évolution des conditions d’organisation et de fonctionnement du service ;
3° La manière de servir de l’agent ;
4° Les acquis de son expérience professionnelle ;
5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d’encadrement qui lui ont été confiées ;
6° Les besoins de formation de l’agent eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu’il doit acquérir et à son projet professionnel ;
7° Ses perspectives d’évolution professionnelle et notamment ses projets de préparation aux concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la fonction publique. Il convient de rappeler que la durée de la période d’emploi de six années a notamment pour objectif de permettre à ces agents contractuels de remplir les conditions pour s’inscrire aux concours internes. Il vous appartient de prendre toutes les dispositions utiles pour informer les agents que ces concours leurs sont ouverts ainsi que des voies d’accès aux formations et cycles de préparation aux concours administratifs correspondant à leur qualification et à leurs projets professionnels.
4 - Les recours
Le recours prévu par le III de l’article 1-4
En application du III de l’article 1-4 du décret du 17 janvier 1986, en cas de contestation, l’agent peut adresser une demande de révision du compte rendu de l’entretien professionnel à l’autorité hiérarchique, dans un délai de 15 jours francs à compter de la date de notification de ce compte-rendu. L’autorité hiérarchique dispose ensuite d’un délai de 15 jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision pour notifier sa réponse à l’agent. A compter de la date de notification de cette réponse, l’agent dispose alors de la possibilité de saisir la commission consultative paritaire (CCP), dans un délai d’un mois. Le recours hiérarchique constitue donc un préalable obligatoire à la saisine de la CCP, dans une logique de prévention et de résolution des conflits.
Les recours de droit commun
Le recours spécifique du III de l’article 1-4 n’est pas exclusif des recours administratifs et contentieux de droit commun. Aussi, l’agent qui souhaite contester son compte rendu d’entretien professionnel peut tout à fait exercer un recours de droit commun devant le juge administratif, dans les deux mois[2] suivant la notification du compte rendu de l’entretien professionnel et sans exercer de recours gracieux ou hiérarchique (et sans saisir la CCP).
Il peut aussi saisir le juge administratif après avoir exercé un recours administratif de droit commun (gracieux ou hiérarchique).
Il peut enfin saisir le juge administratif à l’issue de la procédure spécifique définie par le III de l’article 1-4 précité. Le délai de recours contentieux, suspendu durant la procédure prévue par le III de l’article 1-4, repart à compter de la notification de la décision finale de l’administration faisant suite à l’avis rendu par la CCP et non à compter de la date de l’avis de la CCP, cet avis ne faisant pas grief et n’étant donc pas susceptible de recours.
[1] La notion d’autorité hiérarchique est explicitée dans la circulaire du 23 avril 2012 précitée (cf. p.8 : « L’autorité hiérarchique est bien distincte du chef de service. Il s’agit de l’autorité placée immédiatement au-dessus du SHD soit le n+1 du SHD ou le n+2 de l’agent évalué. A ce titre, et dans le cadre de l’exercice de son pouvoir hiérarchique, cette autorité peut retirer ou réformer les actes pris par son subordonné (le SHD). Ainsi, dans le cadre de l’évaluation, en cas de recours hiérarchique exercé par l’agent, l’autorité hiérarchique peut réviser le compte-rendu en cause ».) Il appartient aux départements ministériels, en fonction de l’organisation de leur structure, de déterminer s’ils le souhaitent les autorités hiérarchiques compétentes puisqu’à l’instar du décret du 28 juillet 2010, le IV de l’article 1-4 du décret du 17 janvier 1986 prévoit que « Des arrêtés des ministres intéressés ou des décisions des autorités investies du pouvoir de gestion des corps concernés, pris après avis des comités techniques paritaires compétents, précisent les modalités d’organisation de l’entretien professionnel, le contenu du compte rendu qui se réfère aux thèmes mentionnés à l’article 3 et, le cas échéant, la liste des autorités hiérarchiques compétentes ». [2] Délai porté à 3 mois dans certaines situations spécifiques : cf. articles R. 421-6 et R. 421-7 du code de justice administrative.