Olivier Myard, fonctionnaire international (Promotion Nelson Mandela, 1999) - 05/03/2015
Du privé au public : une aventure au service de l'État, exaltante mais semée d'embûches
Avant l’ÉNA, j'étais vendeur institutionnel dans une banque britannique à Paris, c'est à dire que je distribuais des produits financiers diversifiés (actions, obligations, produits de gestion collective, émissions d’emprunts, et autres services financiers) à une clientèle d’entreprises, de banques, compagnies d'assurances et caisses de retraite. Je gagnais très bien ma vie mais m’ennuyais dans une activité trop sédentaire, essentiellement tournée vers le marché français. Dans l'idéal, j'aurais voulu pouvoir faire la promotion de l'économie française à l'étranger, et son corollaire, proposer à des investisseurs étrangers des opportunités de placement en France.
Par chance, après quelques années dans ces fonctions, je fus appelé par la maison-mère à Londres, d'où je couvrais l'Europe. Ce fut une révélation, sans être véritablement une surprise, tant j'aspirais à ce mode de vie à l’étranger et de travail à l’international. Malheureusement, pour des questions stratégiques (au sein du Groupe, à cette époque, les Français avaient vocation à terme à suivre uniquement la clientèle française, et depuis Paris), cette ouverture au monde était une exception et devait être sans véritable lendemain.
En conséquence, un changement d'employeur s’imposait.
D'un autre côté, j'avais fait le constat comme citoyen de l'existence de passerelles "public-privé", mais à sens unique, et avais déploré cette situation.
Notre pays perdait beaucoup selon moi à ne pas bénéficier de cette forme de métissage, qui est banal chez nos partenaires. Aussi, lorsque j'ai entendu parler du 3ème concours, c’est avec enthousiasme que je me suis lancé dans l'aventure. J’avais aussi vu que l' État était, de par son nombre d'implantations à l'étranger, d’une certaine manière la première multinationale de France, et de plus, donnait la possibilité, en détachement, de rejoindre le secteur public international (agences onusiennes et autres organisations assimilées).
En définitive, j'ai eu la chance de connaître les deux sphères publique et privée.
Après avoir commencé ma carrière administrative, à la sortie de l'ÉNA, à St-Denis de La Réunion (juridictions financières), d'où je rayonnais aussi en Afrique pour des missions d'audit externe du Programme alimentaire mondial (la Cour des comptes avait alors un mandat auprès de cette agence onusienne), j'ai été détaché, en mobilité, à la Direction du Trésor, pour être affecté à l'Ambassade de France à Tunis. Comme conseiller financier, entre autres activités, je conseillais banques et compagnies d'assurances françaises intéressées par une implantation en Tunisie.
Par la suite, le Trésor m'a affecté à la Banque interaméricaine de développement (BID) à Washington, institution multilatérale pour l'Amérique latine et les Caraïbes. Puis ce fut le retour vers les juridictions financières, avec la nomination par la Cour des comptes au poste de directeur de l'audit externe (France) de l'ONU, ses fonds et programmes, à New York. Et aujourd'hui je suis à Montréal, où je dirige l'audit interne et l'évaluation de l'OACI, agence spécialisée de l'ONU pour l'aviation civile internationale, avec des implantations sur quatre continents, animant une petite équipe multiculturelle (six nationalités différentes).
Bien entendu, un tel parcours ne peut être le fruit du hasard. Compétences linguistiques, expériences internationale et managériale dans les secteurs économique et financier, d’abord accumulées dans le privé, puis confortées dans le public, ont joué un rôle dans les processus successifs de sélection. Je constate cependant que pour être recruté sur la stricte base de ma personnalité, mon parcours, et mes réalisations, sans les pesanteurs de mon corps d’origine et l’opacité de certains processus de nominations dans la sphère publique, il a fallu que je sorte complétement de l’administration française, et m’oriente vers la fonction publique internationale, où je développe ma carrière désormais (a priori sans retour). Les procédures de sélection y sont totalement ouvertes, et les décisions le fruit de jurys indépendants, sur la base du profil et des compétences.
Certes, vingt ans après le début de cette passionnante aventure, je reste un fervent supporter de l’hybridation public-privé. Mais dans le cas français, un certain nombre d’interrogations sont toujours d’actualité.
Il eut été plus logique que l'État appréhende davantage nos spécificités, dès la sortie de l'ÉNA, et nous oriente directement vers les secteurs d’activité et les fonctions où nous serions les plus utiles.
Ayant déjà par définition au moins huit années d’expérience professionnelle, nous n’avons pas de temps à perdre (et la collectivité non plus !), une fois le cycle préparatoire et le cursus ÉNA terminés.
La réforme qu'avait voulue le précédent gouvernement allait dans ce sens, mais à ma connaissance elle n'avait jamais pu être mise en œuvre.
De plus, il faudrait qu’il existe une entité centrale de gestion des carrières, avec vue sur tout le secteur public, qui assurerait un suivi individualisé des 3ème concours.
L’objectif serait, afin d’optimiser les ressources, de surmonter les barrières des corps de la haute fonction publique, en attendant (chimère ?) leur fusion en trois ou quatre grandes familles de métiers. Idéalement, toutes les vacances de postes de niveau « A+ » devraient être publiées, et la sélection ouverte (combien de postes « annoncés » sont en réalité « fléchés » ?). Encore un chantier de modernisation de l’action publique à mener.