Interview de Nicolas de Saussure, chef de service à la DGAFP - 06/11/2018
Les élections professionnelles dans la fonction publique en 2018
En quoi les élections professionnelles dans la fonction publique du 6 décembre 2018 représentent-elles un enjeu ?
Le scrutin du 6 décembre prochain constitue un rendez-vous important pour les agents de la fonction publique. Ce sont plus de 5,2 millions de fonctionnaires et d’agents contractuels des trois versants de la fonction publique – État, territoriale et hospitalière – qui seront appelés à voter pour désigner leurs représentants du personnel. L’ensemble des instances de concertation de la fonction publique seront renouvelées à cette occasion : instances supérieures, comités techniques, comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des commissions administratives paritaires ou bien encore des commissions consultatives paritaires.
Il s’agit d’un moment important pour la démocratie sociale dans la fonction publique dans la mesure où les résultats des élections conforteront la légitimité de ces instances dont le rôle est majeur à double titre. En premier lieu, en tant que lieu privilégié du dialogue social dans la fonction publique, elles sont consultées par les employeurs publics sur des sujets qui concernent le quotidien des agents tels que l’organisation des services, les politiques indemnitaires, les conditions de travail ou encore les questions individuelles. Ce sont, en outre, les organisations syndicales élues qui auront, en outre, la qualité pour participer à des négociations avec les employeurs publics. En second lieu, les scrutins organisés permettront d’établir la représentativité des organisations syndicales au niveau inter-fonction publique : les organisations syndicales reconnues comme représentatives au niveau national siègeront dans les enceintes nationales de la concertation de la fonction publique que sont, d’une part, les Conseils supérieurs des trois versants et, d’autre part, le Conseil commun de la fonction publique. Elles seront donc les interlocuteurs du Gouvernement au niveau national pour les quatre prochaines années.
Les élections professionnelles, qui auront lieu le 6 décembre 2018, représentent donc un enjeu majeur pour la qualité du dialogue social dans la fonction publique, notamment dans un contexte de transformation des administrations publiques.
Quel est le cadre juridique des instances du dialogue social dans la fonction publique ?
Le droit de participation des agents publics énoncé à l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946[1] et à l’article 9 du statut général se concrétise par l’existence d’organismes consultatifs au sein desquels siègent des représentants du personnel et de l’administration.
Ces organismes traitent tant des questions collectives (instances supérieures, CT, CHSCT) qu’individuelles (CAP/CCP) et rendent un avis préalablement à la décision de l’administration qui ne la lie pas. Les représentants du personnel au sein des CT et des CAP/CCP sont élus tous les quatre ans ; ceux des CHSCT sont désignés par les organisations syndicales les plus représentatives aux CT. La composition des trois conseils supérieurs et du conseil commun se fonde sur la représentativité nationale tirée des élections aux CT. A la suite de la loi du 5 juillet 2010 transposant les accords de Bercy, la durée des mandats a été harmonisée à quatre ans, avec un renouvellement à date unique.
Comment s’est organisée la préparation de ces élections ?
Les élections représentent également un défi sur le plan de l’organisation : près de 22 000 instances seront renouvelées sur la base des élections auxquelles sont appelés à participer, pour différents scrutins et lors d’une date unique, près de 5,2 millions d’agents publics.
La mobilisation de tous les acteurs constitue l’une des conditions de réussite de ces élections. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faire de ces élections un rendez-vous réussi.
La préparation des élections fait l’objet d’une vaste concertation entre les employeurs publics et les organisations syndicales siégeant actuellement dans les instances pour ce qui concerne les textes juridiques permettant de sécuriser les élections (mode de scrutin, composition en nombre des instances, cartographie…) et avec l’ensemble des organisations syndicales qui envisagent de présenter leur candidature pour ce qui concerne l’organisation matérielle des votes.
Par ailleurs, les élections sont inscrites à l’agenda social de la fonction publique depuis septembre 2017 : des réunions techniques, pilotées par la DGAFP qui assure la coordination d’ensemble du dispositif, ont eu lieu tous les deux-trois mois réunissant les employeurs des trois versants et les neuf organisations syndicales représentatives de la fonction publique. La réunion régulière du réseau de correspondants RH aura permis de faire régulièrement le point sur l’état d’avancement des travaux, de s’assurer de la bonne organisation matérielle des élections, de proposer des outils de communication et d’échanger sur des questions juridiques, mais aussi sur des questions très concrètes, telles que « quelle mention doit figurer sur le bulletin de vote ?», « à quelle date s’apprécie la qualité d’électeur ?» ou « qu’est-ce qu’une candidature commune de deux syndicats ? ».
Quelles sont les nouveautés pour le scrutin de 2018 ?
Le renouvellement général des instances en 2018 sera marqué par deux caractéristiques importantes :
D’abord, les listes de candidats seront composées, pour la première fois, d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes des effectifs représentés au sein de certaines instances.
L’objectif poursuivi est d’encourager la féminisation de la représentation du personnel. Cette évolution représente un progrès visant à refléter au plus juste, pour la représentation des personnels, la photographie de la composition des effectifs au sein de la fonction publique.
Par ailleurs, ces élections seront marquées par le développement du recours au vote électronique. Pour la fonction publique de l’Etat, huit ministères auront recours au vote électronique de manière pérenne (Education nationale, Intérieur, ministères économiques et financiers) ou expérimental (Armées, Affaires sociales, CDC). La Poste et Orange recourront également au vote électronique. Pour la première fois des collectivités territoriales et des établissements de santé organiseront leurs scrutins par vote électronique. Afin que le vote électronique au sein des administrations y recourant se déroule dans les meilleures conditions, ce mode de scrutin nécessite une phase préparatoire plus importante que le recours au vote à l’urne (conclusion d’un marché, développement, déploiement, sécurisation et test de l’outil, etc…). Dans ce cas et à titre dérogatoire, les élections se dérouleront sur plusieurs jours.
Selon le choix opéré par l’administration, la collectivité ou l’établissement, les agents voteront donc selon différentes modalités : vote à l’urne, vote par correspondance ou bien encore vote électronique. Les administrations d’emploi les ont informés suffisamment à l’avance des modalités pratiques de vote retenues par elles.
Quelle communication est prévue à l’attention des personnels ?
Le Secrétaire d’Etat a estimé que l’importance du dialogue social dans la fonction publique justifiait qu’un effort particulier soit consacré à l’information et à la sensibilisation des agents. L’objectif recherché est informer le plus grand nombre sur les enjeux et les modalités pratiques d’organisation de ce scrutin en vue d’une participation du plus grand nombre. Une campagne d’information a été préparée en conséquence.
Plusieurs outils ont été déployés afin de communiquer sur l’importance des élections professionnelles pour les trois versants de la fonction publique. Ainsi un kit de communication comprenant divers outils (affiche A3, flyer, badge, bannière Web en plusieurs formats) et une foire aux questions, réalisés par la DGAFP, sont accessibles sur le portail de la fonction publique[2]. Des infographies sur les élections détaillant le rôle des instances, les chiffres clés, mais aussi le mode d’emploi et la représentation équilibrée sont également désormais en ligne. En vue de toucher le plus grand nombre d’agents, une campagne « grand public » (principalement digitale) est en cours de déploiement. Les employeurs publics ont eux-mêmes développé des plans de communication (page dédiée « élections sur leur site intranet, campagne de communication interne) à l’attention de leurs agents, selon leurs spécificités.
Comment va se passer la remontée des résultats pour la détermination de la représentativité nationale ?
Pour la détermination de la représentativité nationale et la nouvelle composition des instances supérieures, une cartographie précise des instances dont les résultats seront pris en compte a été établie avec le concours des administrations.
À l’État, les DRH ministérielles seront mobilisées pour récupérer et communiquer les résultats. Dans la FPT, la remontée se fera via les préfectures pour les collectivités. Dans la FPH, la remontée des résultats doit transiter par les Agences régionales de santé.
Un test général a eu lieu début octobre afin d’éprouver l’efficacité du système de remontée des résultats.
Ces élections sollicitent et vont plus fortement solliciter encore les agents des DRH, que ce soit pour garantir leur bonne tenue ou pour faire remonter des informations que beaucoup attendront avec la plus grande impatience. Les équipes de la DGAFP et des DRH des administrations sont fortement impliquées dans ce grand chantier « Élections professionnelles ».
[1] « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. »
[2] https://www.fonction-publique.gouv.fr/questions-reponses-elections-profe...