Obligation de reclassement - 22/11/2016
Le décret du 3 novembre 2014 tire les conséquences de la reconnaissance par le juge d’un droit à reclassement en certaines circonstances.
Avant la publication de la loi du 12 mars 2012, il n’existait aucune disposition législative ou réglementaire obligeant à reclasser un agent non titulaire du fait de circonstances particulières (inaptitude physique, suppression de son emploi etc…).
Cette absence de droit à reclassement s’est justifiée, historiquement, par la spécificité des conditions de recrutement des agents contractuels qui les exclut notamment de la logique de carrière des fonctionnaires. Recruté pour répondre à un besoin spécifique sur un emploi déterminé du fait de compétences particulières, l’agent contractuel n’a pas vocation à occuper tous les emplois correspondant à son grade mais le seul emploi qui a justifié la conclusion de son contrat. Dans ces conditions, il a été considéré que la suppression du besoin qui justifiait la conclusion du contrat devait pouvoir justifier le licenciement sans droit à reclassement préalable de l’agent.
L’introduction du CDI en 2005 dans le droit de la fonction publique a conduit toutefois progressivement à reconnaître à ces agents « un droit à la carrière », obligeant à repenser les termes de la question du droit à reclassement des agents contractuels. C’est ainsi que le juge administratif a reconnu en certaines circonstances un droit à reclassement des agents contractuels.
Par ailleurs, le législateur a pris acte de cette évolution et oblige à organiser dans les textes réglementaires applicables aux agents contractuels « les obligations de reclassement » de ces agents.
1 - La reconnaissance d’un droit à reclassement aux agents contractuels dans certaines circonstances
Conformément aux principes généraux du droit dégagés par le juge administratif, l’article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 impose une obligation de reclassement des agents contractuels recrutés avant leur licenciement dans plusieurs circonstances. Ce reclassement concerne les agents recrutés pour des besoins permanents par CDI ou par CDD lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat.
1/ Un principe général du droit (PGD) à reclassement avant tout licenciement pour inaptitude physique (ce point est détaillé au niveau de la partie relative à l’aptitude physique).
Dans sa décision du 2 octobre 2002, req. n°227868, le Conseil d’État a dégagé le principe général du droit selon lequel « lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur de le reclasser dans un autre emploi et en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé son licenciement. ».
Ce PGD a été inspiré des articles L. 1226-2, L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail et des règles statutaires applicables aux fonctionnaires notamment de l’article 63 de la loi du 11 janvier 1984 qui organise le droit au reclassement des fonctionnaires de l’État, devenus inaptes physiquement.
Ce principe dégagé par la jurisprudence a été expressément reconnu applicable aux agents contractuels (CE, 26 fév. 2007, n°276863).
2/ L’obligation de reclassement d’un agent recruté sur besoin permanent avant son licenciement motivé par le recrutement d’un agent titulaire sur le poste qu’il occupe (avis du Conseil d’État ; 25 septembre 2013, n°365139).
3/ Droit au reclassement en cas de licenciement inhérent à la suppression ou la transformation du besoin ou de l’emploi ayant justifié le recrutement de l’agent.
Dans son arrêt du 18 décembre 2013 (req. n°366369), le Conseil d’État a érigé en PGD, le droit à reclassement d’un agent avant son licenciement pour suppression d’emploi.
4/ Droit au reclassement en cas de refus de modification d’un élément substantiel du contrat proposée dans les conditions prévues à l’article 45-4 du décret du 17 janvier 1986
En cohérence avec l’article 45-5, l’article 45-4 prévoit la modification du contrat de travail liée à la transformation du besoin ou de l’emploi afin de permettre aux administrations de s’adapter aux besoins sans avoir à licencier l’agent.
Le décret du 3 novembre 2014 a introduit, dans le décret du 17 janvier 1986, l’article 45-4 rédigé sur le modèle de l’article L. 1222-6 du code du travail permettant de modifier certaines clauses du contrat de travail pour des motifs tirés de l’intérêt du service, afin de permettre aux administrations de s’adapter aux besoins sans avoir à licencier l’agent.
La modification d’une clause substantielle d’un contrat de travail justifiée par l’intérêt du service était déjà reconnue par la jurisprudence administrative.
La mise en œuvre de cette disposition permet de prévenir le licenciement dans l’intérêt du service, susceptible d’être mise en œuvre en application des nouvelles dispositions précitées.
Ainsi, en cas de transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel recruté pour un besoin permanent, l'administration peut proposer la modification d'un élément substantiel du contrat de travail tel que la quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail.
Elle peut proposer dans les mêmes conditions une modification des fonctions de l'agent, sous réserve que celle-ci soit compatible avec la qualification professionnelle de l'agent. Lorsqu'une telle modification est envisagée, la proposition est adressée à l'agent par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Cette lettre informe l'agent qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation.
À défaut de réponse dans le délai d'un mois, l'agent est réputé avoir refusé la modification proposée.
La procédure de modification du contrat de travail prévue à l’article 45-4 est une procédure applicable en dehors de la procédure de reclassement qui s’impose à l’employeur en cas de licenciement dans l’intérêt du service. Autrement dit, elle peut être mise en œuvre en dehors de toute procédure initiée de reclassement/ licenciement. En revanche, lorsqu’elle n’aboutit pas, l’employeur doit mettre en œuvre la procédure de reclassement/ licenciement.
Le décret du 17 janvier 1986 distingue en effet le refus par l’agent d’accepter une modification d’une clause substantielle qui est assimilé à un licenciement avec des garanties de reclassement, délai de réflexion, consultation CCP, versement de l’indemnité de licenciement de l’acceptation par l’agent de la modification de la clause substantielle.
Si l'agent s'oppose à une modification substantielle de son contrat, motivée par l'intérêt du service et refuse la poursuite de la relation contractuelle aux nouvelles conditions, l'administration peut décider de mettre un terme au contrat : cette décision est considérée par le juge comme un licenciement, ouvrant droit aux indemnités de licenciement. L'agent ne peut jamais être considéré comme démissionnaire ni comme l'auteur d'un abandon de poste. La décision de licenciement ne peut intervenir qu’après que l’employeur a tenté de reclasser l’agent.
En revanche, l’agent qui accepte une modification substantielle de son contrat (article 52 du décret du 17 janvier 1986) ne peut percevoir l’indemnité de licenciement.
2 - Les conditions et la procédure du droit à reclassement (article 45-5 du décret du 17 janvier 1986)
2.1 Les conditions
Le respect du principe d’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires
Instauré par voie réglementaire, le droit à reclassement ne peut s’exercer que dans un emploi susceptible d’être pourvu par un agent contractuel. Concernant la mise en œuvre du principe général du droit à reclassement avant tout licenciement pour inaptitude physique, la jurisprudence exclut explicitement le droit à reclassement dans des emplois autres que ceux que la loi autorise à pourvoir par des agents contractuels.
Dans ce cadre, l’article 45-5 I reprend le considérant de la jurisprudence administrative et indique : « Le licenciement pour un des motifs prévus aux 1° à 4° de l'article 45-3 ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent, dans un autre emploi que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents contractuel, n'est pas possible ».
Il convient de noter que dès lors que l’intéressé remplit les conditions de l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, l’administration peut maintenir le CDI de l’agent dès lors que celui-ci est reclassé sur un emploi correspondant à un besoin permanent (articles 4 ou 6 de la loi du 11 janvier 1984), de même catégorie hiérarchique que celui précédemment occupé et justifiant d’une durée de services publics de six ans d’ancienneté.
Le périmètre de l’obligation de reclassement
Aux termes du troisième alinéa du I de l’article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 et conformément à la jurisprudence administrative, l’agent public est susceptible d’être reclassé dans les différents services relevant de l’autorité de recrutement.
L’efficacité du dispositif de reclassement dépend en effet tout particulièrement de la responsabilisation des employeurs.
Dans ce cadre, l’autorité ayant reçu compétence pour recruter l’agent contractuel doit chercher à reclasser l’agent dans un autre emploi au sein de ses différents services. Le juge a également rappelé que l'obligation de rechercher un reclassement ou, à défaut, de licencier ne s'applique pas à la collectivité qui n'est plus en situation d'employeur, et notamment lorsque le dernier contrat est arrivé à son terme .
La détermination du niveau et de la nature des emplois de reclassement
Dans les différentes jurisprudences reconnaissant une obligation de reclassement, le juge administratif indique que le reclassement s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut et sous réserve de l’accord exprès de l’agent, d’un emploi relevant d’une catégorie inférieure. Dans ce cadre, le deuxième du I de l’article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 reprend ces dispositions.
Un reclassement est possible sous réserve des nécessités de service et doit respecter les règles de recrutement des contractuels (l'échéance du contrat s'impose à la collectivité et à l'agent).
Le droit à reclassement s’exerce dans des emplois compatibles avec les compétences professionnelles de l’agent. Lorsque l’administration objecte une insuffisance de compétences pour reclasser un agent dans un emploi de même niveau mais mettant en œuvre des compétences différentes, le juge veille à ce que l’administration apporte la preuve de l’impossibilité de reclasser effectivement l’agent sur un emploi différent (CAA de Paris, 5 octobre 2004, n°02PA02622).
2.2 La procédure du droit à reclassement prévue à l’article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 (cf. annexe 3)
Lorsque l'administration envisage de licencier un agent, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 47 du décret du 17 janvier 1986. A l'issue de la consultation de la CCP prévue à l'article 1-2, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Il convient de rappeler que les représentants syndicaux mentionnés à l’article 47-2 du décret du 17 janvier 1986 bénéficient d’une protection particulière. Conformément à cet article, la consultation de la CCP doit en effet intervenir avant la tenue de l’entretien préalable en cas de licenciement d’un agent.
- La lettre précise le motif du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 46 du décret du 17 janvier 1986 (II de l’article 45-5).
- Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 46 précité et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées.
- Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué à l'avant dernier alinéa du b, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 46.
- Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 46 précité, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois dans l'attente d'un reclassement.
- Le placement de l'agent en congé sans traitement suspend la date d'effet du licenciement. Une attestation de suspension du contrat de travail du fait de l'administration est délivrée à l'agent. Dans ce cas, s’agissant d’une perte involontaire d’emploi, l’agent bénéficie des allocations chômage prévues par l’article L. 5424-1 du code du travail.
-L'agent peut à tout moment, au cours de la période de trois mois mentionnée, revenir sur sa demande de reclassement. Il est alors licencié.
- En cas de refus de l'emploi proposé par l'administration ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié. Ce licenciement fait l’objet d’un acte notifié à l’agent.
- L'administration porte à la connaissance de la CCP les motifs qui, le cas échéant, empêchent le reclassement de l'agent.
La recherche de reclassement de l’agent avant son licenciement doit être réelle et le juge impose à l’employeur une obligation de moyen et non de résultat lui imposant d’examiner toutes les possibilités.